Les néobanques pour mineurs ont-elles un avenir ?

Les néobanques pour mineurs ont-elles un avenir ? L'échec récent de Kard, qui a succédé à ceux de Xaalys et de Vybe, a mis en lumière la difficile viabilité de ce type d'acteurs, désormais de plus en plus rares.

Ces derniers jours, quelques-uns des 200 000 clients Kard se sont rendus compte que leur argent avait disparu. De quoi susciter un vent de panique chez les parents qui avaient inscrit leurs enfants chez la néobanque pour mineurs. Kard, dont la liquidation a été prononcée le 11 septembre dernier, a invité ses anciens clients à contacter le spécialiste du banking as a service Okali qui sécurise les fonds.

Voir une néobanque pour mineurs qui s'écroule en France, ce n'est pas nouveau. Avant Kard, Xaalys et Vybe avaient déjà été contraints de cesser leur activité. Sur le marché, il ne reste que deux survivants sur cette verticale : Pixpay, passé sous pavillon britannique après son rachat par GoHenry à l'issue d'un deal que plusieurs acteurs du milieu décrivent comme "peu avantageux", et Money Walkie, seul opérateur encore indépendant qui n'a pas sombré.

Un business peu rémunérateur

Questionné sur les raisons de l'échec de Vybe, néobanque pour mineurs qu'il a cofondée, Maxence Cornet apporte une réponse toute simple : ce business n'est pas assez rémunérateur. "C'est impossible de faire payer des abonnements chers pour des adolescents et l'interchange est très faible car les jeunes effectuent peu de transactions. En moyenne, nos clients dépensaient 40 euros par mois", raconte l'ancien dirigeant. "En plus, le secteur était concurrentiel avec quatre players donc on a tous voulu baisser les prix alors que nos marges étaient déjà faibles. C'était compliqué de dégager des revenus. On avait 40 000 utilisateurs dont 12 000 actifs quotidiennement mais il aurait fallu en avoir 400 000 pour être rentable. C'est un secteur où il est presque impossible de générer de l'argent".

Une analyse partagée par Bernard-Louis Roques, cofondateur de Truffle Capital, un fonds d'investissement spécialisé dans la fintech : "Quand on a vu la vague arriver, on a préféré se tenir à l'écart. D'un point de vue technologique, on n'a pas vu d'apport déterminant. Et d'un point de vue financier, on trouvait que les coûts d'acquisition étaient trop élevés car il faut convaincre deux personnes : l'adolescent et un de ses parents. Sur le long terme, les néobanques pour mineurs ne proposent pas un modèle convaincant. Ce n'est pas un secteur dans lequel on pourrait investir". 

"Ce n'est pas un secteur dans lequel on pourrait investir"

Au-delà des failles du business model, la question de l'exit, chère aux investisseurs, semble, elle aussi, préoccupante. "Idéalement, la sortie logique pour ces acteurs serait un rachat par une banque. Mais les banques considèrent qu'elles peuvent convaincre les jeunes via des stratégies en interne", explique Bernard-Louis Roques. "Pour les banques, ce n'est pas un produit en soi. Elles perçoivent ce business uniquement comme un produit d'appel pour convertir des jeunes clients en clients adultes", ajoute Maxence Cornet. "La manière dont Revolut a déployé son offre à destination des jeunes est révélatrice : seuls les enfants de clients Revolut peuvent ouvrir un compte. On voit bien que l'objectif principal est avant tout d'acquérir des clients adultes".

Avant de disparaitre, Vybe, en mode survie, avait tenté de développer des sources de revenus complémentaires. "On voulait devenir une plateforme publicitaire pour les marques qui veulent être visibles auprès de la nouvelle génération, car pour elles c'est un grand enjeu. On avait notamment noué un partenariat avec Burger King. Mais malheureusement, on s'y est mis trop tard", regrette Maxence Cornet.

Le cas particulier Money Walkie

Activer d'autres canaux de revenus, c'est justement ce qu'a fait Money Walkie, seule néobanque encore indépendante présente sur le marché français. La fintech commercialise des petites figurines vendues 29 euros, de petits objets qui permettent aux enfants de payer sans contact, et que les parents alimentent en argent. De quoi capter des premiers revenus dès l'acquisition d'un client. "On en a vendu 140 000. Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de l'objet. Certains enfants collectionnent nos figurines, il y a une viralité dans les cours d'école. A Noël, des gens vont en acheter pour les placer sous le sapin. Je pense que l'objet nous a aidés à passer entre les gouttes", explique Raphaël Leprette, CEO et fondateur.

Autre originalité de Money Walkie, ses objets sont distribués via trois canaux de distribution : "On les vend en ligne sur notre site, dans les Caisses d’Épargne et Banques Populaires via notre partenariat avec BPCE, mais aussi chez des commerçants en physique. Nous avons repris l’ADN de Nickel, qui avait compris qu’il fallait toucher les clients par des circuits qui ne sont pas uniquement bancaires. Quand le retail va moins bien, nous avons le relais des banques, et inversement. C’est le meilleur des deux mondes entre la présence physique du retail et le potentiel du digital", poursuit le dirigeant. Désormais rentable, Money Walkie laisse penser qu'avec des sources de revenus complémentaires, il demeure possible pour une néobanque pour mineurs d'avoir un avenir. Encore faut-il considérer l'entreprise comme telle, et non comme un acteur du retail qui a ajouté une brique financière à son modèle.