Faut-il souhaiter une disparition de Binance ?

Faut-il souhaiter une disparition de Binance ? Alors que Binance est dans le collimateur des autorités américaines, certains se demandent si la chute de la plus importante des plateformes d'échange ne serait pas un mal pour un bien.

Depuis l'affaire FTX, les régulateurs financiers américains, SEC et CFTC en tête, ont le secteur crypto en ligne de mire. Nous avons notamment écrit sur le staking, que la SEC semble vouloir faire passer sous sa coupe. Mais, depuis plusieurs semaines, c'est une autre affaire qui s'est révélée, cette fois-ci menée par la CFTC : l'affaire Binance.

Pour la plateforme d'échange d'origine chinoise, tout va de mal en pis. Cela a commencé par son stablecoin Binance USD (BUSD). La SEC a ordonné à son émetteur, l'entreprise américaine Paxos, de s'en détacher. Résultat, le BUSD a perdu le tiers de sa capitalisation, sans savoir ce qu'il adviendra dans le futur. Ensuite, plus grave, Binance est accusée d'avoir violé de nombreuses réglementations américaines.

Par exemple, un accès à Binance.com aurait été permis à des Américains, alors que ceux-ci ne peuvent utiliser que Binance.US, la filiale américaine. En outre, Binance aurait facilité le blanchiment de certains de leurs gros clients, y compris américains. Enfin, suite à la faillite de la Signature Bank, Binance.US ne trouve plus de banque pour la conservation des fonds de clients.

De là à voir la plateforme chuter ? Nous n'en sommes pas là. Mais, ce qui est certain, c'est que si cela arrivait, l'écosystème ne serait plus du tout le même.

Une véritable catastrophe à court terme pour l'écosystème crypto

La perte de la plus importante plateforme d'échange

Sur certains points, Binance peut être comparée à Mt. Gox, la plateforme d'échange star jusqu'en 2014. A cette époque, on s'échangeait quasi exclusivement du BTC. Le Litecoin et le Dogecoin venaient à peine d'arriver sur le marché. Surtout, Mt. Gox conservait 75 % des bitcoins en circulation.

La plateforme japonaise avait une position ultra-dominante, sans aucune véritable concurrence. C'est alors que Mt. Gox subit un piratage massif, entraînant un vol de BTC et la chute des cours. Résultat, le bitcoin a perdu plus de 70% en quelques mois.

Pourquoi comparer Mt. Gox à Binance ? La principale raison, c'est la domination du marché. En effet, Binance concentre la majorité des échanges et domine à elle seule quasiment toutes les autres plateformes réunies. Cependant, la comparaison s'arrête là, car 2014 et 2023 sont comme deux siècles différents dans le très jeune marché crypto.

La puissance du secteur a décuplé et Binance s'est adjugée une place un peu partout dans le secteur (finance décentralisée, NFTs, etc.). Aussi les autorités américaines sont bien plus coriaces et vigilantes qu'à l'époque, pouvant parfois laisser penser qu'elles souhaitent, d'une manière ou d'une autre, faire mal à l'écosystème crypto. En perdant la plus forte plateforme d'échange, la crypto perdrait son phare et le marché subirait une chute catastrophique due à une perte de confiance en l'avenir. Mais ce n'est pas forcément le pire.

La perte d'un des principaux financeurs des projets Web3

Plutôt discret à ce sujet, Binance a aidé et continue d'aider de nombreux projets Web3. Par exemple, la plateforme avait permis à FTX de se lancer et conservait même des FTT, le token de FTX, juste avant la chute de la plateforme américaine. Mais le pouvoir financier de Binance va bien au-delà de FTX.

Une certaine opacité règne à ce sujet, qui correspond bien au fonctionnement interne de Binance, qui reste très complexe et qui n'a, officiellement, aucun véritable siège social. La Binance Lauchpad, qui permet à des projets de se lancer directement sur Binance, ne représenterait pas grand-chose dans les projets dans lesquels Binance a investi de l'argent.

Généralement, la plateforme participe à des ICO et devient validateur au sein de protocoles utilisant la preuve d'enjeu (proof of stake). Or, si Binance disparaît, tous ces projets et protocoles seraient menacés, comme l'a été Solana suite à la chute d'Alameda Research, la société de financement liée à FTX. Le choc serait alors bien plus fort et beaucoup de projets ne s'en relèveraient pas.

Un assainissement bienvenu à long terme ?

La purge de l'opacité de certaines plateformes

Depuis la chute de FTX, l'écosystème crypto souffre d'une importante crise de confiance. D'ailleurs, les fonds conservés par les plateformes d'échange sont bien inférieurs à ce qu'ils ont été, quand bien même le marché est plutôt en forme.

Il faut dire que la crypto a un problème avec certains de ses gros acteurs, à commencer par Binance. Comme indiqué plus haut, son fonctionnement est très opaque. L'entreprise s'est enregistrée dans de nombreux pays. Elle a obtenu l'enregistrement PSAN en France en avril 2022. Toutefois, cela n'a rien changé aux questionnements à son encontre.

Personne ne sait réellement depuis quel pays Binance opère réellement. Il n'y a rien d'illégal à cela, mais cela ne rassure pas. Si Binance n'est pas la seule plateforme à fonctionner de cette manière, les autres sont loin d'avoir son poids.

Une disparition de Binance serait donc forcément un gros coup dur à court terme, mais pourrait être bénéfique à long terme pour se débarrasser de cette opacité régnante dans le monde des entreprises centralisées tournant autour du Web3. Le cap des premières semaines serait capital. Pour l'émergence (enfin) de la décentralisation ?

L'émergence de la décentralisation, véritable idéal du Web3

Lorsque FTX est tombée, une tendance s'est affirmée : les fonds transférés des plateformes d'échange ne l'ont pas forcément été vers des comptes bancaires. De nombreux protocoles de finance décentralisée en ont bénéficié. Par ailleurs, Ledger a atteint des chiffres de vente qu'eux-mêmes n'avaient pas osé imaginer à si court terme.

Dit autrement, les investisseurs ont choisi de rester dans le monde des cryptomonnaies, mais en conservant eux-mêmes leurs fonds. Grâce à Ledger bien sûr, mais pas seulement, puisque le wallet MetaMask en a également profité. Clairement, nous pouvons alors dire que la chute de FTX a été un mal pour un bien, car cela fait des années que d'aucuns se battent dans l'écosystème pour inciter les utilisateurs à conserver eux-mêmes leurs cryptos et NFTs.

C'est d'ailleurs tout le principe du Web3 : la décentralisation, le fait de se passer de tiers de confiance et d'intermédiaires, les données restant entre les mains des seuls utilisateurs. Aujourd'hui, force est de constater que nous en sommes assez loin. Mais, si une plateforme aussi forte que Binance chute et si l'écosystème parvient à se relever des conséquences de cette chute, nous pouvons être sûrs que ce sera l'avènement du vrai Web3 : le Web3 décentralisé. Et ça, c'est plutôt une bonne nouvelle.