Soins mentaux : recourir au digital pour atteindre les patients "empêchés"

Le fait d’imposer une première consultation psychiatrique en présentiel empêche un grand nombre de patients de se faire soigner, pour des raisons tant physiques que psychologiques.

La loi impose actuellement une consultation en présentiel dans les 12 mois précédant celle par téléconsultation. Cette obligation est un non-sens thérapeutique, qui met les soins hors de la portée d’un grand nombre de personnes qui en ont pourtant besoin. Cela est d’autant plus regrettable que des outils technologiques se développent, qui visent justement à accélérer la prise en charge des patients et instaurer un véritable cadre préventif.

En France, le retard dans la prise en charge des maladies mentales est très important (il faut ainsi jusqu’à 10 ans pour diagnostiquer un trouble bipolaire). Le problème  ? Nombre de patients sont aujourd’hui dans l’impossibilité physique ou psychologique de consulter. Ce sont les patients "empêchés " de la psychiatrie. Or, laisser traîner la prise en charge des maladies mentales est grave. Ce sont en effet des maladies chroniques, qui ne se soignent quasiment jamais toutes seules, mais vont au contraire en s’aggravant, et peuvent provoquer des drames, comme le suicide ou la mise en danger d’autrui. Pour apporter une solution concrète à ce phénomène, il faut s’emparer des moyens technologiques existants pour se mettre à la portée des patients.

Déserts médicaux et handicaps physiques : les entraves physiques

Dans leur accès physique aux soins, les patients sont confrontés à un double obstacle : les psychiatres sont mal répartis (un tiers est ainsi concentré en Ile-de-France) et pris d’assaut, de sorte que les patients consultent souvent le premier psychiatre libre, sans qu’il corresponde forcément à leur pathologie.

À ce triple obstacle, qui concerne l’ensemble des patients, s’ajoutent ceux rencontrés par toutes les personnes atteintes de handicaps physiques ; soit parce que les cabinets ne permettent pas de les accueillir, soit parce qu’elles ne peuvent pas s’y rendre sans accompagnement. C’est la double peine : non seulement leur handicap entraîne des troubles supplémentaires, comme la dépression, mais il leur est aussi plus difficile de les faire soigner.

La technologie apporte une solution salutaire, en abolissant les barrières géographiques, donc le problème de l’accès physique. Plus besoin de se déplacer : d’où qu’ils soient, les patients peuvent consulter les spécialistes qui correspondent à leur cas — quel que soit le lieu où ceux-ci exercent.

Handicaps mentaux, phobiques et stigmatisation : les entraves psychologiques

Le recours au digital facilite non seulement l’accès matériel aux spécialistes psychiatriques, mais encourage aussi les patients à venir chercher l’aide dont ils ont besoin. L’écran peut en effet aider toutes les personnes atteintes de handicaps mentaux ou de phobies sociales, et qui ne peuvent pas sortir seules de chez elles ou prendre les transports. Le digital permet de les prendre en charge, dans l’espace protecteur de leur domicile et donc, de soigner leurs phobies jusqu’à les rendre aptes à poursuivre les consultations en cabinet.

La médiation d’un écran procure aussi une confidentialité qui encourage les patients à se livrer. Cela permet d’aller chercher tous ceux qui savent pertinemment qu’ils ont besoin d’aide mais n’arrivent pas à enclencher le processus psychologique nécessaire pour se rendre à un rendez-vous. Le simple fait d’ouvrir son ordinateur ou son téléphone, et de parler, dédramatise la démarche et permet de se soustraire à la regrettable — et injuste — stigmatisation dont sont victimes les patients de la psychiatrie. Cette stigmatisation représente par ailleurs un obstacle majeur à l’accès aux soins dans certaines professions (médecins, police, fonction publique) ou petites villes. Le digital permet désormais à une personne qui vit en Corrèze de consulter de façon confidentielle un psychiatre, qu’il se trouve dans la même ville ou à l’autre bout de la France.

Mais surtout, en les prenant en charge immédiatement (dans les 24 ou 48 heures), le digital permet de faire entrer les patients dans un parcours de soin au moment précis où ils demandent de l’aide — quand la perspective d’une longue attente (elle peut atteindre six mois) risque au contraire de les décourager.

Au-delà de la difficulté d’accès, les patients souffrent d’un manque criant d’éducation aux soins mentaux. Il y a quelques années, le cancer était victime du même manque de traitement. Conscients du problème, les pouvoirs publics avaient alors lancé le "Plan cancer " qui a permis de lever le tabou, et grâce auquel cette maladie est aujourd’hui mieux soignée.

La même démarche doit être appliquée aux maladies mentales, qui auraient grand besoin d’une campagne publique de déstigmatisation. Pour être efficace, cette campagne se doit d’intégrer les solutions technologiques, qui non seulement résolvent le problème de l’accès aux soins, mais sensibilisent aussi la jeune génération aux troubles qu’elle est susceptible de rencontrer et aux traitements qui sont à sa portée.