Alan, Fintecture et Mooncard… Le début d'une idylle entre la fintech et l'Etat ?
Alan en mai avec le ministère de l'Economie et des Finances, Fintecture en septembre avec la DGFIP et Mooncard en octobre avec la Direction des achats de l'Etat. En l'espace de cinq mois, trois fintech françaises ont annoncé avoir remporté un marché public d'envergure. Quand on sait que les start-up n'ont capté que 1,43% de la commande publique en 2023, ce n'est pas anodin. Ces trois victoires, qui ont eu une résonance médiatique importante (notamment celle d'Alan), peuvent-elles en appeler d'autres ?
Il convient d'abord de rappeler que les pouvoirs publics n'ont pas toujours semblé favorables à l'idée de collaborer avec des fintech : "Avant, il fallait présenter un historique de comptes qui constituait une barrière infranchissable pour la plupart des fintech qui sont des jeunes acteurs", indique Mikaël Ptachek, président de l’Observatoire de la Fintech. Dans leurs relations avec l’Etat, les jeunes pousses avaient le sentiment de ne pas toujours être les bienvenues. En juillet, Augustin Mine nous confiait qu'Alan "n'était pas dans le radar de la plupart des ministères il y a encore quelques mois" tandis que Matthieu Bagur nous avait expliqué que, lors de ses premiers appels d’offres publics, "Mooncard subissait les cahiers des charges".
"Alan n'était pas dans le radar de la plupart des ministères il y a encore quelques mois"
Cette époque semble désormais révolue. "Désormais, Mooncard est consulté pour la construction des appels d'offres", poursuit Matthieu Bagur. "Avant, les start-up faisaient peur à l'administration pour de mauvaises raisons. Maintenant, elles l'intéressent pour de bonnes raisons. Les pouvoirs publics se posent vraiment la question de l'innovation qu'on peut leur apporter", assure Pierre-Yves Roizot, CEO de Greenway, une fintech qui a développé une carte de paiement à destination des professionnels et qui possède parmi ses clients la SNCF, la région Grand-Est ou encore la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Si la fonction publique a équipé fin octobre 10 000 de ses agents d'un agent IA conçu par Mistral, les dernières annonces d'une collaboration entre l'Etat et une start-up ont surtout concerné des fintech. Est-ce que cette nouvelle dynamique qui semble se dégager peut concerner l'ensemble de la French tech ? "Je pense que le mouvement peut toucher l'ensemble de l'écosystème. Mais la fintech a l'avantage de s'attaquer à des process incontournables de l'Etat comme l'assurance ou le paiement", répond Kristen Charvin, déléguée générale de France FinTech. "Les fintech sont des entreprises réglementées et les fondateurs sont souvent plus âgés que pour le reste des start-up. Cela doit donner confiance aux entités publiques", complète Pierre-Yves Roizot.
Des candidats crédibles
Avec les appels d'offres remportés par Alan, Fintecture et Mooncard, la fintech française espère surfer sur la belle dynamique. "Cela peut créer un cercle vertueux", parie Pierre-Yves Roizot. "On voit que les fintech ne sont plus perçues comme des débutantes mais comme des acteurs solides qui sont capables de traiter des marchés complexes", analyse Kristen Charvin. "On peut même imaginer que celles qui ont remporté des appels d'offres donnent des conseils à celles qui veulent se lancer sur les marchés publics".
Reste à savoir qui sont les candidats qui peuvent rejoindre ce cercle vertueux. "Beaucoup d'acteurs ont une proximité avec les services publics et je pense qu'on va avoir d'autres victoires dans les prochains mois", estime la déléguée générale de France FinTech. "Descartes Underwriting est un candidat crédible, tout comme Defacto. MiTrust a reçu un agrément de prestataire de services d'intermédiation de données auprès de l'Arcep donc on peut s'attendre à ce qu'il collabore bientôt avec les pouvoirs publics. Et pourquoi pas imaginer un acteur comme PayFit pour gérer la paie des agents de l'Etat ?"
Malgré les récents succès, il reste encore selon nos interlocuteurs quelques freins pour enclencher définitivement un mouvement de fond. "C'est bien de signer un contrat mais il faut être vigilant sur le rapport de force. Une start-up doit faire attention à sa trésorerie et les pouvoirs publics peuvent un peu tirer sur les délais de paiement", prévient Mikaël Ptachek. "Il y a encore des progrès à faire. Les procédures sont très lourdes et souvent lentes. Le temps du service public n'est pas le même que celui d'une fintech. Il faudrait aussi mieux former et informer ceux qui gèrent les achats de l'Etat car certaines divisions n'ont pas connaissance des possibilités de contracter avec des start-up", conclut Kristen Charvin.