L’augmentation des taux d'intérêt et ses conséquences

Le marché immobilier est sensible au taux d'intérêt. Cette sensibilité est bien réelle. En effet, avec une augmentation de 10 points de base sur un taux, on désolvabilise 100 000 personnes. Depuis quelques mois, nous sommes dans un environnement de volatilité des taux d'intérêts. Les marchés obligataires sont particulièrement tendus. Si les taux devaient évoluer à la hausse, quelles seraient les conséquences au niveau des prêts immobiliers et du marché immobilier ?

La fin des taux bas est une mauvaise nouvelle pour le crédit et une bonne nouvelle pour les produits d’épargne sécurisés. Par rapport au début de l’année 2014, les 6 premiers mois de 2015 ont été exceptionnels pour le marché obligataire. La courbe des taux n’a jamais été linéaire. Les taux des crédits immobiliers évoluent toujours dans la même direction que la courbe de l’OAT, même si ce dernier n’est pas une ressource pour les banques. Les établissements bancaires ne peuvent jamais emprunter moins cher que l’État Français. Même dans un environnement européen où la masse monétaire reste abondante en liquidités et en attractivité depuis une quinzaine d’années, la volatilité du marché obligataire demeure plus que jamais bien réelle. Les faibles taux d’intérêt de ces dernières années ont profité aux ménages nouvellement endettés. L’été 2015 marque la fin des financements immobiliers à taux bas. Ces derniers ont permis de soutenir un marché immobilier qui s’est ralenti depuis 2012. Depuis un an, les Français ont profité des taux d’intérêt attractifs pour se financer ou se faire racheter leur crédit immobilier par d’autres établissements prêteurs. L’année 2015 a vu le retour des primo accédants pour l’acquisition de leur résidence principale neuve en région. 90% des achats d’une résidence principale en France se financent à crédit. Les emprunteurs sont donc très sensibles aux taux nominaux. En effet, leurs variations amélioreront ou diminueront la solvabilité des acheteurs. Les acheteurs solvables influencent les prix à la hausse et l’insolvabilité de ces derniers impacte les prix à la baisse dans un marché immobilier. Lorsqu’il y a une hausse des taux de financement, les rendements locatifs des actifs augmentent et la valeur vénale de ces derniers baisse. La corrélation est donc réelle entre le taux de crédit et le marché immobilier résidentiel. Celui-ci s’est particulièrement tendu à Paris et en région depuis ces trois dernières années. Une augmentation significative des taux sur 12 mois aurait un réel impact sur toutes les classes d’actifs immobiliers. Le pouvoir d’achat des consommateurs et investisseurs influence directement le marché de l’offre et de la demande. La liquidité de ce marché dépend donc du nombre d’acheteurs et de vendeurs présents à un instant donné. Dans un marché liquide, les actifs immobiliers trouvent preneurs dans un court délai sans qu’il n’y ait d’incidences majeures sur le stock.

Pourquoi une hausse des taux ?

Comment ne pas s’interroger sur les conséquences de cette augmentation des taux ? De quelle manière une légère hausse des taux pourrait-elle influencer ou non le marché immobilier dans les prochains mois ? Les crédits immobiliers à taux fixe sont basés sur des taux longs. Ces derniers ont connu une réelle volatilité depuis le printemps 2015. Les taux d’intérêt auxquels la France a emprunté n’ont jamais été aussi bas ces dernières années, alors que la situation économique n’a jamais été aussi complexe depuis l’après-guerre. En effet, l’OAT 10 ans est passé de 0,35% en avril à 1,30% début juillet, pour terminer fin juillet en dessous de 1%. Le 1er janvier 2014, l’OAT 10 ans était à 2,5%, le 7 janvier 2015, l’OAT 10 ans était à 0,75% et le 19 janvier 2015, l’OAT 10 ans était à 0,94%. L’OAT 10 ans est toujours inférieur au Bund Allemand à 10 ans. Le Bund Allemand reste le benchmark des taux souverains de la zone euro. La volatilité de l’OAT est une réalité depuis le printemps 2015, et cette tendance devrait se confirmer dans les prochaines semaines. Lorsque l’OAT augmente, les crédits à taux fixe suivent la même tendance.  Les taux des crédits à taux fixe sont basés sur les obligations assimilables du trésor (OAT) à 10 ans qui déterminent le coût de l’argent pour les banques. C’est le benchmark des emprunts à taux fixe, tandis que les taux variables dépendent de l’Euribor. Dans un environnement de taux fixe très bas, les prêts à taux variable sont marginaux puisqu’ils intéressent moins de 1% des emprunteurs d’aujourd’hui. Les prêts à taux variable dépendent généralement de l’Euribor 3 mois ou de l’Euribor 1 an. Toutefois, le prêteur peut décider d’une autre indexation. L’impact de la hausse de l’OAT ne se reporte pas immédiatement sur les taux de crédit. En effet, les établissements bancaires ne se refinancent au maximum qu’à 20% sur le marché obligataire. L’essentiel de leurs ressources provient de l’épargne confiée par leurs clients. Pourquoi l’OAT a-t-il augmenté au printemps ? Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette hausse. La crise grecque a été particulièrement présente depuis les élections du gouvernement de Tsipras. Elle a rendu les marchés obligataires européens nerveux. Cette nervosité s’est renforcée vers la fin de l’hiver. Les marchés ont manqué de liquidité. Moins de transactions ont augmenté la volatilité. Les investisseurs ont donc exigé une prime de risque sur les taux. Les États ont augmenté leurs taux afin de donner de la liquidité au marché.

