La silver économie et l’Internet des objets

La silver économie est le terme à la mode pour désigner l’activité économique nouvelle associée au vieillissement de la population des pays développés et à son corollaire, le développement de nouveaux services associés.

Dans le rapport sur la silver économie du Commissariat Général à la Stratégie et la Prospective [1], le gouvernement évaluait à 300 000 le nombre de créations d’emplois liées aux services à la personne dans le cadre de ce bouleversement démographique.

De quel « marché » parle-t-on ?

Le revenu disponible des plus de 60 ans en France dépasse les 400 milliards d’euros, une somme qui devrait presque doubler d’ici 2030 via un triple effet :

  • Démographique. Selon l’Insee, la France compte à ce jour 15 millions de plus 60 ans dont 5,5 millions de plus de 75 ans. En 2060 ce nombre sera de 23 millions avec notamment un triplement des plus de 85 ans à 5 millions de Français !
  • Niveau de vie. A chaque tranche d’âge des seniors, et pour au moins les 20 prochaines années, le niveau de revenu augmente par génération.
  • L’épargne. Les nouvelles générations de senior ont tendance a plus consommer que les précédentes et donc à désépargner plus.

En chapeau à ces tendances, il y a bien sur le phénomène clé qui demeure le recul de l’âge de décès ou de maladie. Le phénomène est historique. A 65 ans, en France, un homme a encore 19 ans à vivre dont 8 en bonne santé, une femme 23 ans dont 9 en bonne santé.

Quels sont alors les secteurs économiques concernés ? Classiquement quelques secteurs sont évoqués : le tourisme, la santé, les services aux personnes, l’assurance (privée ou publique) ou bien encore l’énergie (premier poste de dépense des seniors). Pour arriver à faire se développer la silver économie, dans laquelle la place de la maison est clé, les services numériques et notamment la maison intelligente sont au cœur du système et permettent le véritable effet de convergence entre les secteurs. Les services numériques sont bel et bien au cœur de la silver économie : management de l’énergie, services de télécommunications, santé à domicile, sécurité des biens et des personnes, systèmes de confort, appareils électroménagers. Et l’un des axes clés est l’internet des objets. Les seniors seront en effet parmi les premiers à bénéficier de ce changement de paradigme car l’internet des objets leur permettra (à eux ou leur accompagnants) de gérer à distance ou facilement des appareils ou équipements en ménageant leur effort ce qui est une des clés avec l’âge. L’internet des objets pour les seniors se cache derrière la domotique, véritable enjeu dans un pays où seuls 6 % des logements sont adaptés pour faire face au handicap contre 9 % en Espagne 16 % aux Pays-Bas [2].
Plus largement smart metering, smart building, smart grid s’inscrivent dans cette logique avec cependant trois écueils pour les seniors : la prise en charge du financement de ces équipements, la réticence d’une partie des seniors  vis-à-vis des nouvelles technologies (ou plus spécifiquement la difficulté à adopter de nouveaux usages nécessitant un apprentissage) et l’ergonomie des aménagements adaptés aux personnes dépendantes ou fragiles.

Les objets connectés se cachent aussi derrière la robotique qui est un domaine clé pour les ainés : assistance aux personnes en perte d’autonomie, surveillance, gardiennage, robots domestiques. Et bien sur les TIC sont aux cœurs des dispositifs médicaux innovants tels le m-health, la télé-assistance ou la télé-médecine. Le rapport du Commissariat Général à la Stratégie est éloquent : «  [L]a M-Health prend de l’ampleur. La M-Health est constituée par l’ensemble des appareils de mesure des paramètres physiologiques (poids, tension artérielle, glycémie, fréquences cardiaques, etc.) associés à de nouvelles générations de capteurs qui développent un marché de la surveillance de la forme et du bien-être. […] La taille du marché […] pourrait atteindre 5,6 milliards de dollars en 2017. »
Comme plus globalement pour l’Internet des objets, le marché est à structurer. Sur le Homecare pour les seniors les acteurs sont pléthores. Les fabricants d’appareils domotiques (Somfy, Crestron, Lutron, Delta Dore, etc.), les fabricants d’appareils électriques (Schneider Electric, Legrand, Hager, etc.) les fabricants d’appareils climatiques (Bosch, Remeha, Vaillant, etc.), les fabricants d’appareils ménager (Philips, LG, Samsung, Fagor, etc.), les fabricants d’appareils électroniques (Sony, Apple, etc.) les opérateurs télécoms (Orange, SFR, Bouygues Télécom), les énergéticiens (EDF, GDF Suez, Poweo, etc.), les banques et assureurs (Société Général, BNP Paribas, Axa, etc.), les prestataires de services (Domeo, Vitaris, EPS surveillance, etc.) … bref un écosystème riche mais à structurer.
Le rôle de l’internet des objets est d’autant plus structurant qu’un changement notable apparait depuis quelques années dans l’équipement « télécom » des seniors. Il y a encore 5 ans, des équipements simples étaient privilégiés (Doro et son big button) or aujourd’hui la tablette est devenu le cheval de Troie des usages pour certains seniors. La facilité d’usage, l’ergonomie permettent d’éviter la complexité des PCs et donc d’offrir une vraie expérience digitale aux seniors. Au-delà de la découverte des e-mails et d’Internet pour certains c’est un moyen d’initier une familiarisation avec les applications.


[1] Claire Bernard, Sanaa Hallal et Jean-Paul Nicolaï, La Silver Économie, une opportunité de croissance pour la France, 110 pages, décembre 2013

[2] Source : Enquête Share 2006