Comment les robots connectés d'Euveka réduisent les retours en e-commerce
Avec la croissance des ventes en ligne liée aux confinements, les mannequins-robots d'Euveka reprennent des couleurs. La start-up avait failli ne plus pouvoir développer ses appareils personnalisables des tailles 36 au 46 : une procédure de dépôt de bilan avait été enclenchée en janvier 2020 et les effectifs ont dû être réduits, de 40 à 10 salariés. En se positionnant sur les ventes en ligne avec une avance de deux ans par rapport à sa roadmap initiale, Euveka assure avoir rebondi et estime désormais avoir de beaux jours devant elle.
L'histoire d'Euveka dans la mode s'est façonnée de fil en aiguilles depuis 2011 sur la base d'un constat : la mode représente 10% des émissions carbones mondiales en raison du transport, accru par les retours des invendus en raison de mauvaises tailles. "Les mannequins de bois ne permettent pas de répondre aux problématiques de la mode en ne permettant de réaliser que des prototypes en X selon un barème unique de tailles, j'ai donc voulu les robotiser et les associer à des logiciels de traitement de la donnée morphologiques pour lutter contre le gaspillage textile et connecter le monde de la fabrication et du retail", raconte Audrey-Laure Bergenthal, la fondatrice de la start-up installée à Valence. Après la réalisation d'un prototype en 2013, un premier robot a vu le jour en 2017 à destination des usines de production. Concrètement, le mannequin-robot est piloté par logiciel pour s'adapter en temps réel aux indications de morphologie renseignées et les capteurs confirment les bonnes déformations. Chaque marque peut donc s'adapter plus finement aux morphologies types de ses clients.
"Depuis le début de la crise sanitaire, les ventes en ligne ont explosé mais les commerçants réalisent peu de marges car un tiers des vêtements est retourné sur les petites et grandes tailles", observe Audrey-Laure Bergenthal, qui a adapté son logiciel aux besoins des sites de vente en ligne et fait de ce marché sa priorité en 2021. Ainsi, pour les sessions de shopping à distance, une enseigne peut renseigner dans le logiciel les mensurations de sa cliente pour adapter en temps réel le mannequin à son corps et lui garantir que le vêtement sera adapté à ses formes. De même, un retailer peut présenter une collection avec plusieurs aperçus selon différentes morphologies.
La fondatrice explique bénéficier de la pression des consommateurs sur les enseignes quant aux questions écologiques. "Piloter sa production de manière plus ciblée induit une baisse des retours de 30 à 40%, souligne-t-elle. Notre objectif est de donner à la production retail des statistiques sur les essayages et des outils pour permettre à l'industrie textile d'envisager un ROI environnemental."
Une stratégie gagnante. Euveka réalise en France un déploiement de ses mannequins avec l'enseigne La Fée Maraboutée sur l'ensemble de sa chaîne de valeur depuis fin 2020 et s'étend à l'international, aux Etats-Unis en particulier, avec Adidas, Nike et Amazon. Au total, Euveka compte une quinzaine de clients, dont Chanel et Etam.
"L'IoT est essentiel pour personnaliser les vêtements et prendre en compte la maternité, l'hyper musculature ou l'atrophie"
Les objets connectés représentent une maille importante derrière ce nouveau succès. Les mannequins-robots, fabriqués à Valence, sont équipés de plusieurs capteurs IoT pour fournir plus de 80 points de mesure sur les axes de déformation du corps en fonction de différentes variables. "L'IoT est essentiel pour avoir des mesures précises et pouvoir personnaliser les vêtements afin de prendre en compte la maternité, l'hyper musculature ou encore l'atrophie", assure Audrey-Laure Bergenthal. Les capteurs sont connectés en Wifi et en Bluetooth pour "faciliter l'implémentation et bénéficier d'une connectivité universelle à l'international". La fondatrice insiste par ailleurs sur la sécurisation et la confidentialité des données morphologiques et précise se positionner comme les hébergeurs de données de santé avec des systèmes d'hébergement locaux.
Euveka s'intéresse dès à présent aux capteurs haptiques pour permettre dans les années à venir à ses mannequins-robots de donner des informations sur le ressenti sur la peau, en retranscrivant par exemple l'évolution de sa dureté selon les tranches d'âge ou l'activité sportive. Une commande vocale intègrera également la prochaine génération de robots.
Euveka se prépare à une nouvelle levée de fonds pour anticiper des déploiements massifs en 2022 et intégrer la mode masculine à son logiciel. "Nous avons réalisé au deuxième trimestre le chiffre d'affaires que nous avions eu sur toute l'année 2020", se réjouit Audrey-Laure Bergenthal. La fondatrice de l'entreprise, qui réaffirme son modèle d'affaires sous forme de location de ses mannequins-robots à 1 500 euros par mois, maintient son ambition de concevoir des vêtements techniques, pour l'armée, la police ou l'aéronautique, où "les morphologies des tenues sont peu adaptées aux femmes". De même, le médical fait partie de ses objectifs pour contribuer à l'essor de vêtements connectés dotés de capteurs bien situés pour mesurer de manière fiable la pression, la température ou la prise d'électrocardiogramme.