Les conséquences de la hausse des taux

Ce sont les ménages modestes et les emprunteurs ayant un faible apport personnel qui seront impactés par la remontée des taux. Toutes les banques établissent des grilles de calcul (méthode des scores) pour évaluer leurs clients et établir leur profil. Ainsi, à chacun est attribuée une note. La notation finale classifie le risque emprunteur. Plus le risque est important et plus le taux nominal sera élevé. Les bons dossiers ne bénéficient plus des meilleures conditions qu’elles se voyaient proposer au début du printemps. La clientèle privilégiée des banques ne se voit plus proposer d’importantes décotes par aux moins bons profils. Ces derniers peuvent se voir proposer dans l’environnement actuel des taux dissuasifs afin de reporter leurs achats. Toutes choses égales par ailleurs, il faut toujours relativiser l’impact d’une augmentation de quelques points de base sur la mensualité et le coût global d’un crédit. Par exemple, un prêt de 150 000 euros sur 15 ans avec un taux de 2% (hors assurance) aura des mensualités de 965,26 euros pour un coût total de 23 747 euros. Le même prêt avec un taux majoré de 15 points de base, soit 2,15%, aura des mensualités de 975,66 euros pour un coût global de 25 619 euros. L’augmentation de 15 points de base sur le taux aura un impact de 10 euros par mois pour un coût supplémentaire de 1 872 euros. C’est au-delà de 50 points de base de hausse que le coût global devient significatif pour l’emprunteur, surtout lorsque les remboursements vont au-delà de 15 ans. La hausse des taux sera également modérée par un marché bancaire ultra concurrentiel. L’octroi d’un crédit est le meilleur moyen de capter une nouvelle clientèle pour un établissement prêteur. Les primo accédants offrant de belles perspectives d’évolutions professionnelles sont les cibles prioritaires des banques. Lorsque les taux sont bas, les banques ne disposent d’aucune flexibilité pour augmenter leurs marges auprès de leurs clients. Elles se rattrapent par la suite sur les produits d’épargne et de services qui constitueront le PNB de la banque. Avec une approche prudentielle, le Comité de Bâle recommande l’octroi de prêts à taux variable afin d’affranchir les établissements prêteurs des risques liés à l’augmentation des taux. Par ailleurs, Le Comité de Bâle souhaite que les banques augmentent leurs réserves en face de leurs prêts à taux fixe afin de mieux gérer les conséquences de la hausse des taux. La hausse des taux va impacter le rendement de l’épargne. Même si l’absence d’inflation protège les épargnants de l’érosion monétaire, les rendements de produits à revenu fixe comme les obligations, les Sicav monétaires ou l’assurance-vie sont quasi nuls. Si les rentabilités de ces placements continuaient d’être si faibles dans la durée, se poserait alors la question du financement des retraites par l’épargne accumulée. Une hausse sensible des taux doit permettre dans un premier temps de redonner un nouveau signal au marché obligataire et aux investisseurs présents sur le long terme.