DeFi : derrière l'engouement fulgurant de cet été

Si valorisation des DeFi explose depuis un an, c'est en grande partie grâce à l'intérêt que les yield farmers lui portent. D'après une étude menée par Messari, ils se partageraient près de 25 millions de dollars tous les mois. 

En août 2020, la valeur totale des actifs bloqués (TVL) dans l’économie de la DeFi (Decentralized finance) a dépassé les 8 milliards de dollars, soit une progression de plus de 84% en seulement un mois. Depuis le début de l’année, ces actifs ont connu une croissance fulgurante qui dépasse désormais les 400%.

Actuellement, c’est Aave, la plateforme de prêts qui domine le marché. À elle seule, elle représente plus de 20% de la valeur totale de la finance décentralisée. Ceci dit, les cartes sont régulièrement redistribuées au sein de ce secteur très dynamique où les valorisations reposent en partie sur les cours (que l’on sait volatiles) des cryptomonnaies associées. Ainsi, au début de l’été 2020, c’était MakerDAO qui leadait le marché et affichait une valorisation de plus 1,4 milliard de dollars.

Le nombre d’utilisateurs de la Defi a lui aussi augmenté au cours du mois dernier. En juillet, ils étaient 293 000 à s’intéresser au sujet. Ils sont désormais près de 400 000 soit une croissance de 32% du nombre d’utilisateurs. L’engouement et l’intérêt suscités par la DeFi vont donc grandissant. L’arrivée de nouveaux acteurs, leur intégration plus fine aux plateformes mainstream comme Coinbase Pro ou Poloniex et l’engagement des acteurs traditionnels de la finance participent de concert à la démocratisation du secteur.

Yield Farming : de quoi parle-t-on ?

Les idéaux que porte la finance décentralisée ne sont pas seuls à l’origine de cette croissance et de cet intérêt. De nouveaux protocoles et de nouvelles plateformes ont fait leur apparition, mais force est de constater que les détails de leur fonctionnement restent abscons et difficiles à comprendre pour le commun des mortels. Alors pourquoi autant d’intérêt et de croissance ? À l’origine de cet engouement, on trouve surtout la bonne vieille méthode de l’incitation surnommée au sein de la DeFi, le "yield farming".

Le "yield farming" est sans doute le terme qui dans le secteur des cryptomonnaies aura marqué l’année 2020. L’expression a pour origine les jeux vidéo agricoles dans lesquels les joueurs sont supposés faire prospérer leur ferme. Dans le secteur des crypto, pas de navets ou de champs de pommes de terre, le yield farming permet à ses utilisateurs de gagner des intérêts fixes ou variables en investissant leurs cryptomonnaies sur des plateformes comme MakerDAO ou Aave. Ainsi : acheter de l’ether et le conserver dans un wallet n’est pas du yield farming. En revanche, prêter des ethers sur une plateforme DeFi comme Aave pour en obtenir un rendement supérieur aux variations du prix de l’ether, ça c’est du yield farming.

L'appât du gain : un levier qui fonctionne

En bref, le yield farming consiste à capitaliser autant que possible sur le prêt et l’emprunt d'actifs cryptés tels que les BAT et les USDT.  Mais aujourd'hui, les protocoles DeFi vont plus loin et les start-up les mieux valorisées ne sont pas celles qui rémunèrent le mieux les yield farmers.

Ainsi, Compound et d’autres plateformes concurrentes ont commencé à surcharger le yield farming via une technique appelée "liquidity mining". Celle-ci a, a priori, plutôt mauvaise réputation. C’est elle qui est à l’origine du scandale associé de la cryptomonnaie chinoise, le Fcoin. À l’époque, c’est près de 125 millions de dollars qui avaient disparu, laissant les utilisateurs de la cryptomonnaie sans possibilité de recours.

Le liquidity mining consiste à créer artificiellement un volume d’échange qui permet d’augmenter la valeur de la cryptomonnaie associée, par exemple le BAL pour Balancer ou le COMP pour Compound, par exemple, et donc d’augmenter la TLV de la plateforme.

Ainsi, grâce à elle, les yield farmer peuvent espérer un retour sur investissement jusqu'à 100%  les bons jours. Inutile de préciser que les mauvais, les pertes peuvent être très importantes. Néanmoins, le potentiel de gains considérables continue d’attirer de plus en plus d’utilisateurs.

Attention à ne pas crier au scam trop rapidement. Toutes formes de liquidity mining ne se valent pas. Ainsi, au sein de la start-up Balancer, il sert avant tout le protocole. L’objectif des plateformes à travers cette pratique est avant tout, de se financer très rapidement afin de pouvoir se développer. Tant que le liquidity mining ne devient pas un business model, tout va bien…

Qui sont les acteurs qui récompensent le plus les yields farmers ?

Alors, qu’elles sont les plateformes qui incentivent le mieux les farmer ? D’où viennent les 25 millions de dollars qui ont récompensé les yield farmer le mois dernier ?

D’après l’étude publiée par Messari, la plateforme la plus généreuse, celle qui se trouve en première position est Compound. Celle-ci a distribué 18 millions de dollars de récompense sur un mois. C’est donc elle qui distribue la plus grosse part du gâteau, et de loin. En deuxième position se trouve le protocole Balancer qui a distribué presque 6 millions de dollars par le biais de son jeton de liquidity mining, le BAL. En troisième position, Ampleforth et ses 440 000 dollars, suivi par de plus petits acteurs : Ren qui a distribué 16 000 dollars et Synthetix moins de 5 000 dollars.

Les plateformes qui rémunèrent le plus les yield farmer actuellement sont donc celles qui pratiquent le liquidity mining.  À titre d’exemple, après l'introduction du liquidity mining, la TLV de Compound a considérablement augmenté. Messari note une augmentation de 500% à cette occasion.

Alors l’appât du gain a permis aux premières entreprises de la DeFi d’exister et de croitre très rapidement, mais le liquidity mining leur laissera-t-il le temps de s’installer pour atteindre une situation saine ? D’autres plateformes comme Aave ont-elles raison de faire un autre choix ? Les prochaines semaines devraient le dire…