Les fintechs bousculent le marché du recouvrement

Via un livre blanc qui prend le pouls du marché du recouvrement, GCollect et lesBigBoss rassemblent des témoignages (Edenred, Engie…) qui partagent leur expérience sur un marché en panne d'éthique.

Les lignes du marché du recouvrement bougent. Terminées les fameuses méthodes musclées des « chasseurs de dette », exit les lettres au ton menaçant et alléguant de poursuites judiciaires, de relances téléphoniques jusque sur le lieu de travail… de nouveaux acteurs digitaux viennent à la rescousse d’un marché du recouvrement en panne d’éthique et qui pèse pourtant plusieurs milliards d’euros.

Parlons chiffres, justement. Selon l’ANCR, le montant des créances impayées dans l’Hexagone chaque année s’élève à 56 milliards d’euros. De quoi prouver qu’il y a un caillou dans les rouages des procédures de recouvrement. Conscientes qu’il y a là une carte à jouer, une poignée de fintechs débarque pour assainir le secteur. L’idée : faciliter les procédures via leur digitalisation, les rendre plus transparentes et plus humaines dans un seul et unique but, celui de préserver la relation commerciale. C’est d’ailleurs ce que constate Florian Ait Mamar, vice-président prospective et innovation de l’AFDCC, association des credit managers : « La digitalisation du process de recouvrement permet de rendre plus accessibles les nouvelles méthodes de relance en mettant en évidence l’incohérence des stratégies de relance classiques basées sur un agenda uniforme ou divergeant en fonction d’une typologie de clients. L’agenda de relance se module, varie en fonction des événements, il n’est plus figé et permet aussi grâce au machine learning d’adapter sa relance à son interlocuteur ».

Le propos de Florian Ait Mamar n’est pas fortuit. Il a été collecté dans un cahier de tendances réalisé par GCollect, fintech du recouvrement, et lesBigboss, spécialiste du BtoB, qui rapproche entreprises et prestataires au cours d'événements de networking. Intitulé « Recouvrement : faire du cash collection une démarche éthique ! », le livre blanc, sur une cinquantaine de pages, ne rassemble pas seulement une série de témoignages de décideurs et d’experts financiers sur la digitalisation du secteur du recouvrement et les clés d’une procédure de recouvrement réussie. Loin de la même. L’ouvrage comprend également une étude réalisée par l’institut YouGov qui prend le pouls de ce marché et donne des orientations aux credit managers.

Un niveau de transparence maximum avec la fintech

Des chiffres sur le marché du recouvrement, l’étude en regorge. Exemple : si près de la moitié des dirigeants d’entreprises et des décideurs du secteur de la finance des grandes entreprises ont une mauvaise image des acteurs du recouvrement, 71% des répondants affirment que l’arrivée des fintechs est susceptible de changer leur perception du marché… à condition que ces dernières proposent une véritable panoplie d’outils tels qu’une offre de paiement fractionnée pour échelonner la dette, des solutions pour faciliter le paiement de la créance (Paypal, Google Pay, Lydia) ou encore une plateforme pour piloter le suivi des créances. « Le niveau de transparence avec la fintech doit être maximum, assure Déborah Chanson, Directrice Credit Management Edenred France. Le client doit pouvoir accéder en temps réel aux informations mises à jour : niveau de relance, qualification, compte rendu d’appels. Il est important que les sociétés de recouvrement puissent fournir un reporting régulier afin de pouvoir ajuster rapidement les scenarii et la stratégie, en fonction des résultats obtenus ». 

Autre bénéfice déterminant pour les décideurs : le gain de temps. « Le constat est clair : délaisser le règlement de factures impayées au service Comptabilité - déjà débordé - est improductif, explique Xavier Cruchet, Directeur Administratif et Financier chez ingredia Dairy Experts. D’autant plus que ce genre de tâches n’apporte aucune valeur ajoutée au travail des comptables qui prennent parfois des dossiers en cours sans en connaître les tenants et les aboutissants. Ce qui par ailleurs peut affecter considérablement la relation avec les clients, même s’ils sont défaillants ».

L’IA, outil d’aide à la prise de décision

Reste un facteur essentiel pour les décideurs que les fintechs ne doivent pas négliger : la personnalisation. À la question « Pourriez-vous faire confiance à l’IA pour personnaliser les processus de recouvrement ? », la moitié répond « Oui, mais uniquement si la technologie est couplée à l’intelligence humaine » (28% ne font pas confiance à cette technologie pour ses recouvrements). Comprendre ici que si la technologie fluidifie les process, le dialogue demeure indispensable. « La personnalisation est la pièce maîtresse pour le recouvrement d’une facture impayée, ajoute Xavier Cruchet. De ce point de vue, l’IA détermine le profil du client et sait à quel moment la relance doit intervenir pour mieux dialoguer avec le client. Mais l’humain a aussi un rôle à jouer dans ce processus. Un rôle de surveillance et d’intervention si la relance n’aboutit pas : il est ainsi complémentaire de la technologie et veille à ce que la relation comporte toujours un volet humain pour rassurer le client. » 

Même son de cloche chez Joffrey Eclancher, Credit Manager d’Alliance Healthcare : « Ce qu’il est important de saisir, c’est bien l’idée que c’est avant tout par la bonne connaissance du client (son passé, ses habitudes de paiement) et via la collecte de données, que le recouvrement gagne en efficacité. Alors oui l’IA, en tant qu’aide à la prise de décision, est un outil clé dans une approche client. Mais l’IA intervient seulement en complément de l’humain. Au final, l’humain contient l’approche client via l’IA dans le sens où il définit au départ les modèles et les matrices de l’IA et à la fin garde la touche personnalisée avec le client ». C’est peut-être à ça que doit ressembler le recouvrement : une procédure plus simple et rapide grâce à l’apport de la technologie tout en apportant une touche humaine grâce au dialogue et à la bienveillance. C’est ce que GCollect appelle le smart recouvrement.