Marc Simoncini (Angell) "Angell lève 12 millions d'euros pour s'étendre en Europe"

L'entrepreneur français revient sur les défis industriels rencontrés par sa start-up de vélos électriques personnels pendant la pandémie et évoque son futur business model.

JDN. Vous annoncez une levée de fonds de 12 millions d'euros pour votre start-up de vélos électriques haut de gamme Angell. Quels investisseurs y participent ? 

Marc Simoncini est le fondateur d'Angell. © Angell

Marc Simoncini. Cette opération a été souscrite en intégralité par les actionnaires existants : Jaina Capital (fonds d'investissement fondé par Marc Simoncini, ndlr), une dizaine de business angels réunis dans le véhicule financier Epopée, ainsi que l'industriel Seb. J'ai également remis au pot sur mes propres fonds, comme lors des tours de table précédents. Je possède encore la majorité du capital d'Angell. Ces 12 millions d'euros sont levés uniquement en capital, mais nous essaierons aussi d'activer d'autres leviers, comme la dette et les subventions. Ces fonds vont nous permettre de financier la production en masse d'un nouveau vélo, l'Angell /S, plus léger, maniable et confortable que notre premier modèle plus sportif, et vendu au même prix de 2 860 euros. Ils vont également nous aider à étendre notre réseau de vente et de maintenance en Europe. 

Pas facile de lancer une entreprise hardware juste avant une pandémie qui a ravagé les chaînes d'approvisionnement... Comment avez-vous géré l'année qui s'est écoulée ? 

Nous avons mis notre vélo en prévente en novembre 2019. Nous avons enregistré 5 000 précommandes en 2020. Le vélo a 520 pièces, nous avons eu 520 galères. Nous nous sommes dit que nous ne pouvions pas lancer une usine en plein confinement et que nous ne saurions pas faire. Nous avons donc monté une chaîne de production et mis en circulation 2 000 vélos sur les 5 000 commandés avec les pièces dont nous disposions. Puis Seb est entré à notre capital et nous avons pu grâce à son expérience et sa puissance de négociation stocker de quoi produire 20 000 vélos. Seb est également devenu notre partenaire industriel : l'entreprise produit en France les vélos pour notre compte.

L'autre problème que nous rencontrons est l'augmentation du prix des matières premières et composants. Nous sommes à la limite en termes de marges en produisant en France. Nous serons peut-être forcés d'augmenter nos prix, comme l'ont déjà fait certains de nos concurrents. 

Comment voyez-vous évoluer le secteur du vélo électrique en ce moment ? Les ventes progressent mais il reste ces barrières du vol et du prix qui empêchent le marché de décoller. Les vélos électriques personnels ne resteront-ils pas une niche complémentée par des services de free floating ? 

Ce n'est pas vraiment un marché unique. Si vous parlez des vieilles marques de vélo qui font de l'électrique, ça n'est pas notre marché. Notre marché, ce sont plutôt les urbains qui font des trajets domicile-travail. C'est pour eux que nous produisons des vélos connectés haut de gamme difficiles à voler. Nous visons ceux qui veulent faire du vélo plutôt que prendre leur voiture pour aller travailler. Ensuite, les autres usages plutôt de loisir pourront être comblés par le free floating ou des vélos personnels plus classiques. C'est un énorme marché qui est amené à exploser car le taux d'équipement en France est très bas. Mais nous savons que le segment d'Angell est une sous-niche. Si nous réussissions à vendre 10 000 vélos en France, ce serait déjà très bien. D'autant que pour proposer un service premium en termes de maintenance partout en Europe, il serait compliqué d'avoir plus de 25 000 vélos qui roulent à la fois. 

Vous parlez de haut de gamme à petite échelle, or généralement ce genre de business ont soit des marges très élevées à la vente, soit des revenus récurrents, afin de compenser ces petits volumes. Vous semblez n'avoir ni l'un ni l'autre... 

Un jour, Angell s'occupera aussi de votre santé. Nous proposerons à nos clients des abonnements axés sur le sport, avec des programmes d'entraînement. Il est stupide d'avoir à la fois un vélo d'appartement et un vélo de transport, c'est la même chose. Nous vélos sont suffisamment légers pour être utilisés pour le sport, d'autant qu'il est possible de désactiver l'assistance électrique pour se dépenser. Cela nous permettra de vendre des abonnements et des accessoires, mais aussi de créer des communautés et gamifier l'usage d'Angell. Cette stratégie est notre colonne vertébrale pour les dix prochaines années, nous n'en dévierons pas.  

Marc Simoncini fait partie de la première génération d'entrepreneurs du Web français. Il a fondé en 1996 le portail Internet iFrance, vendu à Vivendi quatre ans plus tard pour 182 millions d'euros, puis Meetic en 2001 qu'il fera entrer en Bourse avant de céder la majorité de ses parts lors de l'OPA de son concurrent match.com en 2011. Il s'est ensuite consacré principalement à l'investissement via sa société de capital-risque Jaina Capital, avant de fonder en 2019 Angell.