Crédit instantané : les acteurs traditionnels pris pour cible par les fintech

Crédit instantané : les acteurs traditionnels pris pour cible par les fintech Alors que Lydia permet désormais d'obtenir un prêt inférieur à 1 000 euros en quelques secondes, les Cetelem et autre Cofidis se focalisent seulement sur l'accélération du processus de souscription.

Le paiement instantané, c'est bien. Le crédit instantané, aussi. Panne de voiture, remplacement de machine à laver, changement d'ordinateur... Les urgences quotidiennes nécessitent des prêts personnels ultra-rapides. Sur ce terrain, les nouveaux acteurs et les anciens ne sont pas au même niveau. Plus étonnant encore, c'est une start-up du paiement qui propose l'offre la plus avancée. Le wallet Lydia a lancé fin 2018 un crédit à la consommation non renouvelable instantané pour un montant compris entre 100 euros et 1 000 euros et sur une durée de trois mois. 

Il suffit de quelques clics dans l'application pour obtenir un échéancier, le valider et obtenir les fonds dans la foulée sur son compte Lydia. Pour bénéficier de ce process rapide, il faut cependant avoir un compte vérifié (fournir des justificatifs d'identité et domicile). Ensuite, les détenteurs de la carte de paiement Lydia (environ 30 000 utilisateurs) peuvent directement dépenser la somme créditée en magasin ou en ligne. Sinon, il faut virer l'argent sur son compte bancaire mais il faudra attendre entre 24 et 48 heures (sauf si la banque reçoit les virements instantanés).

Les intérêts s'élèvent à 13 euros pour 200 euros empruntés et à 51,20 euros pour 1 000 euros empruntés (les frais d'instantanéité sont dégressifs). Si le client attend 14 jours pour recevoir l'argent, il ne déboursera "que" 31,30 euros de frais pour 1 000 euros. Depuis le lancement, la fintech française est satisfaite. "On est content, cela prend bien. Nous enregistrons un rythme plus soutenu que ce qu'on imaginait", indique Cyril Chiche, CEO de Lydia, sans donner le nombre de prêts accordés pour le moment. La moyenne des crédits octroyés s'élève à 300 euros et environ 7% des prêts sont de 1 000 euros. La fintech aux 1,4 million d'utilisateurs français table sur plusieurs dizaines de milliers de crédit en 2019 et réfléchit à augmenter le seuil de 1 000 euros suite à la demande des utilisateurs. En revanche, la durée de trois mois ne changera pas puisque la Loi Lagarde de 2010 stipule qu'au-dessus de 90 jours, un délai de rétraction de 14 jours est obligatoire.

Banque Casino, le pionnier

Le prêt instantané de Lydia a été élaboré en collaboration avec un acteur plus traditionnel et connaisseur du marché : Banque Casino. La filiale de Casino et du Crédit Mutuel Alliance Fédérale affirme détenir 25% de part de marché du paiement fractionné en France (paiement en trois ou quatre fois en trois mois). Un marché estimé à 5 milliards d'euros en 2018 par son directeur général adjoint. En juin 2016, Banque Casino a par exemple lancé avec Cdiscount "Coup de Pouce", un mini-prêt instantané pour un montant maximum de 2 500 euros sur 90 jours (avec un taux maximum de 3,13% du montant emprunté). Pour ce faire, il suffit de s'identifier sur le site marchand et télécharger sa pièce d'identité et son RIB.

"Il faut des outils capables de travailler vite, 24/7 et de supporter de grosses volumétries"

"Le processus prends moins d'une minute et demie", assure Marc Lanvin, directeur général adjoint de Banque Casino. "Nous répondons dans la foulée et virons les fonds immédiatement. Le seul souci est que le virement peut arriver en J+1 ou J+2 en fonction de la banque", ajoute-t-il. La formule marche d'après le dirigeant, même si les chiffres ne sont pas communiqués.

Banque Casino est en discussion avec des fintech et "de grandes entreprises du digital" pour sa solution de crédit instantané. L'autre filiale de Crédit Mutuel, Cofidis, aurait tout intérêt à concevoir un produit de ce type. Contacté, l'établissement n'a pas donné suite à notre demande d'interview. 

Les acteurs traditionnels n'ont pas encore saisi, du moins officiellement, l'opportunité que représente le crédit instantané. " Quand nous cherchions un partenaire pour l'offre de crédit, nous avons rencontré 14 acteurs, traditionnels et fintech. Au final, 12 ont refusé de travailler avec nous. Depuis le lancement, certains sont revenus nous voir, notamment des acteurs du personal finance", confie Cyril Chiche. " Des acteurs traditionnels feront bientôt des offres de crédit instantané comme la nôtre, j'en suis convaincu."

La DSP2 facilite le crédit instantané

Mais ce n'est pas si sûr. Car les Cetelem, Cofidis & co, n'ont pas les mêmes visions du marché du crédit. Pour Franfinance, la filiale de Société Générale dédiée notamment au crédit à la consommation, l'instantanéité est une fin en soi mais pas dans la délivrance du crédit. "Nous regardons avec prudence l'utilisation combinée des crédits courts de moins de trois mois, qui obéissent à une réglementation allégée, et l'instant payment, notamment auprès des jeunes que nous devons préserver d'un endettement excessif", explique Frédéric Jacob-Peron, directeur de Franfinance. Pour la filiale de SocGen, le virement ne doit pas être instantané mais le processus de souscription oui.

Chez Franfinance aujourd'hui, le client fait une demande en ligne avec des données déclaratives (domicile, salaire…) et obtient dans un délai très court un "oui" ou "non". Si c'est un "oui", il est sous conditions, le temps de vérifier que les éléments financiers et les documents soient justes. "Au premier semestre 2019, nous nous connecterons directement au compte bancaire du client, avec son accord, ce qui permettra de disposer instantanément de ses éléments financiers et d'octroyer plus facilement un prêt", indique Frédéric Jacob-Peron.

"Avec le paiement en plusieurs fois, le crédit s'immisce très largement dans le paiement"

En effet, grâce à la DSP2, directive européenne sur les services de paiements, tout établissement bancaire pourra se connecter via une API aux données de paiement des clients des banques. "Avec le paiement en plusieurs fois, le crédit s'immisce très largement dans le paiement", analyse le patron de Franfinance.

Swift en est le parfait exemple. Le système de messagerie bancaire international a développé le mois dernier l'API "Pay Later". Elle permet au client d'un e-commerçant d'obtenir un crédit instantané auprès de sa banque. Sur la page de paiement, un bouton "Pay Later" s'affiche avec plusieurs types de crédits proposés. Si le client accepte une offre, le crédit est initié et les fonds sont crédités chez le marchand. "Le client obtient des fonds d'une banque qui connait sa solvabilité donc elle peut proposer le meilleur taux", explique Stephen Lindsay, head of standards chez Swift.

Mais pour qu'une telle initiative fonctionne, beaucoup d'acteurs doivent jouer le jeu, que ce soit côté banques ou marchands. "C'est pourquoi l'API Swift et les règles sont standardisées. Si chaque banque offrait une API différente, l'effort d'implémentation pour le marchand augmenterait significativement", précise Stephen Lindsay. Swift voit un autre avantage pour les banques. "Cela représente une nouvelle source de revenus. Les clients des banques approchent rarement leur banque pour un petit crédit. Ils utilisent plutôt un crédit en magasin", explique Swift. Ou un établissement de crédit en ligne. Des tests de l'API sont actuellement en cours, mais l'organisme ne dit pas avec qui.