Non à la germanophobie mais NON AUSSI au germano-masochisme : le modèle allemand est-il la solution ou la cause des problèmes ?

Les USA menacent de porter plainte à l’OMC contre l’Allemagne pour avoir créé de « faux déficits » commerciaux avec la Chine via des paradis fiscaux. L’Europe menace de sanctionner l’Allemagne pour son soutien maquillé à l’industrie automobile allemande. Le modèle allemand aurait-il quelques failles ?

L’Europe menace de sanctionner l’Allemagne pour son soutien maquillé à l’industrie automobile allemande pendant des années suite aux révélations de la presse qui a montré que les entreprises allemandes bénéficiaient d’avantages fiscaua si elles rémunéraient une partie des "primes"  de leurs salariés sous forme d’achat d’une voiture "de marque allemande". Pourquoi jusqu’en janvier 2012 seul quatre véhicules (le BMW X3, X5, Audi Q7 et Q5)  étaient exonérés de taxe pollution pour les entreprises dans toute l’Europe ? Pourquoi, dès la fin des années 90, les constructeurs français avaient tout misé sur le taux de démontabilité des véhicules pour rendre l’impact écologique des voitures moindre alors que les constructeurs allemands avaient misé sur taux de CO² (insuffisant aujourd’hui ? Pourquoi Angela Merkel a le droit de dire à la presse internationale que les pays du sud sont fainéants sans que de véritables réactions se précisent… Pourquoi l’Allemagne critique tant la France et les pays du Sud alors qu’en parallèle elle fait du dumping pour embaucher leurs jeunes diplômés dont la formation a été payée par ces pays du Sud ? Pourquoi ne rembourserait-elle pas le coup de la formation pour aider ces pays de fainéants ?


Et si le problème de l’Union Européenne et de ses États membres, c’était le modèle allemand ?

Autant de questions à charges qui doivent nous interpeller et nous obliger à prendre dur recul. En effet la vie n’est pas blanche ou noire, « elles gris claire ou gris foncée ». L’Allemagne n’a aucun intérêt à faire imploser l’Europe et encore moins reproduire des comportements qui l’on mené à la ruine. Il ne faut donc pas laisser un sentiment de Germanophobie se développer car le peuple allemand n’est pas forcement responsable des décisions politiques de leur chancelière. A l’inverse il ne faut pas pratiquer ce Germano-Masochisme qui est en train de tuer la force de l’Europe : sa diversité.

Cette Allemagne est au cœur de toutes les discussions politiques, car il est l’un des rares de la zone Euro à bien se porter quand la grande majorité des autres nations connaissent une croissance négative ou nulle, et de graves problèmes de chômage. En effet, sa balance commerciale est largement excédentaire (+ 152,4 milliards d'euros en 2010) [1], quand celle de la majorité des autres États membres accuse un fort déficit (France (-64,1 Mds), Espagne (-51,8 Mds), Italie (-27,3 Mds), Grèce (-22,4 Mds), Portugal (-20,0 Mds)). L’Allemagne est donc citée en modèle par nombre des dirigeants européens, et vantée pour son industrie, sa capacité d’innovation, sa fiscalité…

Dans le même temps, les chiffres sont accablants, notamment pour les pays du Sud de l’Europe, parmi les plus endettés et les plus déficitaires. Angela Merkel concluait donc le 17 mai 2011, que dans ces pays « peu travailleurs », il faudrait que l’on arrête de « partir à la retraite plus tôt qu'en Allemagne » et « d’avoir beaucoup de vacances quand d'autres en ont très peu »[2]. Heureusement, si ces pays fainéants, France inclue, travaillent peu, ils consomment ! En effet, l’Allemagne exporte à 60 % au sein de la zone euro, et surtout, y réalise près de 56% de son excédent commercial, 79 % si on élargit à l’UE à 27[3] ! Sa part de marché dans la zone euro a augmenté de près de 15 points depuis 2002. D’où la germanophobie.

Force est de constater que l’Europe est un marché qui convient bien à l’Allemagne. A ceci près que sa balance n’est pas excédentaire vis-à-vis de tous les États, quelques pays « résistent » comme la République Tchèque, la Slovaquie ou la Hongrie. Quelle est donc la recette magique de ces pays dont on vante rarement la compétitivité ? Elle est simple : ils produisent à faible coût, sous-traitent pour leur voisin. Le Made in Germany est devenu le Made by Germany, démultiplié par l’entrée récente de ces quelques pays limitrophes dans l’Union Européenne. Porsche par exemple, fabrique désormais ses Cayenne en Slovaquie, et les importe sans roues, ce qui est suffisant pour l’obtention du label…

A l’issue de ces trois constats (l’économie allemande est de loin celle qui se porte le mieux, sa balance commerciale est largement excédentaire grâce à ses exportations vers l’espace européen, elle sous-traite massivement vers les pays limitrophes à faible coût de main d’œuvre captant ainsi l’essentiel de la valeur ajoutée) se pose la question suivante : est-ce l’Allemagne qui a le bon modèle, ou est-ce le modèle européen qui lui profite d’abord ? En fait, les deux réponses sont vraies.

