2021 verra-t-elle l'avènement de la data comme moteur du marché immobilier ?

Omniprésente et considérée par les investisseurs comme le nouvel or bleu, la data révolutionne de nombreux métiers dont ceux du bâtiment. Ce secteur, qui n'a entamé sa transformation digitale qu'en 2015, semble tarder à s'emparer des nouvelles technologies pour s'ancrer dans l'économie numérique. Le milieu, traditionnellement centré sur les relations humaines, est pourtant conscient que la digitalisation ouvre de nouvelles perspectives à tous ses acteurs.

De nombreux cas d’usage montrent que la data offre de réelles évolutions : meilleure maîtrise du bâtiment, réduction de certains coûts et même l’anticipation de malfaçons. L’arrivée de la data s’illustre aujourd’hui très concrètement à travers plusieurs canaux et de nombreux outils se développent autour de l’accès aux données.

Si l’on prend l’exemple du BIM (Building Information Modeling/Management), lors de la phase de conception-réalisation, la maquette intègre des données issues de tous les intervenants du projet : architecte, bureau d’étude, économiste, entreprise, maître d’ouvrage, … Mais la construction de ces maquettes n'étant pas encore uniformément maîtrisée par tous, et souvent contrainte dans le planning global de l’opération, il n’est pas rare de se retrouver en présence de données imprécises, ou parasites. Quand un intervenant envoie un nouvel indice de sa maquette à un autre, celui-ci va en faire une interprétation grâce à de nouvelles informations - par exemple les données sur les locaux d’une maquette architecte - qui vont lui donner l'impression de connaître le bâtiment, alors que certaines de ces données peuvent être fausses ou inexploitables, car potentiellement provisoires, obsolètes, incomplètes ou non-voulues.

La multiplication des données et des acteurs en disposant peut également soulever des questions prématurément sur le projet, lors de phases auxquelles elles ne sont pas pertinentes, ou sur lesquelles la responsabilité des acteurs modélisant n’est pas engagée. Bénéficier au mieux de l’apport de la data nécessite un temps d’adaptation et implique de vraies modifications dans les différents métiers. Pour être utiles, les données véhiculées à travers les maquettes numériques doivent être contrôlées et tracées ; leur fiabilité en dépendra.

Une phase de transition indispensable

Globalement, le marché de l’immobilier est aujourd’hui dans une phase de transition qui porte à la fois sur les outils - outils BIM, plateformes d'exploitation, etc...-  et les acteurs. Comme dans toute évolution, il s’agit d’abord de lever les freins liés à la résistance au changement, particulièrement présents dans ce milieu très traditionnel. Tout le monde n'est pas encore prêt à fournir ses données et tous les acteurs du secteur ne sont pas en capacité de savoir quelles données demander, à qui, ni ce que cela implique en coûts et délais. Heureusement, de nombreuses initiatives de la part des écoles d'ingénieurs ou d'architecture, mais aussi du gouvernement, accentuent la formation sur les outils digitaux, les logiciels de modélisation, et permettent à la nouvelle génération de monter en compétence. La démocratisation et l’accessibilité du BIM est un enjeu majeur porté par le gouvernement, l’éducation et les différentes organisations professionnelles.

Le contrôle des données, gage de fiabilité

Le principal risque lors de l’agrégation des données, c'est leur fiabilité : plus on en ajoute, plus il faut les mettre à jour, les suivre, les tracer. D'où l'importance du contrôle durant toutes les phases (conception, exécution et exploitation), et la nécessité de nommer un garant de la donnée, qui vérifie les différents process de mise à jour, les interconnexions entre les sources de données. Ce rôle peut être attribué au BIM Manager, et notamment lors de la phase Exploitation où de nouveaux outils émergent et permettent : d'une part une centralisation des données, mais surtout leur vérification pour éviter d’en fausser l'interprétation.

L’exploitation du bâtiment, grande consommatrice de data

C’est dans la phase d’exploitation d’un bâtiment que se concentre le plus grand nombre de data. Ces données techniques renseignent chaque objet, chaque consommation, et donnent aussi accès aux documentations, aux contrôles réglementaires, aux informations liées au locataire… L’explosion de ces données est d’autant plus vraie qu’elles proviennent de sources différentes (BIM, DOE, GTB, GMAO, IOT, applications utilisateurs …) et sont de tout type de formats. L’agrégation de cas d'usage très simples va conduire, in fine, à créer une data numérique, qui permettra une exploitation optimisée du bâtiment. Centralisées à travers un outil d’exploitation, toutes ces données sont retraitées de façon homogène afin de créer notamment des tableaux de bord à la disposition du client. Parler de big data semble encore un peu prématuré mais pour le propriétaire, avoir une vision d'ensemble sur l'exploitation de son patrimoine, c'est déjà, à l’heure actuelle, beaucoup.

La data,  tous les métiers ont à y gagner

Tous les métiers de l’immobilier - donneurs d'ordre, maîtres d'ouvrages, propriétaires, prestataires… - ont compris l’avantage de partager les données. Certes, les budgets ne sont pas encore clairement alloués, les projets encore souvent en phase de développement et le cadre juridique assez flou, néanmoins les choses avancent.  Le temps où chacun gardait jalousement ses informations sera bientôt révolu. Le propriétaire bénéficie, par exemple, d’une meilleure visibilité sur la maintenance de son bâtiment à travers un reporting via GMAO, où toutes les interventions sur le bâtiment sont historisées. De son côté, le prestataire est en capacité d’optimiser l’affectation de ses équipes, donc de mieux gérer son bâtiment, voire d’en gérer plusieurs en même temps.

De plus en plus d'intervenants commencent par changer leurs process en interne, d'abord parce qu’ils y voient leur intérêt. La compréhension de ce que ces nouveaux outils peuvent mettre en lumière leur sert également à mieux vendre leur prestation. Dès lors que le niveau de connaissance s’élève, le partage de données sur un projet devient plus fluide.

Elaborer un vrai cahier des charges

S'il y a un conseil à donner aujourd'hui à tous les acteurs de l’immobilier, c'est de cibler en amont la donnée utile à un instant T.  Ceci afin d’éviter de se retrouver noyé sous des amas de données, parfois impossibles à vérifier, voire complètement faussées. La clé du succès, c'est d'avancer brique par brique, en ciblant les usages les plus importants. C’est à partir de ces priorités que l’on peut construire des passerelles entre les différents acteurs et en tirer des usages vraiment efficaces. Il s’agit là d’un projet à part entière qui nécessite un investissement côté client, mais aussi la formation et le savoir nécessaire côté prestataires. Mais force est de constater que les projets qui marchent aujourd'hui, sont ceux pour lesquels il existait un vrai cahier des charges et une volonté ciblée d'aller sur un usage. A l'inverse, ceux qui intégraient des maquettes ultra complexes dont les données ne sont accessibles qu'à des spécialistes dorment dans les tiroirs.