Eric Plat (Atol les Opticiens) "Atol va créer une start-up autour de la lunette connectée"

La jeune pousse travaillera sur de nouvelles catégories de service IoT que l'opticien entend lancer dans moins de quatre ans.

JDN. Atol les Opticiens a lancé en août 2015 les lunettes connectées made in France Téou, géolocalisables grâce à une application smartphone dédiée. Comptez-vous explorer davantage le marché de l'Internet des objets ?

Eric Plat, PDG de la coopérative Atol les Opticiens. © Atol

Eric Plat. Absolument. Dans le cadre du plan stratégique 2016/2020 d'Atol, présenté le 26 mai, nous avons prévu de lancer d'ici trois ou quatre ans quatre nouvelles catégories de services autour de la lunette connectée. Nous collaborons sur ces projets avec des fournisseurs 100% tricolores, notamment installés à côté de Bordeaux et de Toulouse.

Quels seront ces nouveaux services IoT ?

Le plus avancé de ces programmes est dédié aux seniors. Nous travaillons sur un système de géolocalisation qui permettrait aux proches d'une personne touchée par Alzheimer de toujours savoir où est le malade, car il arrive parfois qu'il se perde. L'avantage d'un capteur fixé sur une paire de lunettes, c'est que l'utilisateur n'oublie jamais de l'emmener avec lui, contrairement à un collier connecté qui peut rester dans la boite à bijoux.

"Le plus avancé de nos nouveaux programmes est dédié aux seniors"

Nos équipes de recherche développement planchent également sur des services domotiques visant à simplifier l'utilisation des nombreux appareils connectés présents dans nos maisons. Nous en sommes encore au stade de l'étude préliminaire mais nous voudrions par exemple que nos clients n'aient plus besoin de taper un code pour empêcher le déclenchement de leur alarme lorsqu'ils rentrent chez eux, grâce à leurs lunettes connectées.

Atol veut aussi élaborer une offre IoT pour les juniors, qui sont de plus en plus nombreux à être touchés par la myopie car ils passent un temps croissant en intérieur devant leurs écrans. Les yeux doivent être protégés des UV, bien entendu. Mais les UV sont aussi essentiels pour le développement d'un œil sain. Nous pourrions créer un capteur qui détecte si les jeunes ont eu suffisamment de contact avec ces rayons au cours de la journée.

Le groupe prépare enfin une série d'applications destinées aux conducteurs, notamment un système permettant de détecter la fatigue au volant grâce à l'analyse d'une série de paramètres physiques.

Combien allez-vous investir pour porter ce projet ?

L'investissement est avant tout humain : deux ingénieurs travaillent déjà sur ce programme et nous allons en embaucher un troisième. C'est rare qu'un groupe d'optique recrute ce type de profils. Cette nouvelle recrue, passée sur les bancs de l'école Centrale, prendra la tête de la start-up que nous allons créer dans les 8 à 10 prochains mois pour travailler sur ces quatre nouvelles catégories de services Iot. Cette jeune pousse collaborera probablement avec des partenaires extérieurs.

Comptez-vous lever des fonds pour alimenter ce spin-off ?

Oui, mais il est encore un peu tôt pour annoncer un calendrier précis.

Concrètement, ces nouveaux services seront-ils implantés dans vos Téou ?

Non. Le produit de nos ventes sur ces lunettes est trop marginal. Elles sont présentes chez plus de 90% de nos opticiens mais nous écoulons seulement quelques centaines de pièces par mois, car il n'existe que 5 montures différentes. Or la forme des lunettes est une donnée essentielle dans l'achat d'un client.

"Nous écoulons seulement quelques centaines de pièces de nos lunettes connectées Téou chaque mois"

Au lieu d'investir pour concevoir de nouvelles lunettes, nous avons décidé d'intégrer directement les technologies que nous développons dans une gamme existante, les "interchangeables". Le client peut changer ses branches à volonté. Nos ingénieurs travaillent sur la miniaturisation des capteurs, pour que ces lunettes type "Lego" restent design. L'utilisateur final se moque de la techno, il veut un produit fini agréable à porter et joli.

Considérez-vous le projet Téou comme un échec ?

Pas du tout ! Nous sommes les seuls acteurs du marché à savoir fabriquer des lunettes connectées. Nous avons nos fournisseurs d'électronique attitrés et nous savons désormais quelles sont les erreurs à ne pas commettre. Intégrer une batterie à induction à nos Téou était par exemple une mauvaise idée. Nous sommes attentifs aux retours de notre clientèle sur ce produit.

Par ailleurs, les ventes de Téou ne sont pas très importantes car elles n'offrent qu'un service de géolocalisation. Nos futures lunettes connectées couvriront quatre marchés importants et devraient donc séduire plus de clients.

Cette activité est éloignée de votre cœur de métier. Vous n'avez pas peur de vous faire écraser par des géants du net type Apple ou Google ?

Le marché de l'optique éternue depuis deux ans, celui de l'IoT va décoller. Nous devons nous lancer dans ce secteur dynamique. Atol a moins à craindre selon moi de grands groupes peu mobiles et pas spécialisés dans la lunette que de start-up qui pourraient venir innover dans ce marché.

Où seront vendues vos futures lunettes connectées ?

Dans tous nos points de ventes. Nous formerons nos opticiens à cette innovation, comme nous l'avons fait avec les Téou. 700 personnes ont suivi une formation de e-learning pour comprendre leur fonctionnement.