Quand la chaîne économique est brisée par son maillon le plus faible, le transporteur

Alors que 89% du transport, toutes marchandises confondues, s'effectue par voie routière, le TRM (transport routier de marchandises) fait partie des secteurs d'activité qui peinent à recruter. Salaires, conditions de travail, insécurité, mauvaise image, manque de reconnaissance, le métier n'attire plus. Or, si la situation ne s'améliore pas, les consommateurs seront de plus en plus confrontés à des ruptures de stock et les arrêts de production entraîneront des retards généralisés.

Pénurie de transporteurs : un problème structurel accentué par la crise et le Brexit…

Les dommages collatéraux du Brexit devaient arriver tôt ou tard. C’est désormais chose faite. Car si quitter l'Union européenne présente de nombreux avantages pour les Britanniques (vraisemblablement, s'ils ont décidé de le faire), cela comporte aussi quelques inconvénients. Or, celui auquel nous assistons ces dernières semaines est d’envergure nationale : un pays qui manque de carburant et de fournitures est un pays à l'arrêt. Alors que, face aux pénuries, les militaires ont été appelés à approvisionner les stations-service, il devient plus qu’urgent pour le Royaume-Uni de trouver une solution. Mais l’outre-Manche n’est que la première victime d'une situation préoccupante qui s'éternise depuis quelque temps en Europe, et que le Brexit et la pandémie mondiale ont exacerbée : la pénurie de transporteurs. Or, sans un réseau de transport performant, aucune économie ne peut poursuivre son cycle.

Lorsque le monde s'est arrêté à cause du coronavirus, de nombreuses voies de transport ont dû être fermées, de sorte qu'un grand nombre de professionnels ont dû chercher à gagner leur vie dans d'autres professions. Le secteur a ainsi perdu des capacités qui n'ont pas encore été récupérées, et ne le seront peut-être jamais. De plus, dans la nouvelle réalité européenne, aux frontières politiques se sont ajoutées des frontières sanitaires : de nombreux pays exigent tests PCR ou autres mesures préventives, ce qui rend le quotidien des transporteurs plus difficile et leurs conditions de travail plus pénibles. Pour entrer au Royaume-Uni particulièrement, ils doivent faire face à de nombreux obstacles. De quoi faire exploser les tensions, et pousser les derniers transporteurs à s’y aventurer à ne plus vouloir le faire.

L'Union Internationale des Transports Routiers (IRU) estime ainsi que 400 000 nouveaux conducteurs sont nécessaires en Europe pour assurer le bon fonctionnement du système de transport et d'approvisionnement en marchandises. En France, à l’approche de Noël, les organisations professionnelles du secteur estiment un déficit de 40 000 à 50 000 emplois, principalement des conducteurs. C'est deux fois plus qu'en 2017. En croissance continue depuis 2012, le secteur du transport routier est donc pénalisé par une panne sèche des recrutements. Et elle devrait s’aggraver encore à l’avenir en raison d’une pyramide des âges qui n’est pas favorable. Avec une moyenne d’âge de 48 ans et 30% des effectifs au-dessus des 50 ans, alors que l’âge de la retraite est fixé à 57 ans sous certaines conditions, c’est un tiers du personnel du transport routier de marchandises qui quittera la vie active d’ici à 2035, générant 200 000 postes à pourvoir.

… qui doit être résolu à travers une revalorisation de la profession !

La profession doit donc réussir à séduire dès aujourd'hui un maximum de chauffeurs, ce malgré les contraintes du métier. Or si nous voulons réellement assister à un changement de génération dans le secteur, il est essentiel d'adopter des mesures structurelles qui conduiront à de meilleures conditions de travail et à une meilleure qualité de vie pour le transporteur. Parmi les pistes d’amélioration, une réduction de l’investissement nécessaire pour se lancer, une diminution stricte des retards de paiement et une numérisation accélérée du secteur apporteraient des avantages significatifs à ces professionnels. Grâce à l'utilisation d'une technologie appropriée, il est en effet possible d'améliorer la planification des itinéraires et des opérations et ainsi de limiter les temps d’attente pour les transporteurs tout en augmentant le volume des chargements. De quoi leur permettre de rentabiliser leur temps de travail et la capacité de leur véhicule sans passer autant de temps loin de chez eux.

Par ailleurs, en ce que le monde a beaucoup changé au cours des deux dernières années, la manière de conclure des contrats de transport doit également évoluer. Les coûts fixes auxquels sont confrontés les transporteurs (par exemple le carburant) ont augmenté et le marché n'a pas adapté les tarifs, réduisant les marges. De fait, les appels d'offres de transport doivent devenir moins rigides et les contrats plus flexibles, voire négociés si nécessaire pour tenir compte des fluctuations de prix. Une relation étroite entre l’expéditeur et le transporteur est essentielle dans un secteur où la demande est souvent imprévisible. En effet, habituellement, lorsque la situation du marché est difficile, les prix montent. Ils ne redescendent pas ensuite lorsque la situation s'améliore car personne ne s'en souvient. Toutefois, il est important de pouvoir s'adapter à l'évolution du scénario en faisant preuve de flexibilité en matière de prix. Sans cela, nous sommes condamnés à ce que la crise des transports ne connaisse pas de fin de sitôt.

Ce n'est qu'en période de crise majeure, comme celle générée par la pandémie ou maintenant avec la situation au Royaume-Uni, que le transport routier de marchandises se révèle être un secteur essentiel, mais il l'est en réalité à tout moment. Alors, parce que nous dépendons des transporteurs bien plus que nous ne le pensons, il est plus que jamais essentiel de valoriser leur profession et de donner de la valeur à leur travail.