Face aux "Big Tech", la banque est-elle en danger ?

Les Big Tech, de par leur puissance financière, leur ambition et la technologie à leur disposition, ont la possibilité de révolutionner complètement le visage de la banque, et ce à un niveau impossible pour les fintech.

La crise du Covid-19 a changé le secteur bancaire, et ce potentiellement à jamais. Dans un contexte de distanciation sociale et de fermeture forcée des agences bancaires, le recours aux services bancaires en ligne et sur mobile s'est accéléré. La société de conseil McKinsey a ainsi constaté une augmentation de 20% de "l'engagement numérique" et une baisse de 50% de l'utilisation de l'argent liquide. Contre toute attente, ces tendances n'ont pas profité aux fintech.

Selon les données recueillies par Finbold, le téléchargement d’applications de fintech a en réalité chuté pendant la crise, les leaders Monzo et Revolut ayant tous deux enregistré des baisses de téléchargement d’environ 20% en mars. Les réels concurrents des banques se dévoilent et sont, contre toute attente, les acteurs du secteur des "Big Tech" tels que Google, Amazon, Apple, Baidu ou encore Tencent. Avec une force de frappe gigantesque et un budget quasi illimité, ils risquent de faire rapidement de l’ombre aux banques, au point de remettre en question la banque du futur ?

Les "Big Tech", la nouvelle menace des banques

Déjà profondément ancrées dans le quotidien des consommateurs et des entreprises, les Big Tech, de par leur puissance financière, leur ambition et la technologie à leur disposition, ont la possibilité de révolutionner complètement le visage de la banque, et ce à un niveau impossible pour les fintech. Avec un business model alimenté par les données, ces puissantes entreprises comprennent parfaitement et monétisent le moindre aspect des comportements clients. La collecte, l’acquisition, l’analyse et le traitement des données constituent l’ADN des Big Tech.

Les entreprises technologiques chinoises sont déjà très ancrées sur le marché des services financiers. 28% du chiffre d’affaires de Tencent, leader chinois des réseaux sociaux, provient d’ores et déjà des paiements. Les entreprises américaines commencent elles aussi à en voir les avantages et à fournir à leurs utilisateurs des services de paiement. Google, Apple, Microsoft et Amazon souhaitent aller au-delà du paiement numérique et s’ancrer fermement dans les services financiers. Apple a lancé une carte de crédit qui peut être ouverte en 30 secondes, Google lance un compte courant et Facebook développe sa propre monnaie numérique.

Si la menace émanant des acteurs des Big Tech n’est pas nouvelle, elle s’accentue rapidement sous la pression des investisseurs et les conséquences de la crise du Covid. La marge de manœuvre des banques traditionnelles est par ailleurs fortement limitée par les risques et responsabilités accrues qui leur incombent dans le redémarrage des économies des suites de la crise du Covid. Pourtant, ces acteurs représentent un danger évident et pressant pour les banques et, à travers elles, c’est la forme et la mission de la banque du futur qui sont en jeu. L’influence, la puissance financière et les ambitions toujours croissantes de ces mastodontes, associées au chamboulement économique lié à la pandémie du coronavirus, forment un scénario à haut risque pour les banques. La fenêtre d’opportunité dont les banques disposaient pour se transformer et répondre aux nouveaux besoins de leurs clients s’est quasiment refermée.

D’autant que le secteur bancaire n’est le premier à être investi par les Big Tech. Les opérateurs mobiles ont déjà mené le même combat au début du siècle alors que des services de données agiles et conviviaux (aujourd’hui largement passés aux mains des "Big Tech") exploitaient leurs réseaux. Ces services OTT ont monopolisé l’attention, la fidélité des consommateurs et les marges, tandis que les opérateurs se voyaient relégués au rôle de "tuyaux vides" pour leur diffusion.

Les données seront à la fois le prix et la clé du succès de cette bataille

Une réflexion audacieuse et des actions déterminées sont désormais nécessaires à la survie des banques et au maintien de leurs positions afin de ne pas être cantonnées à la production, exploitant les rails sur lesquels rouleront les "Big Tech" et obtenant une maigre marge sur des volumes considérables de transactions. Et la bataille à venir portera sur les données mais les banques les détiennent déjà.

Pour réussir, les banques doivent rapidement enclencher le cercle vertueux de la force de gravité des données : plus elles en possèdent, plus elles en attirent. Cette force de gravité attire non seulement de nouveaux utilisateurs – et donc davantage encore de données – mais aussi des partenaires, des développeurs et des collaborateurs désireux de travailler sur des ensembles de données enrichies. Les banques doivent ainsi investir dans l’amélioration et l’exploitation de leur capital de données afin d’avoir une vue complète et interconnectée de l’ensemble des données. Cerner l’évolution du comportement des clients, créer une expérience client fluide et connectée, automatiser les processus de back-office, optimiser la gestion du risque et de la conformité… tout cela nécessite une plateforme unifiée d’orchestration des données.

Du côté de la distribution, la plateforme facilite l’automatisation et donc la réduction de ces coûts de gestion du stade de la production ; selon les estimations de McKinsey, de nouvelles infrastructures numériques telles que celle-ci génèrent de 20 à 30 % d’économies nettes. Du côté de la distribution, une vue unifiée des données contribue à améliorer l’expérience client grâce à une meilleure monétisation des relations existantes. Elle permet également d’identifier, d’analyser et de tester de nouveaux produits afin de rompre avec le cycle de croissance atone qui touche le secteur.

Les banques doivent rattraper leur retard face aux Big Tech en s’y mettant dès à présent. La crise du Covid et l’accélération de la transition numérique qu’elle a entraînée, ainsi que les avantages financiers et réputationnels qu’elle a procurés aux "Big Tech", ont rétréci l’horizon pour en faire une priorité. Les banques doivent rapidement faire des choix qui leur permettront de bénéficier de l’économie numérique.