Loi sur la sécurité sanitaire des médicaments : un an après, quel bilan ?
Les drames sanitaires engendrés par les affaires des prothèses PIP et du Médiator ont conduit les pouvoirs publics à adopter dans la précipitation à l’automne 2011, de nouvelles dispositions en matière de santé publique.
Ceci a conduit à l’adoption de la loi n°2011-12 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, plus communément appelée «loi Bertrand».
Cette loi a eu principalement pour objet d’édicter des règles de
transparence dans le secteur de la santé, d’étendre le principe d’interdiction des avantages
prévus pour les professionnels de santé, aux étudiants et aux associations les
représentant, d’édicter de nouvelles règles de gouvernance du médicament, de
prévoir des règles applicables aux médicaments d’une part et aux dispositifs
médicaux d’autre part plus strictes et plus contraignantes, par exemple en
matière de publicité ou de surveillance des produits après leur mise sur le
marché (pharmaco et matériovigilance).
Derrière une volonté louable d’amélioration de la sécurité
sanitaire des produits de santé et de comblement des failles du système,
l’adoption de ce texte a suscité de nombreuses interrogations engendrant une
certaine insécurité juridique et nécessité de nombreuses dispositions
d’application.
L’année 2012 a ainsi été marquée par l’adoption de plusieurs
décrets et autres textes d’application (plus de 20 textes adoptés en 2012).
Sans dresser une liste à « la Prévert », on peut noter que suite au décret du 27 avril 2012, AFSSAPS
(l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé) a disparu au
profit de ANSM (Agence Nationale de Santé et des Médicaments).
Plusieurs textes d’application ont
été pris concernant les déclarations publiques d’intérêt de tout intervenant
siégeant dans les commissions et conseils tenus par des organismes publics
ayant un rapport avec le domaine de la santé.
Plusieurs décrets du 9 mai 2012 ont encore
été publiés aux fins d’encadrer plus strictement la publicité des médicaments
avec la nécessité d’obtention d’un visa a priori et non plus a posteriori. Concernant les dispositifs médicaux
plus spécifiquement, les décrets du 9 mai 2012 ont également fixé des règles
d’encadrement de leur publicité.
Il convient, en parallèle de relever que si la règlementation
positive applicable aux dispositifs médicaux n’a pas évolué en 2012 de manière sensible,
des travaux importants ont toutefois été menés à divers niveaux.
Ainsi l’un rapport d’information rédigé par la mission commune d’information portant sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique avait été publié par le Sénat en juillet 2012 sur le bilan des règles applicables à la sécurité des dispositifs médicaux et des propositions d’amélioration. Au préalable, un rapport d’information rédigé par la mission commune d’information portant sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique avait été publié par le Sénat en juillet 2012.
Enfin la Commission Européenne a publié en septembre 2012 deux propositions de règlement.
L’ensemble de ces travaux et projets présage un encadrement
plus strict des dispositifs médicaux en France et plus généralement dans
l’Union Européenne en prévoyant d’assurer une surveillance plus étroite des
organismes notifiés qui délivrent le marquage CE aux dispositifs médicaux, des
règles de traçabilité renforcées, un système d’identification unique des
dispositifs médicaux, une vigilance et une surveillance du marché accrue.
Malgré la pléthore des textes pris pour l’application de la loi Bertrand, des mesures importantes et sujettes à interprétation instaurées par la loi Bertrand, restent dans l’attente de leur texte d’application.
Il en est ainsi par exemple des conditions dans lesquelles
l’ANSM doit mettre à disposition des professionnels de santé, des usagers et des
administrations, une base de données générale sur les traitements et le bon
usage des produits de santé.
C’est également le cas des conditions d’application des
règles de publication imposées aux entreprises de santé concernant les
conventions qu’elles concluent avec le monde médical.
Cette situation n’est pas satisfaisante. En effet la loi
Bertrand a prévu que le nouvel article L-1453-1 du Code de la santé publique relatif à la publicité de l’existence des conventions conclues entre les
entreprises du secteur de la santé et les intervenants dans ce domaine devait
s’appliquer à compter de la date de publication du décret pris pour son
application et au plus tard le 1er août 2012.
Il n’aura échappé à personne qu’en l’absence de décret d’application publié le 1er août 2012 les dispositions de la loi Bertrand sont applicables et susceptibles d’être sanctionnées pénalement.
Si le Directeur Général de la Santé dont l’attention a été
appelée sur cette problématique a pris position le 1er août 2012 et
s’est voulu rassurant en précisant qu’en l’absence de publication d’un décret,
ni l’obligation de publication des liens ni sa sanction ne pourront entrer en
vigueur, reste que la situation actuelle maintient une insécurité juridique
préjudiciable au domaine de la santé.
On peut penser que le retard pris dans l’adoption de ces derniers
textes d’application s’explique, pour partie à tout le moins, par les failles
de la loi Bertrand. Ainsi l’article L-4113-6 du Code de la santé publique modifié
par la loi Bertrand étend l’interdiction des avantages consentis aux
professionnels de santé par les entreprises produisant des produits de santé,
aux étudiants se destinant à ces professions et aux associations les
représentants. Or le législateur a omis de faire bénéficier les associations
représentants les étudiants et les professionnels de santé des exceptions à
cette interdiction dans un cadre de recherche et d’hospitalité.
Dans la mesure où en application de la hiérarchie des normes
un décret ne peut « corriger » un texte de loi, cette situation peut
expliquer le retard pris dans l’adoption de textes d’application sur ces sujets.
Dans le regain de tension actuelle de défiance de la société à l’égard des produits de santé et plus généralement du système de santé, il serait néanmoins opportun que les derniers textes d’application soient rapidement publiés, ou le cas échéant des textes législatifs adoptés corrigeant les insuffisances de la loi Bertrand pour permettre aux entreprises de la santé de connaître avec précision et sans insécurité juridique les nouvelles règles qui s’imposent à elle.