Comment Western Union transfère sa clientèle vers le digital
Face à l'arrivée d'une vague de fintech, le spécialiste de l'envoi d'argent entre particuliers multiplie les initiatives dans le numérique, en BtoC et en BtoB.
La fintech européenne a sa star : Transferwise. La start-up britannique spécialisée dans le transfert d'argent entre particuliers a marqué l'année 2017 avec une levée de fonds record de 280 millions de dollars, un chiffre d'affaires de 100 millions de livres et un seuil de rentabilité atteint. Cette "success story" européenne a attiré l'attention d'un acteur historique du secteur : Western Union. "On est leader dans notre segment, néanmoins on regarde la concurrence avec attention", tempère Grégory Laurent, directeur général France de Western Union. Avec ses 5,4 milliards de chiffre d'affaires et ses 268 millions de transactions en 2016 (pour un total 80 milliards de dollars), le géant américain estime ne pas avoir de quoi s'inquiéter.
Mais pour ne pas se faire surprendre par ces nouveaux entrants, Western Union a accéléré son activité dans le digital ces deux dernières années. En 2016, un peu moins de 10% du chiffre d'affaires BtoC provenait du digital (site et application mobile), soit 340 millions de dollars. Un montant en croissance de 22% par rapport à 2015. Depuis, Western Union a vu sa clientèle changer. "On sert aujourd'hui des clients plus jeunes, avec un profil pas forcément d'origine étrangère ou issu de l'immigration. Ce sont des clients plus établis qui ont aussi des liens avec l'étranger. Par exemple, des parents qui envoient de l'argent à leurs enfants qui font des études à l'étranger", illustre le dirigeant.
"On sert aujourd'hui des clients plus jeunes, avec un profil pas forcément d'origine étrangère ou issu de l'immigration"
Pour capter cette clientèle, Western Union envisage d'étendre son offre digitale aux 200 pays et territoires dans lequel il est présent. Aujourd'hui, le site web couvre "seulement" plus de 40 destinations et l'application mobile 23. Transferwise en propose 40. Western Union mise aussi sur le mobile-to-store. Lancée en décembre 2016, cette fonctionnalité permet à un utilisateur de préparer sa transaction sur mobile ou ordinateur et de la finaliser en point de vente. "Nous sommes très impressionnés par le taux d'adoption. Il y a un vrai besoin client d'avoir plus d'autonomie, une expérience plus optimisée et plus rapide", assure Grégory Laurent, sans dévoiler de chiffres.
Dans cette optique, Western Union s'est associé à Franprix en 2016 et avec la Française des Jeux (FDJ) en décembre dernier. Grâce à ce dernier partenariat, Western Union propose une offre digitale de transfert d'argent sur les terminaux FDJ présents dans les 31 000 points de vente bar tabac presse en France. Un usager peut ainsi initier le transfert via l'application mobile Western Union avant de se rendre à son point de vente FDJ habituel pour valider et payer sur le terminal. Il est également possible de recevoir de l'argent dans les points de vente FDJ. "Un gros tabac presse accueille entre 500 et 2 000 clients jour, c'est un flux très important", estime Grégory Laurent.
Même principe pour Franprix, sauf que le paiement se fait directement en caisse. Depuis la mise en marche du service, Western Union a enregistré "beaucoup de nouveaux clients via Franprix", assure le dirigeant français. "Le positionnement et le rapprochement avec des marques plus institutionnelles comme Franprix et FDJ nous aident à servir d'autres profils de clients", affirme-t-il. D'autres partenariats sont prévus pour ajouter "plusieurs milliers de points de vente" sur le territoire français.
L'accélération du BtoB
Western Union noue aussi des partenariats avec des pure-players, en leur proposant une solution de transfert d'argent sous la marque de Western Union ou sous forme de marque blanche. Le spécialiste du transfert d'argent a récemment signé un accord avec la messagerie Viber et l'application à tout faire chinoise WeChat (et ses 980 millions d'utilisateurs). "Dans WeChat, il y a un bouton "envoyer de l'argent" dans le menu. Quand l'utilisateur appuie dessus, il accède au service de transfert d'argent de Western Union. Le client reste dans WeChat car notre solution est embarquée dans l'application. Mais il y a quand même le logo Western Union", explique Grégory Laurent.
En France, le groupe américain a convaincu le fabricant de smartphones Wiko. "Pour l'instant, on distribue l'application mobile sur le smartphone mais nous menons des réflexions d'intégrations plus profondes avec pourquoi pas l'ouverture d'un service en marque blanche", glisse le dirigeant. Autre cible en ligne de mire : les e-commerçants. "Cela leur permettrait d'enrichir leur offre de services, générer des revenus supplémentaires car Western Union partage les revenus générés de l'activité", précise Grégory Laurent, sans donner le montant de la commission prélevée.
"La partie entreprise de Western Union est très peu connue. On souhaite y remédier"
Le service aux entreprises est un axe de développement pour Western Union. Le géant américain possède une branche BtoB qui propose du paiement international et du risque de change. Elle revendique 100 000 clients mais celle-ci ne pèse que 8% du chiffre d'affaires du groupe. "Cette partie entreprise est très peu connue. On souhaite y remédier", lâche Frédéric Simon, vice-président régional Europe de Western Union Business Solutions. La France est d'ailleurs le premier marché européen, hors Royaume-Uni, avec 1 500 clients entreprises. "C'est un marché très important. On est sur une croissance à deux chiffres", précise-t-il.
Pour mieux faire connaître son activité BtoB, Western Union mise aussi sur le digital. Courant 2016, la filiale a lancé une plateforme de paiement international en 130 devises et de paiement en temps réel en 51 devises. Mais ce n'est pas sa seule fonction. "C'est aussi une plateforme de réseau et de mise en relation client-fournisseur. Elle permet de faire de l'échange de factures et de bons de commande, d'avoir un vrai système de bout en bout qui mène à la fin au paiement", explique Frédéric Simon.
"Nous voulons nous intégrer dans la politique plus globale des entreprises, notamment dans l'aide à la décision"
"Nous voulons nous intégrer dans la politique plus globale des entreprises, notamment dans l'aide à la décision. Dès l'instant où une entreprise va pouvoir relier notre plateforme à son ERP, avoir la visibilité sur toutes ses factures, elle va tout de suite avoir un panorama complet de son exposition dans les différentes devises, pouvoir jouer avec des fluctuations de devises, voir comment ça va impacter son cash flow mois après mois…", énumère-t-il. Aujourd'hui, 25 000 entreprises sont présentes sur la plateforme.
Western Union Business Solutions s'adresse également aux banques. Elle leur met à disposition des modules en marque blanche. "Certains banques peuvent par exemple décider en fonction de leurs besoins de se retirer sur certaines devises. D'autres ont besoin de ces modules car elles n'ont pas la possibilité de faire des paiements dans certaines devises pour leurs clients", détaille Frédéric Simon. Plus de 1 000 établissements utilisent le réseau Western Union pour le paiement international (pas la couverture du risque). "Cette approche n'est pas encore développée en Europe mais on compte la lancer, y compris en France. On est actuellement en discussion avec des établissements bancaires français", annonce le dirigeant.
Cet article est publié dans le cadre de l'événement "Banques & Digital" organisé par le JDN le 27 mars 2018.