Face aux néobanques, les banques en ligne lancent leur riposte
Service client, diversification des produits, conseil humain… Voici comment Axa Banque, ING, Fortuneo et consorts veulent se différencier des nouveaux arrivants sur leur marché.
On ne peut plus les compter sur les doigts de la main. Ces deux dernières années, une multitude de néobanques a investi le marché français. La plus remarquée a été Orange Bank, lancée le 2 novembre dernier, dont l'objectif est d'atteindre deux millions de clients d'ici dix ans. Les faits et gestes de l'opérateur télécom, tout comme ceux des plus petits, N26 & co, sont scrutés de près. Face à ces nouveaux entrants rois du mobile, de l'ergonomie et de l'instantanéité, les banques en ligne ont pris un petit coup de vieux. Pour ne pas se faire ringardiser, elles se sont mises en ordre de marche.
Première priorité : revoir l'expérience client. La majorité d'entre elles ont sorti de nouvelles applications ou des fonctionnalités qui s'inspirent des néobanques. En 2017, ING Direct a lancé une carte qui offre de multiples services (affichage des transactions en temps réel, blocage et déblocage de la carte depuis le mobile, changement du code secret à tout moment, possibilité de bouger ses plafonds en deux clics…). Depuis fin 2017, Fortuneo propose Apple Pay. AXA Banque a quant à elle créé un nouveau compte bancaire mobile-first. "Aujourd'hui, plus de 50% des visites proviennent du mobile et plus de la moitié des nouveaux clients AXA Banque téléchargent l'application", affirme Raphaël Krivine, directeur de la relation client de la banque en ligne.
Equilibre entre humain et digital
La filiale de l'assureur français avait anticipé ce phénomène en créant en 2014 Soon, une banque 100% mobile. En septembre dernier, cette offre a fusionné avec celle d'AXA Banque. "Dès le début nous étions dans un mode de test & learn pour voir ce qui marchait ou pas. Nous avons petit à petit intégré les enseignements de Soon sur AXA Banque comme la souscription en ligne et le solde prévisionnel", illustre le dirigeant. Une nouvelle application "qui touchera à la fois l'ergonomie et les fonctionnalités" sortira en 2018.
Chez ING Direct, pas de focus sur le mobile mais sur les usages. "Nous avons par exemple souhaité que notre nouvelle carte bancaire permette de bloquer ou de débloquer le paiement sans contact car tout le monde ne souhaite pas l'avoir. Nous voulons toujours laisser la main à l'utilisateur", souligne Olivier Luquet, directeur général d'ING Direct. La filiale française d'ING mise sur d'autres technologies pour améliorer l'expérience client. "En 2018, nous allons généraliser le chat et développer la visio pour rajouter une autre dimension à la relation client. Nous allons également investir dans un certain nombre d'outils pour être encore plus fins dans la personnalisation de la réponse apportée au client", précise Olivier Luquet.
"En 2018, ING Direct va généraliser le chat et développer la visio pour ajouter une autre dimension à la relation client"
Même type de projet chez AXA Banque. "Actuellement, nous avons une FAQ dans laquelle les utilisateurs tapent leurs questions en langage naturel. Nous travaillons à injecter une technologie de chatbot pour qu'il y ait un échange avec le client", indique Raphaël Krivine.
Contrairement aux néobanques, les banques en ligne ne misent pas tout sur le digital. "On est très différent d'eux sur le service client. Par exemple, Orange Bank fait le choix du robo-advisor. Pour nous, ce n'est pas une solution. Le client a des besoins qui demandent un accompagnement, notamment dans les moments difficiles. On veut être là pour y répondre", explique Olivier Luquet. "Chez ING Direct, un client a accès à un conseiller 75 heures par semaine", ajoute-t-il. "C'est important de pouvoir joindre un conseiller. Souvent, le client a un premier niveau de contact avec le centre d'appel lorsqu'il a une question liée à une opération assez simple comme un prélèvement non désiré. Par contre, s'il a un besoin pour un premier achat immobilier, nous lui apportons un deuxième niveau de contact avec nos conseillers d'agences AXA", explique de son côté Raphaël Krivine. "En moyenne, un agent AXA reste 12 ans dans son agence. Il a une expertise et connait bien son territoire", complète-t-il.
