Scooters en libre-service : la concurrence s'accroît à Paris, la mairie calme le jeu

Scooters en libre-service : la concurrence s'accroît à Paris, la mairie calme le jeu Fini le monopole de Cityscoot : quatre opérateurs s'affrontent à Paris dans les scooters électriques en libre-service. Il n'en a pas fallu plus à la mairie pour réguler en organisant un appel d'offres.

En quelques semaines, le marché parisien des scooters en libre-service est passé d'un monopole non régulé à une concurrence entre quatre opérateurs, qui seront départagés cet automne par un appel d'offres organisé par la mairie de Paris. La start-up française Cityscoot s'était retrouvée seule sur le marché fin 2019 à la suite de l'abandon de son concurrent allemand Coup, débranché par sa maison-mère Bosch. Cityscoot a toutefois peu profité de son monopole, puisque le marché s'est rapidement effondré en 2020 avec l'arrivée du coronavirus.  

Un an plus tard, le retour des beaux jours et l'allègement des restrictions sanitaires ont créé un appel d'air sur le marché. Lime s'est lancé en avril et compte aujourd'hui 500 scooters électriques dans la capitale, avant de monter jusqu'à 1 000 à la rentrée. Puis ce fut le tour fin juin de deux opérateurs espagnols à quelques jours d'écart : Yego qui devait déployer 850 appareils d'ici fin juillet et envisage à terme d'en proposer 1 500 à 2 000, et Cooltra, qui vise les 2 000 scooters à terme après en avoir déployé seulement quelques centaines dans un premier temps. Cityscoot reste donc largement dominant en termes d'offre, avec plus de 4 000 scooters disponibles dans Paris et ses environs. 

Pas de concurrence par les prix

Cette arrivée de trois concurrents ne s'est pas accompagnée d'une guerre des prix, comme c'est souvent le cas lorsqu'un nouvel entrant veut piquer des parts de marchés au leader. Lime, Yego et Cooltra se sont à peu près alignés sur les prix de Cityscoot. Il faut dire que tout comme leur concurrent français, ils commencent à entrer dans une phase de recherche de rentabilité qui les pousse à moins d'agressivité sur les prix, mais aussi sur les tailles de flottes. "Nous avons la volonté d'y aller progressivement pour ne pas exploser le marché et devoir ensuite retirer des milliers de véhicules, comme ça a pu être le cas avec les trottinettes", reconnaît Antoine Bluy, directeur général de Lime à Paris.

L'annonce juste après les arrivées de Cooltra et Yego par la mairie de Paris d'un appel d'offres cet automne a également calmé les ardeurs expansionnistes : inutile d'investir dans un déploiement massif de flotte pour se faire éjecter du marché quelques mois plus tard en perdant l'appel d'offres. L'objectif des opérateurs est plutôt de faire bonne figure auprès de la mairie en montrant qu'ils opèrent leur service correctement. 

Du côté des offres en revanche, les concurrents de Cityscoot arrivent avec des innovations, comme la présence de deux casques dans les scooters chez Lime et Cooltra. Selon Cooltra, près d'un tiers des trajets se font avec un passager derrière le pilote. "Cela fait un an que nous savions que la concurrence arrivait, nous avons donc investi en R&D pour améliorer le service plutôt que nous demander comment monétiser ce monopole", contre-attaque Bertrand Altmayer, directeur général de Cityscoot. Ses équipes R&D ont développé un coffre propriétaire qui permet d'accueillir un deuxième casque et peut détecter leur présence. Une partie des scooters de la flotte est en train d'en être équipée. La start-up développe aussi son propre porte-téléphone, afin de permettre aux clients d'utiliser leurs smartphones comme GPS pendant leurs trajets. D'autres nouveautés seront annoncées à la rentrée.  

Rien à gagner pour Cityscoot

Nos quatre concurrents n'abordent en tout cas pas l'appel d'offres dans la même position. Le leader du marché Cityscoot a tout à y perdre. Un peu comme Lime à l'époque de l'appel d'offres pour les trottinettes, Cityscoot aurait plutôt intérêt à maintenir un marché ouvert qu'elle a de grandes chances de dominer vu son ancienneté sur place et la puissance de sa marque. On peut juger que la start-up a de grandes chances d'être sélectionnée, étant le seul opérateur français du lot, et qui a toujours su entretenir de bons rapports avec la mairie sans s'attirer les mêmes remontrances que les opérateurs de trottinettes. Mais elle remet tout de même en jeu son plus gros marché, donc une énorme partie de son chiffre d'affaires. Et même si Cityscoot était sélectionné, rien ne dit que la mairie de Paris ne choisira pas un nombre maximum d'appareils par opérateur (pour l'instant inconnu) inférieur aux 4 000 engins actuellement déployés par Cityscoot à Paris. Même en gagnant, l'entreprise pourrait donc voir baisser son chiffre d'affaires si elle était forcée de réduire la taille de sa flotte. "C'est un risque et un potentiel problème", reconnaît Bertrand Altmayer.  

La vitrine multimodale de Lime menacée

Du côté de Lime, les enjeux en termes de revenus ne sont pas aussi élevés que pour Cityscoot, puisque la start-up débute sur ce segment des scooters électriques. Mais cet appel d'offres revêt tout de même une importance particulière pour l'entreprise, car Paris est l'une des seules villes au monde, où elle propose à la fois vélos, trottinettes et scooters. La capitale française est donc une vitrine de sa stratégie, qui consiste à multiplier les moyens de transport, afin d'avoir toujours un appareil, quel qu'il soit, à proximité des utilisateurs. "C'est important dans n'importe quelle ville du monde, mais encore plus à Paris, nous ne nous en cachons pas", lâche Antoine Bluy. 

Yego et Cooltra n'ont rien à perdre

Au contraire de Cityscoot, Yego et Cooltra, déjà habitués à ferrailler avec la start-up française à Madrid et Barcelone, n'ont rien à perdre. L'appel d'offres donnera aux deux opérateurs espagnols, pour l'instant méconnus en France, une visibilité accrue s'ils gagnent, en plus de freiner les ardeurs de Cityscoot et d'augmenter mécaniquement leurs parts de marché. Par ailleurs, Paris pourrait devenir leur plus gros marché, car bien plus vaste que les autres villes dans lesquelles ils opèrent en Espagne, au Portugal ou en Italie. 

En attendant la confrontation finale, les quatre opérateurs sont consultés par la mairie de Paris sur les modalités de l'appel d'offres. La taille des flottes est un enjeu particulier, car on mesure encore mal les conséquences du futur stationnement payant pour les motards sur la demande pour ces services. Autre point crucial : la durée du contrat. "Une durée de deux ans comme pour les trottinettes n'est pas envisageable, car les investissements dans les scooters sont beaucoup plus lourds, donc plus longs à rentabiliser", assure Bertrand Altmayer. On devrait savoir à la rentrée quelles seront les règles du jeu. Avant d'en connaître les gagnants et les perdants.