Marché du train : l'ouverture à la concurrence doit accélérer

L'opérateur italien Trenitalia est arrivé sur les rails français en décembre 2021, notamment sur l'axe Paris-Lyon. Mais la SNCF reste en monopole sur la totalité du reste du territoire.

Il faut accélérer la mise en place de cette concurrence : c’est indispensable pour réduire les émissions carbone de la France, et pour que les Français puissent bénéficier de billets moins chers.

Une mise en place trop lente

La prochaine compagnie ferroviaire à arriver est l’opérateur espagnol Renfe, qui a annoncé lancer des trajets Barcelone-Lyon dès cet été et aller jusqu’à Paris via Lyon en décembre 2023.

A côté, nous avons un ensemble de nouveaux opérateurs qui développent de nouvelles offres sur le train. Commençons par Midnight Trains, une start-up française spécialisée dans les trains de nuit écologiques. Midnight Trains va proposer des "hôtels sur rails" sur plusieurs lignes en 2024 vers l’Espagne et l’Italie avec une alternative agréable à l’avion.

Kevin Speed va lancer des trains à grande vitesse à bas coût, et avec beaucoup plus d’arrêts que la SNCF, en s’adressant aux gens qui font des allers-retours fréquents entre Paris et la province.

“Le Train Voyage” est une autre entreprise fondée par un ancien cadre de la SNCF, qui a pour projet de lancer des trains à grande vitesse desservant plusieurs villes du Sud-Ouest de la France.

Quant à Transdev, l’entreprise a remporté un appel d'offres pour exploiter une ligne TER reliant Marseille à Nice avec 14 trajets quotidiens prévus en 2025. Sur 13 régions françaises capables de choisir leur opérateur ferroviaire, c’est une goutte d’eau.

Enfin, la coopérative Railcoop a déjà une ligne de fret entre Lyon et Bordeaux via le Massif Central. Mais c’est une coopérative, et donc si les intentions des sociétaires est bien là, les financements et la gouvernance ne suivent pas. J’ai malheureusement la conviction qu’ils n’iront pas très loin.

L'arrivée de ces nouveaux acteurs sur le marché ferroviaire français représente une opportunité pour offrir aux voyageurs des choix plus diversifiés et des tarifs plus compétitifs. Néanmoins, l’offre est insuffisante et à ce stade, on ne voit pas d’alternative crédible en concurrence à SNCF.

Trois freins à lever pour permettre le développement du train

“Un cheval ne court jamais aussi vite que quand il est poursuivi” : la concurrence est nécessaire car elle profite aux consommateurs en stimulant les entreprises. Mais un an et demi après l’ouverture du marché à la concurrence, la SNCF reste en quasi monopole sur le marché ferroviaire français, et c’est un problème. Il y a trois raisons qui expliquent cela.

La première raison, c’est la disponibilité des trains. Pour lancer une compagnie ferroviaire, il faut… des trains. Or, il est aujourd’hui plus simple de lancer une compagnie aérienne qu’une compagnie ferroviaire car le marché aérien étant compétitif, il est beaucoup plus facile de louer des avions que des trains.

La deuxième raison, c'est la structure du gestionnaire de réseau ferroviaire. Aujourd’hui, le réseau ferroviaire français est géré par l’entreprise publique SNCF Réseau. Or, cette entreprise appartient au groupe SNCF, qui gère aussi SNCF Voyageurs, l’opérateur de trains qui fait rouler les Inoui, Ouigo et autres marques du groupe. C’est là que vient le problème : face à tout opérateur ferroviaire, SNCF est à la fois juge et partie. En effet, SNCF Réseau réglemente l’accès au réseau, alors que SNCF Voyageurs est concurrent du nouvel opérateur. Alors que dans l’aérien, il n’y a aucun souci similaire, le conflit d’intérêt est évident sur le ferroviaire français.

La distribution des billets de train est verrouillée

La troisième raison est la plus contre-intuitive. Il existe sur des dizaines de sites internet pour acheter des billets d’avion. Une nouvelle compagnie aérienne peut facilement distribuer ses billets via les différentes agences de voyages en ligne et comparateurs de vol.

Mais seule une poignée de sites web proposent des billets de train. La raison ? Des méandres administratifs et techniques pour pouvoir vendre les billets de train SNCF, mais aussi un taux de commission inférieur au coût de distribution. En clair, le taux de commission imposé par SNCF aux agences de voyage est insuffisant pour couvrir les frais de distribution : marketing, technique, frais bancaires, service client…

Comme SNCF impose une vente à perte aux vendeurs de billets de train, la majorité des billets sont vendus via le site web “maison”, SNCF Connect, qui ne vend pas les billets d’opérateurs concurrents comme Trenitalia. Et sans site internet permettant de comparer les offres des différents opérateurs ferroviaires, il est impossible pour un nouvel opérateur d’atteindre des parts de marché significatives. C’est donc le chat qui se mord la queue.

Deux mesures structurelles pour débloquer le marché ferroviaire

Le gouvernement doit donc légiférer pour séparer les entités qui empêchent la mise en place de la concurrence. D’abord, en faisant en sorte que le réseau ferroviaire ne soit pas géré par une entreprise gérant le transport. Ensuite, en permettant une rémunération correcte afin que les sites de vente de billets de train comme Kombo, Trainline ou Omio puissent gagner en parts de marché et ainsi permettre la vente des opérateurs alternatifs. Sans ça, il est impossible d’avoir une concurrence digne de ce nom sur le train en France.