Quel avenir pour les plateformes de lending en cryptos ?

Quel avenir pour les plateformes de lending en cryptos ? L'année 2022 aura été sanglante pour les plateformes de prêts en cryptomonnaies. Plus généralement, le modèle des plateformes centralisées est remis en cause, avec de potentiels gagnants : les protocoles décentralisés.

Même parmi les plus anciens du secteur, on ne se souvenait pas d'une année aussi difficile que 2022. Certes, la faillite de Mt. Gox en 2014 a fait très mal mais, à l'époque, les cryptomonnaies n'intéressaient pas grand monde. Bien entendu, d'aucuns retiendront le séisme FTX, déclaré en faillite en novembre 2022, comme point d'orgue d'une annus horribilis. Néanmoins, au moment de la chute du protocole Terra (LUNA), c'est un pan important de l'industrie crypto qui a heurté un iceberg : les plateformes de lending.

Celsius Network, leader américain du secteur, embourbé dans l'affaire Anchor et du stablecoin UST de Terra, n'a pas survécu au krach du marché. Finalement, l'iceberg s'est révélé fatal pour d'autres plateformes du même type, comme l'autre américaine BlockFi. Epargnée par les tempêtes Terra et FTX, l'entreprise bulgare Nexo, la troisième grande plateforme de lending, est empêtrée dans les affaires dans son pays, notamment accusée de blanchiment d'argent.

Si l'on regarde avec un peu de recul, on observe que le business model de ces plateformes paraît peu viable à long terme. Au contraire, les protocoles décentralisés proposant les mêmes services sont en train de monter en gamme et d'être utilisés par des institutionnels, comme l'a récemment fait la Société Générale.

Plateformes de lending : un modèle centralisé qui s'essouffle

Qu'est-ce qu'une plateforme de lending en cryptos ?

Lending signifie prêt en anglais. Ces plateformes ont ainsi pour objectif de prêter des cryptomonnaies à leurs utilisateurs. À l'inverse, certains utilisateurs peuvent eux-mêmes y placer leurs cryptomonnaies.

Les prêteurs sont récompensés par des versements d'intérêts hebdomadaires ou mensuels, avec des taux qui ont avoisiné les 10 % par an lors des périodes fastes. Chacune des plateformes avait ses arguments de vente. Ainsi, Nexo met en avant le fait de gagner de l'argent, comme si vous placiez vos cryptomonnaies sur un livret traditionnel. A l'inverse, Celsius se positionnait comme une banque des cryptos, avec laquelle vous pouviez tout faire, dont l'emprunt.

Ces plateformes ont connu un succès phénoménal en quelques mois seulement. Au moment de l'explosion de la finance décentralisée en 2019, les utilisateurs ont compris qu'ils pouvaient gagner beaucoup d'argent en prêtant leurs cryptomonnaies. Celsius et les autres se sont donc engouffrés dans la brèche pour proposer un moyen plus simple que les protocoles de DeFi. Le problème, c'est que le business model n'était pas viable.

Le constat d'échec des plateformes centralisées de lending

Une plateforme centralisée de lending fonctionne comme une plateforme d'échange classique. Son objectif est de générer du profit pour survivre et, dans les cryptomonnaies, le profit provient principalement des utilisateurs. Une plateforme comme Binance prélève notamment une commission sur les frais de transaction.

Pour se rémunérer, une plateforme de lending place les cryptomonnaies de ses clients sur des protocoles de finance décentralisée et prélève une commission dessus. Par exemple, si le taux d'intérêt est de 12 %, elle verse 10 % à ses clients et conserve le reste. En outre, la plateforme va elle-même emprunter sur des protocoles décentralisés. Elle peut alors demander à ses clients une garantie supérieure à celle qu'elle place sur le protocole décentralisée, par exemple 1,2 ETH alors que la garantie sur le protocole est de 1 ETH.

