Wero, Bizum, Satispay ou un autre : en Europe, qui va remporter le match du paiement compte à compte ?

Wero, Bizum, Satispay ou un autre : en Europe, qui va remporter le match du paiement compte à compte ? Qu'il s'agisse de fintechs ou de solutions portées par des banques, plusieurs acteurs du compte à compte tentent de se faire une (petite) place aux côtés du paiement par carte bancaire.

Annoncé en septembre dernier, Wero n'a pas caché ses ambitions dès son lancement : la solution de l'EPI (European Payments Initiative) veut s'imposer dans le paiement et devenir une alternative crédible aux géants américains, Visa et Mastercard en tête, via le compte à compte. Mais avant de penser à concurrencer ces mastodontes, Wero doit déjà faire face à d'autres spécialistes européens du A2A (account-to-account) qui veulent aussi leur part du gâteau. Lequel a le plus de chances de se faire une place auprès du grand public ?

Wero

Atouts :  Wero est soutenu par de sérieux acteurs puisque l'EPI rassemble 14 banques européennes dont les principales françaises. De quoi lui donner une certaine force de frappe. Par ailleurs, la solution peut s'appuyer sur une base de clients assez intéressante puisque l'EPI revendiquait 39 millions d'utilisateurs en mars 2025 dans les trois pays où le service est présent, à savoir en France, en Allemagne et en Belgique. Il faut dire que l'adoption de Wero est assez naturelle puisque la solution est déjà intégrée à l'application bancaire de ses utilisateurs. Un socle qui devra lui servir de rampe de lancement au moment de passer le cap du paiement commerçant.

Limites : A ce jour, Wero ne s'est toujours pas lancé dans le paiement en ligne ou en magasin et propose seulement des virements entre particuliers. La solution a clairement du retard sur ses concurrents et certains observateurs estiment qu'elle arrive après la bataille. Autre problème, Wero affirme servir la souveraineté européenne mais pour le moment elle ne s'adresse qu'à trois pays et doit faire face à la concurrence de Bizum en Espagne.

Bizum

Atouts : Pour faire simple, Bizum est un Wero espagnol mais avec un temps d'avance. Chapeautée par les principales banques espagnoles, la solution propose des virements entre amis depuis 2016 et gère des transactions entre commerçants et particuliers depuis 2020. Elle revendique 28 millions d'utilisateurs actifs et est intégrée à 80 000 boutiques en ligne. Autre élément à mettre à son crédit, Bizum a signé des accords d'interopérabilité avec les services de paiement mobile Bancomat Pay (Italie) et MB Way (Portugal).

Limites : Bien que Bizum se soit lancé dans le paiement commerçant depuis 2020, peu de données sur le volume de transactions réalisées dans ce cadre ont été publiées. De quoi laisser penser que la solution espagnole demeure, pour l'instant, "seulement" un champion du paiement entre particuliers. Par ailleurs, son adoption exclusivement nationale et l'arrivée de Wero pourraient compliquer ses ambitions d'expansion.

Satispay

Atouts : Fondée en 2013, la fintech italienne Satispay a conçu une application mobile permettant de payer en ligne ou en magasin sans passer par la carte bancaire. Elle affiche aujourd'hui des chiffres solides : une levée de fonds de 320 millions d'euros en 2022 (qui l'a propulsée au rang de licorne), plus de 400 000 commerçants partenaires (principalement en Italie, mais aussi en France et en Allemagne), 5 millions d'utilisateurs actifs. La fintech propose des tarifs avantageux pour les commerçants (aucune commission en dessous de 10 euros, puis une commission fixe de 20 centimes au-delà). Contrairement à Wero ou Bizum, Satispay n'est pas contrôlé par un conglomérat de banques. Un positionnement qui pourrait lui offrir davantage de liberté pour innover.

Limites : Satispay est pour le moment surtout utilisé en Italie. Deux petits obstacles peuvent rendre l'acquisition de nouveaux utilisateurs un peu compliquée : il faut télécharger une application pour utiliser le service (contrairement à Wero et Bizum) et recharger son compte avant d'effectuer une dépense. Enfin, l'émergence d'acteurs souverains à l'échelle européenne apparaît aujourd'hui comme un véritable enjeu stratégique. Dans ce contexte, une solution privée comme Satispay, encore loin d'avoir une portée paneuropéenne, parviendra-t-elle à se faire une place durable ?

Les autres challengers

La fintech suédoise Trustly revendique 100 milliards de dollars de transactions en 2024 mais reste peu visible en France. Son rachat de SlimPay en 2023 lui a ouvert le marché français, mais principalement pour les paiements récurrents, et non pour les transactions du quotidien. De son côté, le français Delupay avait de grandes ambitions à son lancement mais son adoption est encore modeste (3 537 points de vente et 9 135 consommateurs actifs fin 2024). Certaines plateformes d'open banking comme Fintecture ou encore Bridge ont développé des solutions de compte à compte mais leur ambition semble davantage de compléter la carte bancaire pour les paniers élevés plutôt que de la remplacer. Finalement, le stablecoin, qui connait une dynamique certaine aux Etats-Unis, pourrait bien être le vainqueur surprise de cette course. Mais son avenir dans le paiement marchand dépendra avant tout de sa capacité à convaincre un large réseau de commerçants de l'adopter.