Passer du curatif au préventif, une obligation sanitaire et financière pour la France

Si la couverture universelle contribue à la renommée de notre système de santé, elle cache un modèle défaillant.À quand des réformes concrètes en matière de prévention pour changer de paradigme. ?

La France, championne de la médecine curative 

Plusieurs facteurs contribuent à entretenir un système de santé curatif et coûteux. Déjà, il est structurellement construit pour le soin. Tout le monde a pris l’habitude de demander des boites à la pharmacie en cas de traitement sans se soucier du besoin exact. Or, ajuster le traitement au besoin réel devrait être un automatisme comme ça l’est dans un certain nombre de pays.  

Un nécessaire changement de cap 

La pandémie a souligné l’importance de notre santé au quotidien et certaines études soulignent de plus en plus l’importance de la prévention. Cette année, l’ANSES a mis en garde contre le manque d’activité physique et de sédentarité des Français. 95% de la population serait exposée à un risque de détérioration de la santé par manque d’activité physique. 

Au-delà d’une sensibilisation accrue, on commence aussi à sortir du « quoi qu'il en coûte », avec un appel à la responsabilisation. Durant la campagne présidentielle de 2022, la quasi-totalité des candidats a évoqué la nécessité de réorienter notre système vers la prévention. Aujourd’hui, le gouvernement semble préparer le terrain pour mettre les Français à contribution pour réduire les dépenses de santé. Notre système n’aurait-il pas dû fonctionner ainsi dès le début ?   

Un casse-tête pour l’exécutif 

Des concertations sont en cours pour réaliser les économies espérées sur les remboursements de médicaments. Mais il faudrait passer la vitesse supérieure. 

L’Allemagne a lancé en 2019 un programme intéressant, le Digital Health Apps, pionnier en matière de remboursement de la santé numérique. Il a ouvert la voie à la mise en œuvre d’un cadre juridique en Europe, sur le remboursement d’applications de santé numérique, incluant un large volet préventif. La France lui a emboîté le pas en 2022 avec le programme PECAN. Mais celui-ci se heurte à la méconnaissance des professionnels de santé, à la fracture numérique et au manque de pilotage pour déterminer les critères de sélection des applications de santé.  

Le retard de la France en matière de prévention n’est pas une simple question de moyens, mais un enjeu de pilotage global pour accélérer le déploiement et l’adhésion à un programme qui puisse produire des effets vertueux sur la santé publique. 

Les mutuelles et assurances santé à la manœuvre 

Pour viser une approche globale, l’une des priorités est de coordonner les acteurs impliqués autour d’objectifs communs. Cette coordination devrait s’initier à travers un travail interministériel, regroupant les principaux Ministères impliqués sur le sujet. 

Le travail autour d’un nouveau modèle doit se faire auprès des mutuelles. Une partie ce qui était jusqu’à présent pris en charge par la Sécurité sociale va devenir de la responsabilité des mutuelles, avec un impact évident - mais pas forcément illégitime et raisonnablement limité – sur les consommateurs. Encore une fois, il en va de la responsabilisation. Dans ce cadre, les mutuelles devraient jouer un rôle plus important, et avoir la possibilité d’intégrer dans les contrats « responsables » le remboursement d’un montant forfaitaire annuel d’une centaine d’euros par personne sur des outils de prévention santé notamment au travers de la promotion de l’activité physique. Cet investissement serait rentable pour les acteurs de la Santé et en premier lieu pour l’Assurance-Maladie. En misant sur la prévention, on réduit la facture du soin.   

La loi votée en 2021 sur la suppression de l’avantage en nature concernant la promotion de l’Activité physique en milieu professionnel est une bonne chose mais elle n'a été que peu mise en avant par les différents acteurs de la filière.   

L’enjeu est donc d’opérer une bascule, d’engager des politiques capables de porter l’adoption d’une loi qui va changer le regard de la société française sur la prévention. Avec les Jeux Olympiques sur notre territoire l’an prochain, et une exceptionnelle effervescence attendue autour du sport, on ne peut qu’espérer que le déclic se fasse !