Or ce modèle n'est pas viable, principalement pour deux raisons. La première, c'est le risque. C'est la raison pour laquelle Celsius est tombé, puisque la plateforme avait massivement investi dans Anchor, le protocole bancal de Terra qui est à l'origine de l'effondrement de l'UST. La seconde, c'est la non-viabilité en cas de marché baissier. Dit de manière plus directe, cela s'apparente à une pyramide de Ponzi : le modèle ne peut fonctionner que si les marchés montent et que si de nouveaux clients sont attirés. En cas de chute des cours, sans renflouement extérieur, le défaut de paiement est certain, puisqu'on ne peut plus rembourser les clients. C'est ce qui est arrivé à Celsius.

Plateformes de lending : un modèle décentralisé qui monte

Aave et MakerDAO, des modèles robustes et résilients

Les systèmes centralisés sont également corruptibles et c'est exactement ce qui arrive à Nexo. La plateforme est accusée par les autorités bulgares de faciliter volontairement le blanchiment d'argent de criminels locaux. Dans la finance, ce n'est pas quelque chose de nouveau, puisque des banques ont déjà été condamnées pour la même chose. Une chose ne pouvant pas arriver dans un protocole décentralisé.

Le Web3 se veut une technologie décentralisée. Qui dit décentralisée dit absence de gouvernance sur le protocole, qui est donc ouvert à tous et non censurable. Ainsi, les criminels n'ont aucun moyen de corrompre une gouvernance faite de smart contracts qui s'auto-exécutent sans intervention humaine.

En effet, afin qu'elle puisse prêter de l'argent, une plateforme décentralisée ne peut le faire qu'en répondant aux conditions posées dans le smart contract. De même, pour emprunter de l'argent, des conditions sont également stipulées dans le smart contract. En d'autres termes, à moins d'un piratage, le protocole ne peut pas être mis en défaut.

C'est le modèle suivi par Aave et MakerDAO. Aave est la plus ancienne des plateformes décentralisées de lending. C'est le protocole de lending basé sur Ethereum le plus utilisé. Pour simplifier, Aave est dit "surcollatéralisé", c'est-à-dire que le smart contract prévoit qu'il y ait toujours plus de réserves que de cryptomonnaies prêtées. Outre le piratage, le seul risque est la chute brutale du prix de l'AAVE, le jeton natif qui permet de faire fonctionner le protocole.

Ce système ressemble à celui de MakerDAO, protocole ayant créé le stablecoin DAI. Le DAI est le stablecoin décentralisé le plus "sûr", puisqu'il est lui aussi surcollatéralisé. Par ailleurs, il est garanti par des actifs centralisés, comme le stablecoin USDC et même des actifs de la finance traditionnelle. Ainsi, l'objectif est d'éviter la perte de la parité avec le dollar, comme celle vécue par l'UST.

La complexité d'utilisation, talon d'Achille des protocoles décentralisés

La robustesse et la sûreté des protocoles centralisés commencent à séduire les institutionnels. Auparavant, ces derniers filaient plutôt vers Celsius et les autres. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Par exemple, Forge, filiale de la Société Générale, a obtenu un prêt de 7 millions de DAI en utilisant MakerDAO.

La démocratisation des protocoles décentralisés est donc en route. Et elle devrait encore se renforcer avec la méfiance des utilisateurs particuliers envers les plateformes centralisées. Il reste toutefois un problème à régler : améliorer l'expérience utilisateur.

Aujourd'hui, utiliser un protocole de DeFi classique comme Uniswap est complexe. Il faut savoir se servir d'un wallet de type MetaMask, manipuler les pools de liquidités et comprendre les rendements proposés. Si vous ajoutez la fonctionnalité lending, vous ajoutez également de la difficulté.

Pour l'instant, Aave, MakerDAO et les autres restent accessibles aux seules personnes ayant bien assimilé leur utilisation. Si les protocoles décentralisés veulent définitivement prendre le pas sur les plateformes centralisées, il faut miser sur l'expérience utilisateur, sans négliger la sécurité. Un vaste chantier pour l'écosystème ces prochaines années et pas seulement pour le lending.