Véhicules autonomes, une longue route à suivre ?

Les voitures sans conducteur ne sont plus réservées aux films de science-fiction et amorcent progressivement leur entrée sur les voies publiques.

L'intérêt pour les voitures autonomes n’a eu de cesse d’augmenter ces dernières années, résultant en une évolution progressive très encadrée des technologies et des législations gouvernementales. Or aujourd’hui, le marché semble être en pleine remise en question. Peu de temps après un Mondial de l’Auto qui s’est montré timide sur la question, certains constructeurs déclarent mettre leurs projets en stand by, alors même que le Luxembourg annonce de premiers tests en situation réelle.

Côté règlementation, de premiers signaux faibles se font ressentir : en France, la voiture sans conducteur est ainsi - en théorie - autorisée sur les voies publiques de l’hexagone, dans quelques cas règlementés, depuis la rentrée 2022. Si la route est encore longue, en Europe, centres de recherche et constructeurs continuent de perfectionner son développement, notamment en Irlande. Le pays, qui figure dans le top 10 des états membres les plus à la pointe en matière de recherche et d’innovation d’après le dernier Tableau de Bord Européen de l'Innovation (TBEI), a en effet pris une place importante dans le déploiement de ces projets technologiques de pointe.

Depuis quelques années, les partenariats entre les constructeurs automobiles et les titans de la tech se multiplient. Les opportunités qui pourraient naître de ces collaborations sont prometteuses, avec en tête de liste la baisse du taux de mortalité. En effet, 90% des accidents de la route sont liés à des facteurs humains. Par ailleurs, faciliter le déplacement des personnes âgées et à mobilité réduite est un autre argument de poids en leur faveur.

Cependant, la question de la responsabilité autour de ces véhicules en cas d’accident reste au cœur des discussions et, si le sujet a été abordé dans plusieurs pays européens, beaucoup demeurent encore frileux. En juillet 2021, la France est tout de même devenue l’un des premiers états du continent à autoriser les véhicules équipés de systèmes de conduite déléguée et de systèmes de transport routier automatisés sur la voie publique. Ces nouvelles dispositions du Code de la route, qui ne concernent que des parcours prédéfinis, sont en vigueur depuis septembre 2022, mais leur mise en application concrète devra attendre que des véhicules homologués fassent leur entrée sur le marché.

Le jeu de patience des véhicules sans conducteur

Les récentes règlementations et l’enthousiasme collectif autour de cette innovation futuriste ont toutefois encouragé un nouvel élan de projets. L'Irlande a rapidement donné le ton et devient depuis quelques années une terre d’accueil pour toute innovation relative aux voitures sans conducteur. Elle abrite en effet certains des chercheurs les plus qualifiés au monde en Fintech, cybersécurité, intelligence artificielle, ingénierie et technologie industrielle ; un vivier de talents qui permet aux équipes R&D de se développer rapidement. En raison de ces opportunités, beaucoup d’entreprises cherchent à s’installer en Irlande pour profiter de cette dynamique d’innovation.

Lero, initiateur du programme national de recherche irlandais sur les véhicules autonomes basé au sein de l’Université de Limerick, travaille par exemple avec des centres de recherches, des PME et des multinationales afin d’encourager les collaborations entre scientifiques et ingénieurs issus des mondes universitaires et industriels. Ces coopérations permettent d’adresser des problématiques stratégiques, de favoriser le développement et la création d’entreprises technologiques basées en Irlande et de créer des opportunités de carrière dans les secteurs scientifiques et de l’ingénierie. C’est notamment le cas de Valéo, l’équipementier automobile français. Les deux entités travaillent main dans la main afin de mettre au point une nouvelle technologie de capteurs pour les voitures autonomes. L’entreprise française, installée à Tuam, collabore par ailleurs depuis 20 ans avec l’Université nationale d’Irlande à Galway, où Lero possède un laboratoire.

L’île d’émeraude soutient également différents partenariats à travers des initiatives publiques, à l’instar du projet Future Mobility Campus Ireland (FMCI). Ce projet vise à créer un écosystème favorable pour que les start-up, les PME, les multinationales et les chercheurs puissent innover et tester de nouveaux concepts. En effet, le climat irlandais est idéal pour le développement des véhicules autonomes. Contrairement aux routes sèches et droites d’Europe et de l’Ouest américain, les conditions météorologiques et les routes difficiles de l’Irlande de l’Ouest sont optimales pour mettre les capteurs des voitures à l’épreuve. Le succès du premier véhicule autonome de Jaguar Land Rover et Waymo, filiale de Google, a notamment reposé sur son partenariat avec le FMCI ainsi qu’avec des entreprises issues des domaines du logiciel, de la mobilité et des télécommunications. De cette collaboration est née une ville connectée à Shannon, pour tester ces engins autonomes. D’autre part, General Motors a, lui aussi, choisi de s’installer en Irlande pour établir l’un de ses plus importants centres. GM Irlande y développe ainsi de nouvelles technologies en matière de conduite autonome, de covoiturage et de sécurité routière.

La longue route à venir

Alors que le dernier rapport McKinsey révèle que l’ère de la voiture autonome approche à grands pas, son impact sur le comportement des conducteurs et l’industrie automobile reste pour l’heure relativement faible, malgré la prise de conscience environnementale et énergétique des dernières années.

Toutefois, les voitures autonomes soulèvent des questions de sécurité qui sont nouvelles et risquent de ralentir leur entrée sur le marché. En effet, leur dépendance aux nouvelles technologies pourrait être un nouveau terrain de jeu pour les cybercriminels. Par ailleurs, le régime de responsabilité engagé lors d’accidents continue d’être l’objet de débats pour les législateurs européens. Enfin, gagner la confiance des consommateurs est surement l’un des plus gros défis à relever. En effet, si la perspective de voir apparaître ces véhicules dans un environnement urbain futur est désormais ancrée, celle d’y être confrontés dans un avenir proche soulève encore quelques réserves. Il faudra donc du temps pour que ces véhicules gagnent en légitimité, et comprendre les attentes des consommateurs aidera les entreprises à concevoir des véhicules qui répondront à leurs besoins. Malgré tout, il est certain que leur fiabilité, leur coût avantageux, leur impact sur l’environnement et leur facilité d’utilisation les rendront omniprésents et indispensables.