L'Open Finance, une chance pour les épargnants

Nombre d'entre nous ont entendu parler d'Open banking, qui vise à ouvrir les données bancaires des consommateurs pour les rendre accessibles à des services tiers.

Place aujourd’hui à l’Open Finance,  qui désigne l’ouverture des données de l’ensemble des comptes d’épargne et autres services financiers. De manière plus concrète, l’Open Finance élargit le scope d’ouverture des données bancaires d’un consommateur à tous les types de produits financiers : livrets d’épargne, compte titre, assurance-vie, PEA, Plan d’épargne entreprise etc. 

L’Open Finance : une petite révolution en gestation...

On constate que la Commission européenne, chargée notamment de la régulation des marchés financiers européens, s'intéresse de plus en plus à l’Open Finance. Il est même question d’une DSP3 afin d’y intégrer le scope des produits financiers . L’avenir le dira. Mais, dans l’attente et en l’absence de réglementation spécifique à l’Open Finance, le Règlement Général sur les Données Personnelles (RGPD) encadre strictement l’utilisation des données personnelles des utilisateurs et prévoit des droits de portabilité relatifs aux données bancaires. Aucun vide juridique n’est donc à déplorer, d’autant que l’Open Finance peut également être réglementée à travers la directive sur les marchés d’instruments financiers, dite MIFID entrée en vigueur depuis 2018.

Cette réglementation a pour objectif d'harmoniser les marchés financiers européens et de mettre en place un régime réglementaire applicable aux services d'investissement. Elle pose, parmi ses principes, la prise en compte du patrimoine global du client en matière de conseil en investissement . Actuellement, le partage des données clients avec le conseiller est réalisé de manière manuelle et déclarative. L'Open Finance permet dans cette perspective de répondre aux exigences posées par la directive MIFID, en tant qu’outil automatique permettant d’obtenir une vision globale la plus exhaustive possible et agrégée de la situation financière du client. 

… qui offre de nouvelles opportunités d’épargne et d’investissement

L’épargne des Français, investie à hauteur de 75% en dépôts, comptes / livrets d’épargne réglementée ou fonds en euro dans l’assurance vie, se caractérise par une forte proportion de produits dits “sécurisés” et génère à ce titre de faibles taux de rendement. En première lecture, on pourrait supposer que les épargnants français sont assez averses au risque. Néanmoins, il est également probable que ces choix de placements sous-optimaux soient le résultat d’un manque d’outil de suivi (reporting), ou en d’autres termes d’une absence de vision globale agrégé. Dès lors l'Open finance permet, en palliant à cette vision partielle ou ”parcellaire” des actifs financiers, de fournir une vision complète des avoirs. En effet, elle permet d’offrir un service de suivi et d’analyse plus pertinent qui aide les Français à réallouer leurs actifs au bénéfice des produits d’investissements potentiellement plus rentables et diversifiés. Le tout, dans l’objectif d’optimiser le rendement (net de frais) de celui-ci pour un niveau de risque souhaité. L’Open Finance offre dans cette perspective l’opportunité d’ouvrir l’accessibilité aux services financiers, reposant sur un service et conseil de qualité jusqu’ici réservé la plupart du temps aux clients de banque privée ou family office. Elle apporte par ailleurs une transparence inédite à l’ensemble des transactions financières, notamment à celle des plans d’épargne entreprise souvent oubliés et permet ainsi d’inventer de nouveaux usages. Parmi ces derniers, nous pouvons imaginer : 

  • l’analyse ISR /low carbone/mapping des ODD(Objectif de Développement Durable) de tout un ensemble de compte d’épargne et produits financiers,
  • la détection en automatique d’un profil de risque et compétence financière, 
  • la création d’un service de reporting couvrant l’ensemble des comptes d’épargne, incluant un scoring de diversification global par exemple,
  • ou encore l'échéancier consolidé des actifs disponibles via les différents comptes d’épargne entreprise et retraites et ainsi mieux préparer financièrement sa retraite.

Des freins encore présents, qui ne sont pas toujours justifiés  

Ces possibilités nouvelles rencontrent, sans surprise, un certain nombre de résistances. Tout d’abord, les acteurs financiers s’inquiètent de leur responsabilité, et notamment de savoir qui porterait la responsabilité d’un "défaut de conseil”.dans le cas ou le conseil repose sur ces données est-ce le conseiller, l’établissement bancaire, le prestataire de service d’accès aux données third party providers (TPP) ? Cette révolution nécessitera par ailleurs, du fait des possibilités offertes en matière de conseil financier, un niveau d’exigence de compétence financière des conseillers peut-être plus élevé. 

Par ailleurs, l’Open Banking, tel qu’il a été défini avec la directive DSP2, est un concept séduisant, mais dont l’application demeure parfois complexe dans certains parcours. Il en va de même pour l’Open Finance : comment traduire ses principes dans la réalité ? Comment composer avec la diversité des acteurs en jeu, en termes de cibles, de taille et de marché, sachant que tous les acteurs n’ont pas le même niveau de maturité ? 


Aussi certaines banques moins favorables à l’agrégation évoquent le risque informatique et l’absence d’incitation pour elles à partager les données de leurs clients. Ces arguments sont pourtant obsolètes. En ce qui concerne le risque de fuite de données, tous les prestataires de services tiers soumis à la DSP2 sont désormais agréés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et contraints à des contrôles réguliers. Pour ce qui touche à l’incitation, les acteurs bancaires seraient bien entendu prêts à accepter un partage de valeur de l’accès aux données. 

Nous pourrions imaginer un service gagnant-gagnant permettant à ces acteurs un gain de temps d’entretien de qualification de profil avec leurs clients et ainsi augmenter le temps de conseil (temps rémunérateur) versus le temps passé sur des étapes à faible valeurs ajoutées (récolte et mise à jour des données clients). En d’autres termes les tâches “automatisables” le seraient davantage et permettraient ainsi d’augmenter le temps de conseil "effectif" et ainsi apporter une forme de pédagogie financière, peut être pas assez présente dans le processus de vente actuel.   

En dernier lieu, l’agrégation des comptes d’épargne en complément des comptes de paiement dans un environnement régulé serait donc une proposition d’aménagement possible dans le cadre de la révision de la directive MIF 2. Cela obligerait les intermédiaires financiers à fournir à leurs clients un conseil qui tient compte de la situation globale et permettrait ainsi de délivrer un service dans l'intérêt de l’épargnant et non plus uniquement dans l'intérêt de la stratégie commerciale de l’établissement. Ceci entraînerait potentiellement une revue de la politique de rémunération de leurs conseillers afin de valoriser des critères plus qualitatifs, autre que le volume de vente du produit du moment. Certains acteurs ont d’ailleurs dores et déjà pris ce virage. 

L’Open Finance, qui s’inscrit dans le prolongement de l’Open Banking, ouvre sans aucun doute de nouvelles opportunités de développement de services à forte valeur ajoutée pour le secteur bancaire au sens large. Et, si elle n’est pas encore institutionnalisée par les régulateurs, ces derniers travaillent activement à une application fluide et sécurisée de ce nouveau paradigme. Nous sommes aux prémices de cette révolution.