La fin des grands salons automobiles a-t-elle sonné ?

Le Covid et l'essor du numérique sont venus perturber les grands salons. Ceux de l'automobile doivent également faire face à une pression accrue de la part des villes anti-automobiles et des militants écologistes.

Lors de mon arrivée à Paris, il y a cinq ans, j'ai été invité à rencontrer le responsable du Mondial de l'Automobile, avenue Montaigne dans l'un des immeubles les plus prestigieux au monde. Le bureau du nouveau directeur avait la taille moyenne d'un appartement parisien, avec vue sur les boutiques Gucci et Prada. Les murs du bureau étaient recouverts d’affiches des éditions de cet illustre salon, vieux de 120 ans, et qui, les premières années se déroulait au Grand Palais.

Les salons automobiles ont une fabuleuse histoire derrière eux et un avenir des plus incertain. Il y a cinq ou six ans, ces salons étaient à leur apogée, bien que leur modèle n'ait pas tellement évolué depuis près de 100 ans. Les salons, tels que le Mondial de l'Automobile de Paris ou le Salon de l'Automobile de Francfort exposaient les plus grandes marques et accueillaient près d’un million de visiteurs. Peu surprenant, lorsque l’on sait qu’en 2017, 95 millions de véhicules se sont vendus portant à 1,3 milliard le total mondial – un chiffre qui résonnera sans doute comme un seuil record.

Aujourd'hui, les salons de l'auto se meurent. La grande majorité des ventes de véhicules neufs s’effectuent auprès des entreprises plutôt qu’aux consommateurs qui privilégient les achats de seconde main et gardent leurs voitures plus longtemps.

Aux États-Unis, au cours des 25 dernières années, l'âge moyen des voitures actives est passé d'environ huit ans à près de douze ans. En Europe, la tendance est similaire avec une moyenne d'âge proche des 11 ans.

Chute des trois géants du salon de l'auto

En Europe, ce sont trois grands salons automobiles qui ont vu le jour au début du 20e siècle : Francfort, Paris et Genève. L'IAA de Francfort, dirigée par la VDA (Association de l'industrie automobile allemande) a déroulé son ultime édition en 2019.  Le salon a en effet perdu quelques grandes marques, telles que Toyota et Fiat Chrysler, et accusé une chute de près de 50% de son visitorat. Pour la première fois, les organisateurs ont également dû faire face aux manifestations de lutte contre le changement climatique. L'un des groupes militant les plus actif, Sand in the Gearbox, dirigé par Tina Velo, a notamment profité du salon pour confronter l'industrie automobile sur son bilan climatique, devant la presse réunie pour l’occasion.

Le Salon international de l'automobile de Genève prévu le 3 mars 2020, a quant à lui été annulé la veille de son ouverture pour cause de Covid-19, portant à 11 millions de francs suisses les pertes d’investissement de l’organisateur et des sociétés exposantes. Palexpo SA, propriétaire des espaces d’exposition, a par conséquent décidé du report du salon en 2022.

L’accord amical liant l'IAA et le Mondial de l'Automobile de Paris actant une organisation alternée des deux événements, prévoyait un salon parisien en octobre. AMC Promotion, la holding du Mondial de l'Automobile de Paris, avait récemment cédé une participation de 50% à Hopscotch, agence de communication corporate et d'activation marque basée à Paris, bénéficiant d’une expertise reconnue en lancements produits notamment pour les marchés automobiles et de la mode. Hopscotch espérait pouvoir capitaliser sur son savoir-faire pour permettre au salon de renouer avec sa gloire passée, mais le calendrier ne pouvait être plus mauvais. Les constructeurs automobiles ont eu un salon de l'automobile de Francfort difficile, puis ont dû faire face à l’annulation en dernière minute du salon de Genève. Aucune des marques n'était par conséquent, et dans ces circonstances, prête à s'engager dans un nouveau salon de l'automobile. Hopscotch ayant licencié tout le personnel d'AMC promotion, la probabilité d'un futur Salon de l'automobile de Paris est des plus faibles.

Du "moteur" à la "mobilité": un passage compliqué

Pour l’heure, la seule certitude est celle d’un salon de l'automobile allemand. L'IAA n'a pas souhaité renouer avec Francfort, invitant Berlin, Munich et Hanovre à se positionner pour accueillir le salon. Ce sont les 15 millions investis par la Bavière et une enveloppe plus modeste de la ville qui ont permis à Munich de souffler le projet à Berlin et Hanovre. L'IAA prévoit de transformer le salon de l'automobile en un salon de la mobilité durable, plaçant la voiture au cœur du mix. Les organisateurs espèrent que cette initiative calmera les ardeurs de Tina Velo et celles de ses collègues militants anti-carbone. Il s’agit en tous les cas d’un défit de taille visant à rassembler toutes les parties prenantes. Les constructeurs automobiles poursuivront la présentation de leurs SUV à un public de munichois adepte de grosses cylindrés. Les opérateurs de mobilité présenteront quant à eux leurs solutions alternatives. Quant aux villes européennes, elles resteront à l'écart, consacrant leur énergie à la création de villes sans voitures.

Pris entre deux perturbations

La survie des salons automobiles, dépendra de plus en plus du soutien des gouvernements. Le fonctionnement jusqu’alors était schématiquement le suivant : les salons automobiles attiraient la presse mondiale qui couvrait les lancements de nouveaux modèles (souvent soutenus par les annonces publicitaires des constructeurs) découverts par les consommateurs du monde entier à la lecture de leurs publications préférées. Mais la moitié de ces publications n'existeront sans doute plus dans quelques années et les budgets seront alors alloués à des événements de proximité, économiques et qui offriront aux acheteurs potentiels l’opportunité de tester avant de se décider.

Le Covid et l'essor du numérique sont ainsi venus perturber les grands salons. Ceux de l’automobile doivent également faire face à une pression accrue de la part des villes anti-automobiles et des militants écologistes. Les constructeurs se doivent donc de considérer de nouvelles façons de communiquer sur leur offre et de toucher leurs prospects. Outre les salons automobiles, ce sont l’ensemble des entreprises du secteur des transports et de la mobilité qui doivent entrer dans l’ère de la communication numérique.

Ross Douglas est le président et fondateur d'Autonomy, le salon dédié aux professionnels des mobilités, dont le JDN est partenaire. L'édition 2020, qui se tiendra les 4 et 5 novembre, sera gratuite et 100% numérique. Au programme :  conférences, tables rondes, stands d'exposition virtuels,  démonstrations en direct.. 

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