Avec l'AFIR, l'UE doit s'engager vers un marché unique de la recharge des véhicules électriques

L'infrastructure de recharge des véhicules électriques actuelle pose les bases de demain. L'Europe a besoin d'une réglementation qui favorisera la transformation vers des transports plus durables.

Avec la proposition de règlement sur les infrastructures pour les carburants alternatifs (AFIR)*, l’UE s’emploie à réviser la législation existante afin d'imposer des objectifs minimaux pour l'infrastructure de recharge, et d'harmoniser des exigences communes aux 27 pays membres.

L'AFIR fixe des règles paneuropéennes pour le développement de points de réapprovisionnement et de recharge accessibles au public, au-delà de l'électrification

Nous ne pouvons que saluer l’approche de l’AFIR qui pose plusieurs principes fondamentaux, et notamment ceux de la transparence des prix et du partage des données - deux critères essentiels qui bénéficieront aux clients et à l’innovation. Il y a là un objectif clairvoyant en faveur d'un écosystème harmonisé qui permettra des investissements à l'échelle européenne et le déploiement d’une infrastructure de recharge établie avec des règles équitables.

Cela dit, certains éléments doivent encore être pris en compte afin que le déploiement de la recharge corresponde véritablement aux ambitions climatiques de l'Europe pour 2030, et au-delà.

Le casse-tête des paiements « uniques »

Les automobilistes ont l’habitude de payer leur plein avec leur CB. Pourquoi cela devrait changer ? Malheureusement, la réalité est un peu plus complexe, et cette exigence est susceptible de ralentir l’innovation, et donc la transition vers la mobilité électrique.

Lorsqu'ils voyagent à travers l'Europe, les conducteurs de VE rencontrent parfois des difficultés pour utiliser les bornes de recharge. En effet, ils peuvent être amenés à télécharger une application, créer un compte ou acheter un abonnement qui ne sera jamais réutilisé dans le cadre de leur usage quotidien. Nous convenons que ce défi doit être relevé et que l'UE devrait se tenir à leurs côtés faciliter l’expérience de conduite. Cependant, l’installation d’un lecteur de carte sur chaque borne n’est pas forcément la meilleure solution. Car 95 % des conducteurs européens de véhicules électriques ne paient pas pour recharger avec leurs CB, s’orientant vers des formules de paiement et des abonnements - comme ils le font lorsqu'ils consomment des films ou de la musique.

L'itinérance et l'approche du marché unique

Le règlement européen "Roam-like-at-Home" permet d’utiliser son smartphone n’importe où dans l’UE, sans frais supplémentaires. Adopter une approche similaire pour la recharge de véhicules électriques serait bénéfique. Or, le concept d'itinérance EV existe déjà, en théorie, car dans la pratique l'UE doit encore élaborer une exigence minimale commune : il n'existe toujours pas de marché unique européen de la recharge de véhicules électriques.

L'itinérance permettrait aux conducteurs de recharger leur véhicule partout en Europe, sans avoir à se soucier de contracter avec un nouveau fournisseur. Or, des bornes sont déjà compatibles pour l'itinérance.

Modernisation de l'infrastructure existante

Le texte proposé par l'AFIR est sans équivoque : si chaque borne de recharge accessible au public en Europe doit être équipée d'un lecteur CB, cela inclut également toutes les bornes accessibles au public pas encore installées. Cela conduira probablement à la mise hors service de stations AC parfaitement opérationnelles, étant donné que l’ajout d’un terminal de paiement y est difficile à intégrer en raison de leurs petites tailles, du nombre relativement faible de sessions de charge quotidiennes et de leurs revenus quotidiens associés qui sont inférieurs à ceux des chargeurs DC. En conséquence, cela conviendrait à réduire la base installée de chargeurs, au lieu d'étendre…

Avec une telle opération à grande échelle, en ajoutant la difficulté de recruter des techniciens, il ne serait pas possible d'accélérer le déploiement des infrastructures de mobilité électrique et alors atteindre les objectifs "Fit for 55". Nous devrions nous demander s'il vaut vraiment la peine de se concentrer sur la mise à jour des équipements existants avec une technologie plus ancienne. Au prix de l'expansion et de l'évolution de l’infrastructure de recharge, et surtout alors que nous avons des solutions plus innovantes disponibles !

L'AFIR est une première étape pleine d'espoir vers un marché unique européen efficace de la recharge des véhicules électriques. Cela aiderait à rapprocher l'expérience de recharge à celle « de faire le plein ». Or, au cours de ces dernières années, les automobilistes ont souvent fait face à des systèmes fragmentés et mal connectés. C’est pourquoi nous appelons les négociateurs de l'AFIR à être audacieux et à construire un réseau de mobilité électrique accessible en Europe, basé sur des technologies d'avenir, tel que l'itinérance. Nous les exhortons à ne pas s'attarder sur la façon de faire d'hier. Nous sommes littéralement à la croisée des chemins : les solutions que nous choisissons aujourd'hui affecteront la vitesse d'adoption de la recharge des véhicules électriques, leur attractivité pour les entreprises et l'électrification globale en Europe.

* Alternative Fuels Infrastructure Regulation (AFIR). Proposé en juillet 2021, l'AFIR traverse actuellement les derniers rounds de négociations. Une fois adopté, il s'appliquera dans toute l'UE, entre fin 2023 et début 2024.