Il est en effet difficile de contester la performance du modèle allemand. Celle-ci repose sur deux forces essentielles. Ironie de l’histoire, elles lui ont été imposées après la Seconde Guerre Mondiale par les vainqueurs qui croyaient ainsi l’affaiblir définitivement. Sa première force, c’est son système décentralisé. Sans État central fort, sans armée, la puissance politique ne pouvait s’envisager en 1945. Aujourd’hui, cette liberté laissée aux länder, aux villes, et donc aux citoyens est une source inépuisable de créativité et d’innovation. C’est d’ailleurs dans ce but que le CJD organise les premiers États Généraux de l’Innovation pour permettre aux collectivités territoriales de se réapproprier la liberté d’innover, et pour qu’éclosent des micro dispositifs de soutien à l’innovation.

La seconde force est le dialogue social. En laissant la parole aux salariés, les conflits sociaux devaient ralentir l’économie, et paralyser l’industrie. Aujourd’hui, salariés et dirigeants d’entreprises se parlent en égaux, partis politiques de couleurs différentes communiquent, et gouvernent ensemble ! La capacité d’adaptation aux changements est formidable : leader dans les énergies renouvelables quand une crise écologique s’annonce, deuxième exportatrice dans une économie mondialisée. Depuis sa création, le CJD appelle de toutes ses forces à un dialogue efficient entre toutes les parties prenantes de l’entreprise : salariés, mais aussi clients, fournisseurs, actionnaires… et cela dure depuis 73 ans. Le modèle allemand peut donc être source d’inspiration, cela ne pose aucun doute !

Mais cela ne doit pas occulter que l’Allemagne profite largement de l’Union Européenne et de ses partenaires. Nous n’appelons évidemment pas l’Allemagne à plus de clémence, ce n’est pas à elle que nous nous adressons, mais aux Etats du Sud de l’Europe, France en tête, pour qu’ils organisent une réponse forte à ces anomalies. Ils doivent dire non quand l’Allemagne impose sa préférence nationale et que la commission européenne s’incline. Qu’est-ce qui justifie l’augmentation de la taille réglementaire de certains véhicules « de secours » qui exclue les marques françaises au profit des marques allemandes ? Ou encore la mise en place d’une seule et unique méthode « IMPROVE », propriété de A.T. Kearney cabinet de consulting allemand, pour que les entreprises européennes continuent à bénéficier des aides à l’innovation ? Enfin, pourquoi un Euro si fort quand les autres pays de la zone Euro n’ont pas de balance commerciale qui le nécessite ?

L’Allemagne a gagné sa compétitivité en 2002, lorsqu’elle a décidé de largement diminuer le coût du travail en transférant les charges patronales sur la TVA, c’est-à-dire l’impôt de la population. En agissant ainsi, elle a diminué d’au moins 10 % le coût du travail en comparaison des autres pays européens équivalents, ce qui lui a permis de grignoter petit à petit leur part de marché. Cela a fonctionné car aucun État européen n’a suivi la même politique. La France a même choisi la direction inverse en réduisant le temps de travail et donc augmentant le coût horaire d’une unité de travail. Aujourd’hui, elle doit regagner sa compétitivité en réduisant ce coût du travail.


Ensuite, elle doit veiller à la construction d’une Union Européenne forte et juste, qui empêche certains Etats de profiter des autres. La solidarité doit être au cœur du projet européen, tout comme la diversité ! La stratégie décidée par la Commission Européenne pour combattre et défendre les entreprises dans une économie mondialisée est celle de l’uniformisation… autre méthode vieille comme le monde. Changeons de paradigme et acceptons que la force de l’Europe, c’est sa diversité.

Ouvrons nos portes à l’espace méditerranéen !

Acceptons les différences entre Lille et Marseille, et le fossé entre Hambourg et Athènes ! Valorisons toutes les cultures et enrichissons les des modèles construit patiemment, pierre par pierre, par les uns et les autres. Adoptons les bons cadres normatifs, ceux d’une économie au service de l’homme et de la vie, d’une Europe solidaire mais laissons la place à la créativité et à la différence.

Enfin, la France doit assumer son rôle de leader. Elle doit être à l’écoute des revendications des États d’Europe du Sud, et les défendre.

Le poumon de l’Europe reste, et doit rester le couple franco-allemand, mais plutôt qu’une fusion des deux modèles, ils doivent être la passerelle, l’interface, la traductrice de deux cultures, deux mondes. Celle de l’Europe du Nord et celle du Sud, celles des gazelles (entreprises de taille intermédiaire) et celle des petites entreprises. Nos institutions se doivent de donner plus de place aux différents conseils économiques, sociaux et environnementaux qui représentent la société civile et dont les préconisations sont souvent justes.

Dans le cas contraire, la France devra mettre en œuvre les mêmes pratique que l’Allemagne et lorsque que l’Allemagne envoie une délégation de 200 allemands pour vendre des ambulances en Chine la France devra envoyer un peu plus que ses 7 représentants  Nous devrons également réformer l’AFNOR qui est devenu le cheval de Troie des lobbyistes  et qui se charge d’appliquer les normes venues de Bruxelles sont être présent en amont.
Il faut donc voter aux européennes, voter pour les bonnes personnes et exiger de ces élus une feuille de route claire et du courage politique pour espérer voire l’Europe redevenir un Idéal et non une fatalité comme aujourd’hui.

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[1] Source Eurostat : http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/6-18032011-AP/FR/6-18032011-AP-FR.PDF
[2] Europe 1, « Merkel tacle les salariés d'Europe du Sud »,http://www.europe1.fr/International/Merkel-tacle-les-salaries-d-Europe-du-Sud-547297/
[3] Source : Office fédéral de la statistique allemand