Automobile électrique : l'Union européenne face à la fronde des industriels

Automobile électrique : l'Union européenne face à la fronde des industriels Critiquée pour sa rigidité réglementaire, la Commission européenne promet des ajustements avant la fin de l'année. Les industriels alertent sur les conséquences économiques de la trajectoire actuelle vers le tout-électrique.

L'interdiction annoncée des moteurs thermiques en 2035 provoque un vif débat entre Bruxelles et les représentants du secteur automobile européen, inquiets pour la survie de leur industrie.

Une trajectoire réglementaire jugée irréaliste par la filière

À Bruxelles, la Commission européenne planche sur une refonte partielle de son calendrier réglementaire pour accompagner l'électrification du parc automobile. En cause, une opposition croissante d'industriels qui dénoncent le manque de réalisme des objectifs fixés.

L'objectif de ne vendre que des véhicules " zéro émission " en 2035, confirmé à plusieurs reprises par la Commission, est au cœur des critiques. " Le 100 % de ventes électriques en 2035, on n'y arrivera pas ", a déclaré Luc Chatel, président de la Plateforme automobile (PFA), cité par Le Point. Actuellement, les véhicules 100 % électriques représentent à peine 16 % du marché. Il faudrait atteindre 25 à 27 % dès 2026 pour tenir le rythme.

Selon Le Figaro, la suspension des amendes "Cafe" prévues pour 2025, la révision anticipée de l'échéance 2035 dès 2025, et l'ouverture d'un " dialogue stratégique " entre la présidente Ursula von der Leyen et les industriels marquent un changement de ton de la Commission.

Des appels à plus de flexibilité, de souveraineté et de compétitivité

Antonio Filosa, directeur général de Stellantis, n'a pas mâché ses mots : " Les règles de Bruxelles sont mauvaises, mauvaises, mauvaises. " Il critique une régulation trop stricte, qui, selon lui, prive les consommateurs de choix. De son côté, François Provost, numéro deux de Renault, souligne que 25 % des ingénieurs du Technocentre travaillent uniquement sur des mises à jour réglementaires.

Face à ces constats, Stéphane Séjourné, commissaire européen à l'Industrie, a annoncé que des flexibilités seraient proposées le 10 décembre. Parmi les pistes envisagées figurent la reconnaissance de la neutralité technologique (notamment l'usage d'hybrides après 2035), la décorrélation des utilitaires légers de la trajectoire tout-électrique, et la création d'un cadre spécifique pour les petits véhicules citadins, avec un objectif de prix autour de 15 000 euros.

Christophe Périllat, directeur général de Valeo, plaide de son côté pour une préférence européenne à l'image du modèle nord-américain. Il demande " au moins 75 % de contenu local " pour qu'un véhicule bénéficie de subventions, rappelant que les coûts européens ont dérivé de 35 % par rapport à la Chine en cinq ans.

Les conséquences sociales sont déjà visibles. 40 000 emplois ont été perdus dans la filière française, et 75 000 supplémentaires pourraient disparaître d'ici 2035. Une étude de Roland Berger citée par Le Point indique que 40 % des fournisseurs sont en danger.

L'industrie automobile représente 13 millions d'emplois en Europe et 7 % du PIB. Les prochaines décisions de Bruxelles pèseront lourd dans l'avenir du secteur. Pour Luc Chatel, " la compétitivité est la mère des batailles".