Paiement fractionné : Alma lève 49 millions d'euros pour s'attaquer aux grands marchands
Avec ce troisième tour de table, la start-up vient concurrencer les acteurs historiques du secteur que sont Floa, Oney ou encore Cofidis.
Une ascension fulgurante. Seulement deux ans après son lancement, le spécialiste du paiement fractionné Alma annonce une troisième levée de fonds (et pas des moindres) d'un montant de 49 millions d'euros auprès de Cathay Innovation et Idinvest. Le discret fonds britannique Hedosophia a également remis au pot, selon nos informations. Au total, la fintech a levé 64,8 millions d'euros, dont 12,7 millions il y a moins d'un an. Les caisses étaient-elles donc déjà vides ? "Pas du tout. Nous avons à peine commencé à l'entamer. Nous avions besoin de plus de fonds car nous avons clairement un enjeu de vitesse et de taille", confie Louis Chatriot, cofondateur et CEO d'Alma. A noter que son encours de dette s'élève à 21 millions d'euros (70% d'investisseurs institutionnels) pour avancer le montant total des paiements aux marchands.
La start-up fait partie des fintech qui n'ont pas souffert de la crise et qui en ont donc profité pour lever des fonds. "En 2020, nous avions prévu de multiplier nos volumes de paiement par 4. Nous avons finalement fait x6", se réjouit Louis Chatriot qui indique au JDN réaliser un chiffre d'affaires de "l'ordre de 10 millions d'euros". Son objectif de 4 000 clients à fin 2020 a été atteint (elle ne communique pas le nombre exact de client à ce jour). La fraude a progressivement baissé. "Fin 2019, c'était compliqué. Après, on s'est retrouvé dans une sorte de no man's land dans lequel nous n'avions pas encore mis en place toutes les procédures. Ce qui nous a valu de grosses pertes. Mais désormais, ça va beaucoup mieux, on a recruté des équipes dédiées à la fraude", raconte le dirigeant. Concernant le taux de défaut, Alma ne donne aucun chiffre mais répond "qu'il est plus élevé que le crédit conso. Pour avoir un taux d'acceptation élevé, il faut prendre plus de risques, il y a donc plus de défaut. Mais il est hors de question d'endetter le consommateur". Contrairement à un crédit qui peut être valider en un ou deux jours, il faut pouvoir valider un paiement fractionné en quelques secondes.
Au-delà du 3 ou 4 fois
A l'origine focalisée sur les petits et moyens marchands, Alma a décidé de s'attaquer aux grandes enseignes. Elle a d'ailleurs déjà signé avec Devred, Kookaï ou encore La Fée Maraboutée. Avec cette nouvelle cible, la fintech vient donc directement concurrencer les acteurs historiques du secteur que sont Floa (ex-Banque Casino), Oney, Cofidis ou encore Cetelem. Et qui sont très bien financés car ils appartiennent tous à des banques (à noter que Floa est en vente). "Je ne dirais pas qu'on est meilleur qu'eux partout mais on est clairement une alternative très moderne à ses solutions sur le marché français", lâche Louis Chatriot, qui précise ne pas abandonner les PME. Le paiement étant un business de volumes, il devenait nécessaire pour Alma de s'adresser aux grands marchands.
La levée de fonds servira à investir dans trois nouveaux produits. Le premier est le paiement différé (appelé aussi pay later) qui vient tout juste d'être lancé. Il permet aux clients d'acheter des biens et de les payer deux semaines à un mois après. Pour les marchands, cet outil permet de limiter les reports d'achat en fin de mois, augmenter le panier moyen et fidéliser sa clientèle. Comme pour sa solution de paiement fractionné, Alma avance le montant total de l'achat au commerçant. Pour l'instant, seulement quelques clients d'Alma utilisent la solution. "C'est le moment de le déployer à une plus grande échelle car il y a une forte demande du marché", indique Louis Chatriot. Le deuxième produit est un crédit allant jusque 12 mois. Pour ce faire, la start-up a demandé un agrément de société de financement, qu'elle espère obtenir cette année. Ce crédit long va lui permettre de jouer "à armes égales" avec les acteurs historiques qui proposent ce type de produit depuis longtemps. Elle attend également un agrément de paiement car pour l'instant elle passe par Wakam (ex-La Parisienne Assurances), de la même manière que Lydia et Shine passent par Treezor.
Dernier produit sur lequel mise Alma : le paiement fractionné en BtoB. En novembre dernier, Alma a signé un partenariat avec Ankorstore, marketplace BtoB qui connecte les marques aux boutiques.
Tâtonner l'Europe
Ce dernier tour de table permettra aussi à la fintech de mettre un pied à l'international, en accompagnant dans un premier temps ses clients qui ont des implantations en dehors de France. "On ne s'interdit pas de travailler avec des commerçants allemands, italiens ou autre mais on ne va pas les chercher de manière active", explique Louis Chatriot. Et pas de visée non plus sur les Etats-Unis ou l'Asie car "il y a des solutions qui marchent très bien sur ces continents", souligne le dirigeant. L'américain Affirm, fondé par un ancien de PayPal, a par exemple levé 1,2 milliard de dollars lors de son entrée en Bourse à la mi-janvier. Il existe aussi des solutions concurrentes d'Alma en Europe dont le plus connu est le Suédois Klarna, valorisé 10,7 milliards de dollars suite à une levée de fonds de 650 millions de dollars en septembre 2020. Mais la fintech nordique a préféré se focaliser sur le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Sans compter qu'elle n'a pas réussi à venir en France en raison de l'absence de fichier positif (registre destiné aux prêteurs recensant l'ensemble des crédits signés par les ménages) et des taux d'usure bas.
Les nouveaux fonds financeront également les recrutements. Aujourd'hui composée d'une cinquantaine de salariée, la start-up compte en accueillir le triple en 2021. Autres objectifs : traiter un volume annuel de paiements de plus d'un milliard d'euros d'ici deux ans (versus une centaine de millions actuellement). Alma a de quoi y parvenir puisqu'il existe 600 000 commerçants en France.