Devenir banque principale
L'exemple du crédit immobilier n'est pas anodin. La plupart des banques en ligne proposent du crédit immobilier tandis que la majorité des néobanques se concentrent pour le moment sur le compte courant (sauf N26 qui propose du crédit conso en France et Orange Bank de l'épargne et bientôt du crédit)." Le crédit immobilier était très attendu par nos clients (il a été lancé début 2017, ndlr). Le consommateur recherche de la transparence. C'est pour cette raison que le meilleur taux est affiché directement sur le site, sans avoir besoin de négocier, et c'est ce taux qui sera effectif pour le client", précise Grégory Guermonprez, directeur France de Fortuneo, qui ne communique pas encore sur le nombre de crédits octroyés mais assure que le montant moyen d'un prêt s'élève à 180 000 euros sur 16 ans (l'équivalent de la moyenne nationale).
"Chaque personne qui contracte un prêt chez nous devient client banque principale chez AXA Banque"
AXA Banque évoque également une "belle croissance en termes de crédit immobilier. L'avantage est que chaque personne qui contracte un prêt chez nous devient client banque principale chez AXA Banque", fait remarquer Raphaël Krivine. Selon un récent sondage d'Opinion Way, un client sur trois des banques en ligne en a fait sa banque principale. Aucune des banques interrogées ne communique cependant sur un nombre ou pourcentage.
Pour convaincre leurs clients en compte courant de domicilier leur salaire chez elles, les banques en ligne ont développé d'autres produits. Fortuneo a par exemple lancé plusieurs produits d'épargne et la gestion sous mandat de l'assurance-vie. Même priorité pour ING Direct. "En 2017, on a renforcé notre gamme de crédits, on a refondu notre approche du crédit immobilier, on a lancé le crédit à la consommation et lancé un crédit pour les entrepreneurs. On veut continuer à investir à la fois la largeur et la profondeur de gamme pour être en capacité d'apporter une réponse à l'ensemble des besoins du client", expose le patron d'ING Direct. "Nous allons également encore élargir notre gamme à des besoins non bancaires en 2018", glisse-t-il, sans vouloir en dire plus.
Rester compétitif
Seule différence entre les banques en ligne pour contrer les néobanques : la tarification. Certaines s'alignent sur la quasi-gratuité des offres des néobanques comme Boursorama. La filiale de Société Générale a ainsi lancé en septembre dernier l'offre Welcome, totalement gratuite (auparavant à 1,50 euro par mois) et qui ne requiert pas de revenu minimum. D'autres souhaitent rester payantes. "ING n'est pas une banque low cost. C'est une banque dans laquelle vous avez accès à une offre compétitive par son prix et sa performance et où on se différencie par la qualité de la relation client. C'est là-dessus qu'on veut se différencier plus que par une politique purement tarifaire", martèle Olivier Luquet. "Le compte courant et la carte bancaire premier sont gratuits pour les clients qui sont dans une relation régulière avec nous. Nos clients qui n'utilisent jamais ING Direct doivent verser cinq euros par mois pour conserver le compte. En moyenne, nos clients paient 20 euros de frais bancaires par an", détaille-t-il.
Les clients Fortuneo paient en moyenne 10,01 euros de frais bancaires par an et 54% des clients n'ont payé aucun frais bancaire en 2017. Chez AXA Banque, pas question non plus d'être une banque "low cost". "Nous avons rénové l'offre, notamment avec une tarification à l'usage. Les comptes de nos clients doivent fonctionner. Nous ne cherchons pas à être une banque occasionnelle contrairement aux néo-acteurs qui proposent souvent des cartes à usage limité comme pour les déplacements à l'international, ce qui donne donc un compte peu alimenté", fait valoir Raphaël Krivine. Pour cela, AXA Banque a un argument de poids : 250 euros de prime de bienvenue si le nouveau client y domicile son salaire. Les autres banques en ligne proposent entre 80 et 120 euros… comme les néobanques.
Cet article est publié dans le cadre de l’événement "Banques & Digital" organisé par le JDN le 27 mars 2018.