Christophe Colinet (Bordeaux Métropole) "La 5G permettra plus d'agilité dans le déploiement des capteurs"

Le chargé de mission smart city de la métropole bordelaise, spécialiste des télécoms, explique au JDN les opportunités qu'offre la 5G aux collectivités pour développer leurs villes intelligentes.

JDN. Au-delà de vitesses de connexion plus rapides, quel intérêt présente la 5G dans la smart city?

Christophe Colinet est chargé de mission smart city à la métropole de Bordeaux © Green Digital Charter

Christophe Colinet. Il y a un certain engouement qui vient du fait qu'on ne connaît pas encore toutes les possibilités que recèle ce réseau. Ce que l'on sait, c'est qu'il permettra à la fois de couvrir des besoins télécom ultra bas débit, comme ceux des objets connectés, et des applications nécessitant beaucoup de bande passante, un temps de latence très faible et une fiabilité maximale. Par exemple, un véhicule autonome ne pourra pas se permettre une demi-seconde de latence pour freiner ou éviter un obstacle. Mais cela nécessitera des investissements et beaucoup d'antennes pour implémenter la "vraie" 5G, celle dans la fréquence 26Ghz. Pas sa version moins puissante, qui est une simple évolution de la 4G.

L'une des fonctionnalités intéressantes permises par la 5G sont les tranches de réseau ("network slicing"). Comment fonctionnent-elles et quel intérêt présentent-elles pour les collectivités ?

L'objectif pour l'opérateur est de fournir une qualité de service qui dépend de la criticité de la mission de son client. Une opération à cœur ouvert à distance a besoin d'un réseau sécurisé et sans la moindre latence, alors que nous ne sommes pas à dix minutes près pour remonter les niveaux de carbone enregistrés par un capteur. Cette différenciation permettra aux opérateurs de tarifer leurs offres en fonction de ce niveau de service. Cela pourrait être intéressant pour les collectivités, qui paieront moins cher si elles n'ont pas besoin d'une énorme réactivité.

Cette assurance de réactivité et de fiabilité permettra-t-elle aux villes de commencer à accorder des missions plus critiques à leur IoT, avec des objets connectés qui ont des conséquences physiques sur la ville (réseau électrique, transports…) ?

Pour l'instant, nous ne l'envisageons pas. Mais on peut imaginer l'intérêt de cette technologie pour des missions de services d'urgence comme les ambulances ou les pompiers, afin de demander la libération d'une voie ou calculer à la volée le parcours le plus court et le plus sécurisé pour ce type de véhicules. Des villes commencent même à utiliser leur éclairage intelligent pour montrer aux équipes le meilleur chemin à emprunter en modifiant l'intensité des lampadaires.

Une bande passante accrue devrait faciliter l'utilisation de capteurs gourmands en données, comme les caméras, qui sont aujourd'hui connectées en fibre optique. En plus d'économies, qu'apportera la 5G dans ce domaine ?

La 5G permettra beaucoup plus d'agilité dans leur déploiement. Aujourd'hui, il peut se passer six mois entre la décision de placer une caméra quelque part et son installation, car il faut prendre des arrêtés de voirie, creuser des tranchées, tirer des fils… S'il suffit de connecter la caméra au réseau 5G, tout peut être réglé en une semaine. Cela nous permettrait un meilleur temps de réaction pour décider de surveiller une zone qui en a besoin. Mais cela offrirait surtout une grande mobilité aux caméras qui pourraient être redéployées facilement ailleurs. On éviterait ainsi le problème classique de la vidéo-protection : déplacer les problèmes dans les zones sans caméras.

La 5G rendra-t-elle les réseaux IoT comme Sigfox ou LoRa déjà employés par certaines collectivités obsolètes ?

Je ne pense pas qu'il soit incompatible de conserver ces différentes couvertures réseau. Il faut que nous soyons capables de les adresser tous en tant que collectivité, grâce à des couches d'interopérabilité. Des écosystèmes existent déjà autour de ces réseaux, il ne faut donc pas en prioriser un par rapport à un autre.

Où en est Bordeaux Métropole dans l'expérimentation de la 5G ?

Une expérimentation avec Bouygues et Huawei est en cours pour tester la version la plus lente de la 5G. Mais nous n'avons pas encore expérimenté son véritable potentiel via des fréquences offrant beaucoup plus de bande passante. Nous aimerions qu'un opérateur se manifeste pour nous aider à identifier les modèles techniques et économiques qui se dessineront. Nous sommes en train de regarder comment répondre à l'appel à projets lancé par l'ARCEP en ce sens.