Pour une législation ambitieuse qui limite les entraves au reconditionnement des batteries

Le reconditionnement des batteries peine à s'imposer sur le secteur de la mobilité. Un soutien politique fort et des contraintes envers les fabricants sont plus que jamais nécessaires.

Chaque année le nombre de vélos à assistance électrique (VAE) vendus en France ne cesse d’augmenter : 37 000 en 2011, 338 000 en 2018, 660 000 en 2021. Et la tendance n’est pas prête de s'atténuer. Si l’investissement s’avère parfois coûteux, il reste durable pour les Français qui conservent leur monture électrique pendant 13 ans en moyenne. Bémol à cette durabilité, les batteries elles, affichent une durée de vie comprise entre 3 et 5 ans selon l'utilisation, obligeant les consommateurs à s'en défaire en cours de route. 

Alors que le reconditionnement a le vent en poupe sur certains marchés et qu’il se révèle être la solution la plus économique et écologique pour l'électronique en fin de vie, son faible usage pour les batteries pose question. Il apparaît alors urgent que le secteur se défasse des entraves que certains lui imposent pour que la pratique et sa filière se développent et absorbent l'explosion du nombre de batteries usagées que les changements d’usages présagent.

En France, en 2020, 8% des batteries des VAE étaient recyclées. Alors que les acteurs du secteur s’attendent à une croissance vertigineuse des quantités de batteries à recycler (50 000 tonnes en 2027 qui pourraient grimper à 700 000 tonnes en 2035 contre 15 000 tonnes en 2019), on peut décemment s’interroger sur le silence qui entoure le reconditionnement sur ce secteur.

Pourtant, il nous semble plus que jamais urgent d’octroyer des moyens conséquents à cette filière en construction, trop grande absente des débats, et de renforcer la réglementation qui l’entoure. Un défi qui demeure néanmoins largement réalisable, comme l’illustre l'avènement du reconditionnement des smartphones et des ordinateurs.

Le reconditionnement, un marché en plein essor qui entre dans les habitudes de consommation des Français

Le reconditionnement n’en est aujourd’hui plus à ses premières heures. Accompagné par des mesures phares de l'État (loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, mise en place de l'indice de réparabilité, devoir pour les industriels de rendre accessibles des pièces détachées,… ) et plébiscité par les consommateurs notamment pour des raisons écologiques et financières, l'achat de produits reconditionnés entre dans les habitudes de consommation des Français. La seconde main, qui connaît un engouement croissant sur les marchés des smartphones et des ordinateurs, pèse désormais plus de 16% du marché de la téléphonie sur le territoire hexagonal.

Nous pouvons néanmoins regretter que le secteur du reconditionné se limite aux produits technologiques et à l’électroménager. Servons nous des réussites et des avancées constatées sur ces marchés pour enclencher une dynamique positive dans la mobilité. Et ce d’autant que le taux de rétention du reconditionné est important comme le souligne une étude HappyDemics pour Yes-Yes, dans laquelle 42% des Français déclarent avoir déjà acheté un produit reconditionné. Parmi eux, 59% affirment l’avoir fait une fois et 41% à plusieurs reprises. 

Faire du reconditionnement des batteries une norme

Pour des motivations pécuniaires évidentes, certains fabricants entravent volontairement la possibilité de reconditionner, contraignant et réduisant de manière automatique l’opportunité de réemploi. Pour exemple, des joints en silicone - dont l’utilité reste à prouver - sont introduits lors du processus de fabrication des batteries rendant totalement inopérant le reconditionnement. À la manière d’Apple, il y a quelques années, chaque fabricant de batteries arbore sa propre connectique. Résultat ? Une batterie équivaut à un modèle. Alors que dans la grande majorité des cas, elles fonctionnent de la même manière et pourraient très bien être utilisées sur différents vélos.

Une pratique d’autant plus aberrante que chaque batterie peut subir jusqu’à deux processus de reconditionnement, passant sa durée de vie de 3 à 10 ans.  Pour sortir de cette situation d’enlisement, qui ne profite à personne sinon à la surproduction, une législation claire et contraignante doit voir le jour. Elle permettra, en sus, à la filière de se développer plus rapidement.

Aller plus loin, en rendant la législation plus stricte 

Si le Parlement européen adoptait en mars 2022 un rapport censé ouvrir des négociations avec les chefs d’État afin d’édicter de nouvelles règles sur le marché des batteries, celui-ci, de manière surprenante, ne fixe aucun objectif en matière de reconditionnement. Plus étonnant encore, il fait fi de mesures contraignantes vis-à-vis des fabricants. 

Malgré une bonne volonté notable, les conditions requises à l'émergence d’une filière du reconditionnement française dans la mobilité, forte et robuste restent loin d’être réunies. 

En plus de l’obligation d’étiquetage liée à l’empreinte carbone prévue par le texte, pourquoi ne pas envisager un indice de réparabilité spécifique aux batteries ? Ce dispositif couplé à des efforts de communication sur les bénéfices économiques et écologiques du reconditionnement encouragerait les consommateurs à se tourner vers des VAE dotés de batteries facilement réparables. La propension des fabricants à utiliser des procédés allant à l’encontre du reconditionnement en serait d’autant limitée. 

Avec davantage d’audace, nous pourrions nous inspirer du chargeur universel dans le domaine de la téléphonie pour imposer une connectique universelle aux batteries. La garantie d’une montée en charge rapide pour le reconditionné sur ce secteur.

Et en favorisant le développement de la filière

Aujourd’hui, des entreprises telles que Doctibike, VéloBatteries, 1200 volts reconditionnent chaque année des dizaines de milliers de batteries. Mais le marché n’en est qu’à ses balbutiements. Sans aides ou moyens injectés dans le développement de la filière, celle-ci risque de se confronter à un goulet d’étranglement, qui ne lui permettra pas d’absorber l’explosion des besoins.

Pourtant, nous avons le savoir-faire : le procédé de reconditionnement est testé, fiable et éprouvé. Osons lui donner les moyens d’exister et de s’amplifier sur le secteur de la mobilité.