Les professionnels dénoncent le délabrement du secteur de la santé mentale

Aujourd'hui, plusieurs chiffres alarment sur l'état inquiétant du secteur de la santé mentale en France. Les professionnels dénoncent le délabrement du secteur.

Aujourd’hui, plusieurs chiffres alarment sur l’état inquiétant du secteur de la santé mentale en France. Du côté des professionnels du secteur public, on constate 4 postes vacants sur 11, soit 30% de manque de médecins sur le territoire. Dans certaines régions, les listes d’attente pour consulter en Centres Médico-Psychologiques (CMP) atteignent plus de 18 mois ! Du côté des patients, la crise sanitaire a eu un impact sans précédent sur la santé mentale. Les résultats de la dernière enquête CoviPrev démontrent la dégradation de leur état psychologique post-épidémie : 15% d’entre eux rapportent des signes d'un état dépressif, 25% des signes d'un état anxieux et 67% souffrent de problèmes d'insomnie. Les pathologies sous-jacentes, notamment les addictions (tabac, alcool, alimentation,...), ont largement augmenté ces 3 dernières années. Au global, on note une tendance à un repli sur soi et une absence de lien social liée, entre autres, au télétravail. Les publics les plus touchés sont les étudiants et les populations en secteur urbain. 

Couplé à l’inflation, l’échec du dispositif MonPsy se confirme 

Présenté comme l’une des mesures phares des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie organisées en septembre 2021, le dispositif MonPsy est loin de faire l'unanimité chez les professionnels. Lancé le 5 avril dernier, il permet aux patients de plus de 3 ans atteints de troubles psychiques légers à modérés (non ouverts aux formes sévères de troubles psychologiques) de bénéficier du remboursement de 8 séances d'accompagnement psychologique par an. Les honoraires des praticiens sont fixés à 30€ par séance (40€ pour l'entretien d'évaluation réalisé lors de la première séance) et ne peuvent faire l'objet d'un dépassement. Les patients sont remboursés à 60% par l'Assurance Maladie, le solde étant pris en charge par l'assurance complémentaire. Pour en bénéficier, il faut être adressé par un médecin généraliste et consulter un psychologue conventionné et répertorié sur la plateforme MonPsy. 

Aujourd’hui, selon un décompte du SNPPSY, moins de 5% des professionnels ont intégré ce dispositif via la plateforme, soit environ 1 300 praticiens sur les près de 28 000 exerçant en libéral. On note qu’il s’agit très souvent de jeunes professionnels avec peu d’expérience qui souhaitent se créer une clientèle rapidement. 

En outre, même avec l’inflation, on note que les praticiens libéraux n’ont pas augmenté leurs tarifs. Pourtant le montant de la séance chute à 30€, une sous-tarification selon le Syndicat qui dénonce un raisonnement basé sur une politique du chiffre et non de la qualité de prise en charge. Le praticien divise ses revenus “traditionnels” par deux et le dispositif MonPsy impose une durée aux séances, ne permettant plus au professionnel d’adapter sa pratique selon les enjeux processuels et la problématique manifeste ou latente, selon sa formation de référence. En conséquence, la profession ne devient plus assez attractive pour les jeunes. 

Le SNPPSY propose de valoriser les ressources actuelles du secteur libéral et d’augmenter les salaires des professionnels du secteur public, déserté jour après jour. Côté patients, la solution envisagée serait de tarifer les séances en fonction des revenus et mutuelles de chacun. 

Les déserts médicaux se creusent et la crainte d’une thérapie “low cost” est forte

L’adressage du patient par le médecin généraliste s’apparente à une mise sous tutelle d’évaluation de la profession. Le choix du praticien sera désormais influencé par le médecin généraliste et l’anonymat risque d’être menacé.  En raison de la désertification médicale, le patient est dirigé vers des soins beaucoup moins qualitatifs et adaptés.  

En effet, les déserts médicaux se creusent avec de longues listes d’attentes chez les médecins généralistes et les maisons médicales ne proposent pas de suivi avec un praticien dédié, les patients sont donc souvent redirigés vers des spécialistes “à l’aveugle” et/ou via l’outil Doctolib. Sauf que, depuis quelques semaines, une nouvelle problématique émerge : Doctolib ne recense plus les professionnels qui ne sont pas titulaires d’un numéro Adeli. Les patients sont donc encore plus lésés et ne disposent plus d’une véritable liberté de choix de leur praticien. 

Le SNPPSY est indigné par cette pratique et appelle les pouvoirs publics à recenser toutes les ressources actuelles : les experts formés par les écoles agréées/certifiées par l’Etat et les universitaires. Il ne faut plus opposer les formations mais mutualiser les ressources de qualité que nous avons afin de pallier les problématiques d’aujourd’hui. 

La relation patient-praticien est elle aussi menacée : en 8 séances, tous les patients ne sont pas soignés. On ne fait que de la thérapie comportementale au détriment de thérapie relationnelle. "C’est comme mettre du plâtre sur une jambe de bois", s’indigne le SNPPSY. Le Syndicat voit se profiler une médecine à deux vitesses : les patients qui consultent à hauteur de 8 séances puis arrêtent, pensant être soignés, et ceux qui continuent la thérapie sans remboursement. 

Pour conclure, le SNPPSY dénonce une para médicalisation, une instrumentalisation et une dévalorisation de la profession et exhorte le gouvernement à revoir ces mesures de toute urgence. En parallèle, il prône le professionnalisme du secteur, une redéfinition des ressources actuelles et défend la relation de qualité entre le patient et son thérapeute, une relation de confiance qui soigne vraiment.