Facebook dans l'immobilier : les professionnels mitigés

Facebook dans l'immobilier : les professionnels mitigés Le réseau social a ouvert sa marketplace aux annonces de location de professionnels en septembre dernier. Si les leads sont nombreux ils sont, en revanche, peu qualifiés.

L'annonce, le 25 septembre dernier, de l'ouverture de Facebook Marketplace, le service de petites annonces du réseau social, aux professionnels de l'immobilier en France avait fait couler beaucoup d'encre. Il y avait de quoi faire crisser les stylos : le géant américain révélait alors que ses utilisateurs pourraient désormais consulter, en plus de celles des particuliers, les annonces de location dans l'Hexagone mises en ligne par les partenaires suivants : l'éditeur de logiciel immobilier La Boite Immo, le site de petites annonces ParuVendu et le spécialiste de la multidiffusion d'annonces immobilières Ubiflow. Et ce n'est qu'un début, car la firme doit annoncer de nouveau partenariats mi-février 2019.

Quatre mois plus tard, où en est-on ? "Nous avons a laissé la possibilité à tous nos clients et partenaires (agences immobilières, courtiers, gestionnaires de biens, ndlr) de promouvoir leurs annonces de location sur Facebook Marketplace et 99% d'entre eux l'ont fait", constate Laurent Radix, PDG de ParuVendu. Même son de cloche du côté de La Boîte Immo : "La majorité des 6 500 agences avec lesquelles nous travaillons ont choisi de mettre en avant leurs annonces sur ce canal. Tous nos clients ne font pas de la location immobilière, mais ceux qui en font ont saisi l'opportunité", observe son dirigeant, Olivier Bugette. Les résultats sont-ils au rendez-vous ? Plutôt, à en croire le PDG de La Boîte Immo : "En moyenne, chaque annonce fait l'objet de 33 vues et génère 10 contacts ".

Chaque annonce génère en moyenne 33 vues et 10 contacts pour les clients de La Boîte Immo

Le hic, c'est que les contacts qualifiés sont plutôt rares. "Facebook Marketplace draine beaucoup de curieux, ce qui n'est pas forcément appréciable dans un marché où il y a largement assez de demande, confie Jérémy Giacomini, directeur marketing et innovation chez l'administrateur de biens Sergic, client d'Ubiflow. Cela peut même être un frein, en raison du temps passé à disqualifier des demandes qui ne sont pas pertinentes." Notre interlocuteur reconnaît toutefois une qualité au service : sa gratuité. "Le jour où le service deviendra payant, ce qui arrivera un jour ou l'autre, ce sera un autre débat, lance Jérémy Giacomini. D'ici là, je peux faire des arbitrages et arrêter de diffuser certaines annonces sur les gros portails payants pour les laisser uniquement sur Facebook Marketplace, où je sais que j'aurai la quantité."

"Sur toutes les plateformes, la qualité des leads dépend de l'endroit où se trouvent le professionnel mais à ce point-là, je ne l'avais jamais constaté"

Il est tout de même des professionnels qui y trouvent leur compte, assure Antoine Krier, PDG d'Ubiflow : "Certes, certains de nos clients considèrent qu'il y a trop de leads pas assez qualifiés et ne souhaitent pas continuer. D'autres sont ravis et ont déjà fait des affaires via ce canal". Ce qui fait la différence ? "La qualité des leads dépend beaucoup de l'endroit où se trouvent les professionnels, constate le patron de la société, sans l'expliquer. C'est le cas sur toutes les plateformes, mais je ne l'avais jamais constaté à ce point-là. Ce qu'il y a de certain, c'est que les volumes de leads générés sont importants. Par rapport à des sites comme Leboncoin et SeLoger, on est sur les mêmes volumes, voire sur des volumes supérieurs."

"Je pense qu'il faut beaucoup plus de vues que sur les autres portails pour générer un contact"

Outre le manque de qualification des contacts, d'autres aspects chagrinent Jérémy Giacomini. Pour cet ancien directeur digital chez Foncia, Facebook Marketplace n'a, pour l'instant, pas grand-chose d'une plateforme adaptée aux besoins des professionnels de la pierre : "La présentation n'est pas celle qu'on a l'habitude d'avoir sur les autres portails. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de description détaillée du bien et sans cliquer sur une annonce, je n'ai aucun moyen de savoir par quel agent immobilier elle est proposée". Autre bémol, d'après lui, le manque de statistiques permettant aux professionnels de suivre leurs performances. "Les autres portails nous mettent à disposition des extranets avec des niveaux d'analyse très fins." Impossible, par exemple, d'évaluer combien de vues ont généré les 1 500 annonces de location du groupe diffusées sur Facebook Marketplace. "Ce sont des statistiques Facebook et comme nous n'avons pas de compte professionnel, Facebook ne nous communique rien. Je pense qu'ils ne nous donneront jamais de statistiques de visibilité, surtout s'ils ne passent que par des tiers pour commercialiser leur offre, comme c'est le cas aujourd'hui. Mais je pense qu'il faut beaucoup plus de vues que sur les autres portails pour générer un contact."

La vente de biens, pas avant septembre 2019 ?

Et à quand la vente de biens immobiliers par des pros, et plus seulement la location ? Certains des partenaires de Facebook semblent le savoir mais sont tenus par les accords de confidentialité qui les lient au géant américain. Selon un connaisseur du secteur, l'ouverture de Facebook Marketplace aux annonces de transaction immobilière de professionnels ne serait pas prévue avant septembre 2019. Une date que le groupe n'a pas confirmée au JDN.

168 visites par annonce sur Facebook et 239 visites par annonce sur Leboncoin

Quoi qu'il en soit, agents et consorts n'ont pas attendu cette date pour promouvoir leurs annonces de biens immobiliers à vendre. Nombreuses sont les annonces de professionnels à côtoyer celles des particuliers dans la rubrique "Ventes immobilières". C'est par exemple le cas de celles de Stanislas Pahus, responsable de l'agence immobilière Laforet à Gémozac, en Charente-Maritime, et membre de la Commission marketing et communication du réseau. L'agent immobilier a découvert l'existence de cette rubrique par hasard, en janvier 2019. "Après m'être rapproché de mon franchiseur, j'ai diffusé nos exclusivités", raconte-t-il. Pour ce faire, en l'absence d'outil dédié aux professionnels, il a dû entrer les annonces une à une via un ancien profil professionnel. "Au total, sur 11 annonces de transaction publiées, j'ai obtenu 1 851 visites. A titre de comparaison, nos 73 annonces diffusées actuellement sur Leboncoin ont généré 17 446 visites, sachant qu'il ne s'agit pas que de biens pour lesquels nous avons des mandats exclusifs et que, pour les biens non exclusifs, la visibilité est moindre." En moyenne, cela donne donc 168 visites par annonce sur Facebook et 239 visites par annonce sur Leboncoin, malgré le phénomène de perte de visibilité décrit par l'agent immobilier. C'est-à-dire 42% de visites en plus sur Leboncoin. "En termes de contacts via Facebook Marketplace, j'en ai reçu deux mais ceux-ci n'ont pas abouti", reprend Stanislas Pahus.

Même constat chez Laurène Magne, mandataire chez IAD France, qui a elle aussi découvert le filon par hasard il y a quelques mois : "Cela génère beaucoup de trafic mais je n'ai reçu qu'un seul contact. Les gens appellent et posent des questions mais, souvent, ce n'est pas pertinent. C'est plus par curiosité". Un vilain défaut, qui ne nourrit pas (encore ?) son agent immobilier.