Pas de liberté, sans mobilité !

Comment est perçue et vécue la mobilité par les Français en situation de handicap dans l'ensemble du territoire ? Les infrastructures leur permettent-elles de se déplacer comme ils le souhaitent ?

D’une manière générale, la capacité à se déplacer de façon autonome est un facteur important dans la mobilité et plus généralement pour la participation à la vie sociale. Selon une étude de l’IFOP, neuf personnes sur dix en situation de handicap éprouvent des difficultés pour prendre les transports en commun, se rendre à la pharmacie, aller chercher leur enfant à l'école… 

Quel que soit le jour de la semaine, nous avons pu constater que les personnes en situation de handicap se déplacent davantage vers 10 h/11 h le matin et 14 h/15 h l’après-midi, évitant ainsi les heures de pointe. Elles utilisent ces horaires parce que 67 % d’entre elles sont retraitées. 

Lors des différentes enquêtes, nous avons pu également constater que les personnes en situation de handicap se déplacent en moyenne deux fois moins que les autres. La première raison évoquée pour ces déplacements réduits est leur état de santé. La deuxième raison est l’absence de besoin ou d’envie : elles rencontrent trop de difficultés sur la voirie avec leur fauteuil roulant.

De plus, cet écart se creuse, après 60 ans le handicap diminue considérablement la fréquence des sorties. Cela se retrouve dans les abonnements aux transports en commun. L’infographie ci-dessous montre que les non-handicapés sont plus nombreux à posséder un abonnement. 

La proportion de personnes ne se déplaçant pas est quasi identique quel que soit le type de handicap : entre 14 % pour les personnes en situation de handicap auditif et 17 % pour celles qui ont un handicap mental, cognitif ou psychique. 

Les personnes résidant à Paris se déplacent plus que celles de petite et grande couronne. La proximité des lieux d’activité que procure la densité semble avoir un effet bénéfique sur la probabilité de sortie, y compris pour les personnes en situation de handicap. 

L’accès à la voiture individuelle est encore plus limité pour les personnes en situation de handicap. En effet, 30% (dont un tiers en fauteuil roulant) des foyers dans lesquels vivent des individus en situation de handicap n’ont pas de voiture, contre 19 % des personnes sans handicap. Nous pouvons noter également qu’à situation comparable, le handicap pénalise davantage les femmes que les hommes concernant l’accès au permis de conduire.

Des améliorations encore insuffisantes 

Pour rappel, le terme établissement recevant du public (ERP) est défini par l’article R. 123-2 du code de la construction et de l’habitation. La loi handicap de 2005 : l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoyait que les lieux et transports publics soient accessibles à tous avant 2015. Les difficultés étant toujours présentes, de nouveaux délais ont été fixés : trois ans pour les transports urbains, six ans pour les liaisons interurbaines et neuf ans pour le réseau ferroviaire.

En Île-de-France, un grand chantier est en cours afin d’améliorer l’accessibilité des gares d’ici 2024. Objectif : passer de 54 gares aux normes à plus de 250 gares accessibles à 2024. La SNCF estime que 90 % des usagers pourront alors circuler librement sur l’ensemble du réseau francilien. Ces travaux consistent à mettre en place des infrastructures dédiées aux personnes en situation de handicap (création d’ascenseurs, de tapis roulants, de rampes d’accès, de quais rehaussés, de couloirs plus larges, de bandes au sol…) Il y également des outils pour accompagner ces personnes lors de leurs déplacements comme « Accès plus Transilien » ou encore la carte d’invalidité afin de bénéficier d’une assistance ou bien l’application mobile Andilien).  

De plus, "Ile-de-France Mobilités" collecte dans un laboratoire d’innovation toutes les données des usagers, des opérateurs et des associations d’usagers afin de permettre aux personnes en situation de handicap qui se déplacent de mieux prévoir leur trajet (ascenseur à disposition ou non, escalator en panne…).

Malgré ces projets, la RATP (Régie autonome des Transports Parisiens) a encore du travail en termes d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap. En effet, certains travaux d’améliorations sont difficiles, voire impossibles sur certaines lignes très anciennes de la RATP. La loi de 2005 ne fixe d’ailleurs aucun délai pour l’accessibilité du métro parisien. 

Il faut noter que c’est seulement depuis juin 2018 que les Parisiens handicapés peuvent emprunter gratuitement bus, RER, tramways et métros dans les cinq zones de la région parisienne avec le Paris Pass Access. Jusqu’alors, la gratuité était réservée aux seuls allocataires de l’AAH (Allocataire aux Adultes Handicapé) ou de l’Asi (Allocataire Supplémentaire d’Invalidité) et était limitée à deux zones. Ce pass est délivré seulement aux personnes handicapées habitant à Paris depuis au moins trois ans et dont l’impôt sur le revenu du foyer fiscal est inférieur ou égal à 2 028 €.

Heureusement, pour certaines autres villes en France, les critères d’accessibilité sont en revanche intégrés aux plans de conception des futures rames et stations. À Lille et à Toulouse, les métros sont plus récents et entièrement accessibles. Le métro lyonnais ne l’est qu’en partie.

Sur les routes, un nombre croissant de villes travaille à un réseau de bus plus accessible, par le biais de divers aménagements : informations sonores, portes plus larges, marches adaptées… Les tramways, souvent plus récents, sont quant à eux équipés pour faciliter l’accès et la circulation des personnes en situation de handicap.

Grenoble : ville de France la plus accessible pour les personnes en situation de handicap

Depuis 2018, un baromètre annuel pour mesurer l’accessibilité universelle a été mis en place par APF France Handicap et Grenoble arrive en tête avec Rennes juste derrière. 

En effet, à Grenoble, au moins 10% des logements grenoblois sont aux normes pour les personnes à mobilité réduite et 68% des routes et trottoirs de la ville sont accessibles aux personnes handicapées. Depuis 1978, la ville de Grenoble met un point d’honneur, à ce que les personnes à mobilité réduite aient accès aux transports en commun. Le chemin parcouru vers l'accessibilité a connu de nombreuses étapes. La plus marquante fut sans nul doute la mise en service du premier tramway accessible au monde sur le réseau TAG (Transport A Grenoble). Depuis ce jour, l'ensemble du réseau de bus et de tramways est accessible.

De plus, Grenoble a mis en place un service : le Flexo + PMR. Cela consiste à proposer un accompagnement personnalisé réservable en avance pour les personnes dont le handicap ne permet pas l’usage du réseau bus et tramway TAG ou qui ne résident pas à proximité d’un arrêt de bus ou d’une station de tramway. Ce service englobe plus de 16 conducteurs dédiés, 13 véhicules adaptés, assure 170 voyages en moyenne par jour et transporte 3 000 voyageurs par mois. 

Grenoble est la meilleure ville de France en termes d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap. Au niveau européen, d’autres villes comme Milan qui a gagné le "Access City Award" ou encore Göteborg en Suède qui a rendu les aires de jeux, lieux de cultes, parcs et infrastructures publiques accessibles aux personnes à mobilité réduite ont pris de l’avance.

Malgré la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées dont l’ambition était de changer le regard que notre société porte sur le handicap d’ici à 2015 des améliorations sont encore à faire. Des évolutions ont été apportées dans l’ensemble du territoire, mais aujourd’hui en 2021, des efforts colossaux restent encore à faire de la part des collectivités. Les personnes en situation de handicap sont les premières pénalisées par ce manque d’accès à la mobilité ; pourtant nous savons qu’aujourd’hui l’accès à la mobilité est un des piliers de l’égalité des chances et de réussite.