Coup de projecteur sur l'économie américaine

Croissance, ménages, entreprises, finances publiques... Pascal de Lima, chef économiste chez Altran Financial Services, fait le point.

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Pascal de Lima enseigne également à Sciences-Po Paris. © de Lima

Si l'on devait faire le point sur la situation américaine actuelle, nous proposerions sans hésiter cinq axes d'analyse très simples : celui de la croissance économique, celui du désendettement des ménages, celui de la santé des entreprises, celui du creusement du déficit courant. Enfin, il nous paraîtrait difficile de ne pas dire deux mots sur la situation des finances publiques d'Etat et locales.

Coté croissance économique, il nous paraît erroné de croire en un double dip américain (un second ralentissement économique après le premier sévère d'il y a deux ans) car la reprise finalement se déroule normalement. Les seuls points d'achoppement à cela sont certes, les événements du Japon et le renforcement de l'inflation, mais ce dernier reste lié principalement au prix de l'énergie car coté emploi, le taux de chômage ne cesse de diminuer avec très peu d'effets "prix sur salaires". Enfin, la réserve fédérale devrait conserver sa politique accommodante pendant encore un certain temps, ce qui crée des conditions favorables à une reprise légère à condition de ne pas tomber dans le piège de la trappe à liquidités qui conjugue déflation et stagnation économique. Le niveau assez élevé de l'inflation et la reprise permettent au moins temporairement d'éliminer cette hypothèse.   

La demande des ménages américains est le maillon faible de la légère reprise.

C'est dans ce contexte général que l'on assiste assez logiquement à une contraction progressive de l'endettement des ménages en 2010 : par rapport au pic de l'année 2008 cet endettement recule, dette hypothécaire et crédits à la consommation inclus. Une petite nuance est à intégrer ici mais très simple : en 2010, comme la chute des prix de l'immobilier est plus importante que la chute de l'endettement du coup, la richesse nette, les actifs moins les dettes, reste inférieure à son sommet de 2007. C'est pour cette raison que la demande des ménages américains est le maillon faible de la légère reprise.

Coté santé des entreprises les choses s'améliorent en 2010 car les entreprises américaines ont engrangé des profits en forte hausse alors que ces derniers avaient baissé de 2007 à 2009. Ces profits en forte hausse s'expliquent principalement par des gains de productivité qui ont de facto amélioré la compétitivité de l'économie américaine. Redressement des profits, distribution de dividendes et acquisitions d'actifs financiers coexistent avec une reprise très modérée des dépenses d'investissement qui restent cependant inférieures à leur niveau de 2008. Ici, une amélioration possible est à souligner pour les Etats-Unis : son taux d'utilisation des capacités productives.

Les Etats-Unis entrent dans une situation de déficits jumelés à l'image de celle des années Reagan : déficit courant et déficit public.

Désendettement des ménages et profits des entreprises ont permis de dégager une capacité de financement importante. Cependant ils n'ont pas permis de compenser le creusement du déficit public. A ce titre, nous soulignons que les Etats-Unis entrent dans une situation que l'on qualifie de déficits jumelés à l'image de celle des années Reagan : déficit courant et déficit public. 

Il faut croire en effet que le sujet principal à venir restera la soutenabilité des finances publiques puisque finalement ce sujet en agrège de nombreux autres et notamment celui de savoir comment faire pour avoir de la croissance économique compatible avec un abaissement des taux d'intérêt réels. Non seulement il en agrège de nombreux autres, mais, de plus, il n'est pas spécifique aux Etats-Unis ce qui permet un débat mondial sur la question. Le fardeau hérité de la crise économique et financière se conjuguera avec certains aspects plus structurels, le vieillissement de la population, et la hausse du coût de la santé.

Le fardeau hérité de la crise se conjuguera avec certains aspects plus structurels, le vieillissement de la population et la hausse du coût de la santé.

Aux Etats-Unis, le défi budgétaire concernera, non pas uniquement l'Etat fédéral, mais aussi les finances locales. Ici diverses questions devront être résolues : quelle est la part du conjoncturel sur la détérioration des finances publiques (locales et fédérales). Quelles sont les marges de manœuvre des Etats-Unis dans ce contexte ? A long terme peut-on espérer que les récentes réformes du système de santé permettront le financement des dépenses de retraite et de santé. Aussi, l'endettement des collectivités locales et des Etats fédérés est-il excessif ? Finalement, peut-on imaginer un jour que la Californie fasse défaut et fasse appel au FMI ?