Entre technique et business, le chef de projet smart city connecte la ville

Entre technique et business, le chef de projet smart city connecte la ville Ce poste, créé par plusieurs métropoles françaises pour piloter leurs stratégies de ville intelligente, est majoritairement occupé par des ingénieurs.

Eradiquer les bouchons, stopper la pollution, diminuer la criminalité. A en croire ses promoteurs, la smart city - ville intelligente en Français – est parée de toutes les vertus. Mais derrière le marketing, les métropoles françaises s'intéressent surtout à la smart city pour optimiser leur organisation interne et générer des économies. Dans un contexte de baisse des dotations de l'Etat, c'est peu dire que l'intérêt est grand… Pour animer cette démarche de transformation numérique, un nouveau métier est apparu dans les collectivités : celui de chef de projet (ou chargé de mission) smart city.

Christophe Colinet est l'un d'entre eux. Chargé de mission métropole intelligente à Bordeaux Métropole, il est "un facilitateur au sein de la collectivité pour faire émerger des projets transverses", résume-t-il. Cette transversalité est la particularité des projets smart city, qui touchent de nombreux aspects de la ville, alors que les collectivités sont organisées en directions métiers peu habituées à collaborer entre-elles. "Je suis rattaché à la direction du numérique, mais je travaille aussi avec celles de l'énergie, des bâtiments, des mobilités et de l'éclairage". Par exemple pour l'expérimentation, en cours depuis juillet, de 500 capteurs sur des lampadaires, compteurs d'électricité et bornes de recharge électriques. Objectif : optimiser la consommation énergétique et mieux anticiper les pannes.

Penser les modèles économiques

Et au quotidien, qu'est-ce que cela donne ? "Sur une journée, je consacre la moitié de mon temps à des réunions de travail autour de comités techniques de suivi, un quart à la mobilisation de mes collègues en interne, et un quart au management de mon équipe de 25 personnes", décompte Christèle Tranchant, chef du projet OnDijon. Ce vaste chantier smart city doit aboutir à la création d'un centre de contrôle unique regroupant plusieurs missions de supervision (éclairage, énergie, voirie, vidéosurveillance, bâtiments publics, stationnement…). Un contrat à 105 millions d'euros sur douze ans remporté en 2017 par le consortium Bouygues Energie & Services-Capgemini-Citelum-Suez.

Le métier comporte donc une dimension business, l'agent jouant un rôle clé dans l'évaluation des propositions déposées par les entreprises lors d'appels d'offres. Il doit également nouer des relations avec les grandes entreprises, start-up et instituts de recherche de son territoire, afin de leur faire part des besoins de la ville. Et charge à lui de penser les modèles économiques des projets.

Des ingénieurs du privé

Pour occuper ces postes, les collectivités françaises sont plutôt friandes de profils techniques. Sur 17 chefs de projet smart city identifiés, plus de la moitié d'entre eux (53%) sont ingénieurs de formation. Certains ont complété leur cursus par des diplômes de management ou d'économie. La plupart (65%) sont des hommes. En raison des compétences requises et du lien avec le monde de l'entreprise, beaucoup n'ont pas toujours été fonctionnaires : 76% d'entre eux ont au moins une expérience dans le privé. Le Bordelais Christophe Colinet, a le profil-type. "Ingénieur télécom de formation, je suis passé par Hewlett-Packard avant de devenir directeur technique dans une société de services", raconte-t-il.

A Nice, la métropole a choisi d'éclater le portefeuille smart city sur plusieurs postes. Mais elle privilégie, elle aussi, les profils techniques, assure son directeur des systèmes d'informations, Serge Massiera. "Nous avons besoin de personnes qui connaissent les procédés de production informatiques. Nous choisissons donc des informaticiens, que nous faisons ensuite réfléchir aux usages puis au business."

Les qualités requises pour le job ? Pédagogie, patience et persuasion. Le chargé de mission smart city doit faire comprendre aux directions métiers, sur lesquelles il n'a aucune autorité, l'intérêt qu'elles trouveront à intégrer le numérique et les données à leurs projets. "La technique, on sait faire. La difficulté est de fédérer toutes les équipes", confirme Christèle Tranchant. Il est indispensable de maîtriser l'anglais, ajoute Cristophe Colinet : "Cela sert à développer des liens avec les entreprises et collectivités étrangères. Il existe des centaines de cas d'usage dont on peut bénéficier en Europe." Il faut, enfin, avoir une certaine envie de service public : les informaticiens ne retrouveront pas dans les métropoles les niveaux de rémunérations du privé.

Un article paru dans le Figaro Tech

Cet article est originellement paru le 24 septembre dans le Figaro Tech, supplément trimestriel du quotidien Figaro, fruit de la collaboration entre les équipes du Figaro Economie et du JDN. Objectif de ce cahier : créer un point de repère dans l'innovation technologique, pour distinguer les modes des phénomènes de fond.