Pourquoi les conciergeries Airbnb galèrent à trouver des clients, même quand elles font tout bien
Beaucoup de conciergeries Airbnb locales, pourtant efficaces, restent invisibles. Sans vraie visibilité ni outils neutres, elles peinent à sortir du bouche-à-oreille.
Malgré la croissance du marché de la location courte durée et l'apparition de milliers de conciergeries Airbnb en France, de nombreuses micro-entreprises du secteur peinent à trouver des propriétaires clients. La concurrence est de plus en plus vive : on comptait environ 5 000 conciergeries locatives en France en 2024. En moyenne, chacune gère seulement quelques dizaines de logements, et beaucoup de jeunes structures n’arrivent pas à dépasser une poignée de biens. Ce paradoxe est frappant car beaucoup « font tout bien » sur le papier : qualité de service irréprochable, transparence, dévouement total. En tant que professionnel accompagnant ces conciergeries depuis deux ans, j'ai pu échanger avec des dizaines de structures locales et constater ces difficultés récurrentes. Qu'est-ce qui coince, alors même que la demande en locations touristiques explose ? Voici trois constats pour expliquer pourquoi ces conciergeries, pourtant compétentes, galèrent à développer leur portefeuille de clients.
Une dépendance à Airbnb… qui ne profite pas toujours aux conciergeries
Beaucoup de conciergeries locales trouvent leurs premiers clients grâce au bouche-à-oreille, via leur réseau personnel. Mais une fois ce cercle épuisé, le développement devient difficile, faute de canaux efficaces pour se faire connaître auprès d’autres propriétaires. Airbnb, en tant que plateforme dominante, est souvent perçue comme un levier évident. Or, paradoxalement, sa visibilité bénéficie surtout aux logements et non aux prestataires qui les gèrent.
Certes, la plateforme a récemment renforcé son programme Co-hôte, qui permet à des propriétaires de déléguer la gestion à une tierce personne. Dans certaines zones, il est même possible de rechercher un co-hôte recommandé par Airbnb, ce qui représente une avancée vers la mise en relation directe. Mais dans les faits, cette option reste limitée géographiquement, peu mise en avant, et souvent dominée par des structures déjà bien établies. Pour une conciergerie locale débutante, il est encore difficile de se démarquer via ce canal – d’autant que le programme ne garantit ni transparence tarifaire, ni comparabilité entre les offres proposées.
Une visibilité en ligne souvent insuffisante
Deuxième écueil : la présence numérique de ces petites conciergeries est généralement insuffisante. Certes, la plupart créent un site vitrine pour présenter leurs services, mais faute de savoir-faire en référencement (SEO) ou de budget pour des campagnes publicitaires, ce site reste invisible dans les résultats de recherche. Sur Google, les requêtes du type « conciergerie Airbnb + [nom de ville] » font remonter en priorité soit de grands réseaux nationaux bien optimisés, soit des plateformes d’annonces et annuaires généralistes. Les acteurs locaux, eux, apparaissent en page 2 ou 3 – autant dire nulle part pour le commun des internautes. Leur vitrine numérique ne reflète donc pas la qualité réelle de leur service, faute de visibilité. Parallèlement, beaucoup exploitent mal les autres outils digitaux : profils Google Business peu alimentés, absence d’avis clients en ligne, réseaux sociaux sous-utilisés… Autant d’éléments qui pourraient rassurer et attirer des propriétaires, mais qui sont trop souvent négligés par manque de temps ou de compétences en marketing digital.
Cette réalité se vérifie concrètement sur le terrain. Prenons l’exemple d’une conciergerie située à Lille, créée par deux jeunes professionnels de l’hôtellerie. Leur prestation est irréprochable : ménage professionnel, photos HD, accueil 7j/7, transparence totale sur les commissions. Pourtant, après plusieurs mois d’activité, ils plafonnaient à 4 ou 5 propriétaires, uniquement venus par bouche-à-oreille. Ils avaient bien créé un site vitrine, mais celui-ci était invisible sur Google, noyé parmi les pages d’acteurs nationaux mieux référencés. Résultat : malgré des retours clients très positifs, ils peinaient à se développer faute de canaux de visibilité efficaces. Cette anecdote illustre le décalage entre la qualité opérationnelle d’une conciergerie et sa capacité à se faire connaître en ligne. Sans référencement local solide ni marketing digital, même les meilleurs services du monde peuvent passer inaperçus.
Aucune plateforme neutre pour se faire connaître
Enfin, le secteur souffre de l’absence d’intermédiaires neutres ou de plateformes de mise en relation qui aideraient les conciergeries à émerger. Contrairement à d’autres secteurs (assurances, hôtels, logiciels, etc.) où existent des comparateurs ou des places de marché spécialisées, il n’existe pas aujourd’hui de vitrine neutre et largement reconnue où un propriétaire pourrait comparer facilement les offres de plusieurs conciergeries locales. Chaque entreprise doit donc se débrouiller seule pour toucher sa cible, avec ses propres moyens. Ce manque de point de rencontre centralisé rend la découverte des petites conciergeries par les propriétaires assez aléatoire.
De plus, chaque société de conciergerie communique ses tarifs et services de manière différente, faute de standards dans le métier. L’une va annoncer un taux de commission « en brut » (hors frais de ménage, hors TVA), l’autre mettra en avant un prix « net » tout compris – sans toujours le préciser clairement. Tel prestataire inclut le ménage dans son pourcentage, tel autre non, ce qui rend les offres difficiles à comparer pour un non-initié. Cette opacité involontaire crée de la confusion pour les propriétaires, et complique la différenciation pour les prestataires sérieux. En l’absence d’indicateurs communs (par exemple un coût de gestion standardisé, ou des labels de qualité indépendants), les conciergeries locales peinent à prouver leur valeur ajoutée face à des concurrents plus visibles ou à convaincre des propriétaires méfiants. Chaque nouvelle relation de confiance doit être bâtie de zéro, ce qui ralentit considérablement l’expansion de ces structures pourtant compétentes.
Vers plus de transparence et de solutions collectives
À terme, le secteur devra s’ouvrir à plus de standardisation et de transparence afin d’aider les acteurs locaux à se développer. Une des pistes d’évolution serait la mise en place d’indicateurs de performance comparables, ou d’espaces de mise en relation neutres, à l’image de ce qu’on observe déjà dans d’autres domaines (mutuelles, assurances, plateformes SaaS, etc.). L’objectif serait de fournir un tiers de confiance où propriétaires et conciergeries pourraient se rencontrer plus facilement, dans un cadre clair. D’ailleurs, Airbnb elle-même commence à s’intéresser à ce besoin : la plateforme a lancé en 2024 un réseau de « co-hôtes » labellisésl pour encourager le recours aux conciergeries tout en gardant la main sur ce marché florissant. Demain, de tels dispositifs – qu’ils soient initiés par la profession elle-même, par des startups indépendantes ou par les grandes plateformes – pourraient permettre aux conciergeries locales, souvent très compétentes, de gagner en visibilité face aux grands réseaux.
En attendant cette évolution, les gérants de conciergeries doivent redoubler d’efforts sur le terrain du marketing et de la visibilité : soigner leur référencement en ligne, mobiliser les réseaux locaux, éventuellement se regrouper pour mieux se faire connaître. Car au-delà de la qualité de service, c’est bien par une meilleure visibilité et une confiance accrue des propriétaires que ces conciergeries de proximité pourront sortir de l’ombre. Le potentiel est là – le marché des locations courtes durées est florissant – mais il reste à créer les ponts pour que l’offre de ces professionnels ultra-investis rencontre véritablement la demande des propriétaires, dans un cercle vertueux gagnant-gagnant pour tous.