En 2022, l'IoT français change de réseau
Les technologies d'IoT cellulaires LTE-M et NB-IoT séduisent de plus en plus de clients, notamment en cette période où les projets avec Sigfox et LoRa sont stoppés, par le redressement judiciaire du premier et l'arrêt du réseau LoRaWAN d'Objenious.
Cela fait plus de vingt ans que le cellulaire est connu et utilisé dans l'IoT pour des usages M2M. Et pourtant, la technologie prend en 2022 un nouveau départ grâce aux réseaux LTE-M et NB-IoT. A tel point que l'année se profile comme une "année charnière pour l'IoT cellulaire", estime Maurice Zembra, président et cofondateur de Vertical M2M, un éditeur français de logiciel IoT qui travaille depuis près de trois ans sur le NB-IoT. Une tendance que confirme les résultats financiers de Thales : l'activité des cartes SIM rencontre une croissance organique et porte l'activité Digital Identity & Securité, qui enregistre un chiffre d'affaires de 2 995 millions d'euros (sur les 19 909 millions d'euros du groupe, ndlr). "Nous avons une forte demande en design de puce en LTE-M", observe son VP Strategy & Products IoT, Francis D'Souza.
Un constat partagé par le distributeur français EBDS Wireless & Antennas. "Le cellulaire devient une vraie tendance. Nous avons cette année notre premier gros projet en LTE-M, pour la télérelève de compteurs industriels", indique Vincent Bulot, son CEO. Face à cet engouement, Ericsson a lancé mi-février une plateforme d'IoT cellulaire qui permet aux fournisseurs de services de communication et aux entreprises de faire évoluer leur activité IoT sur des dizaines de millions d'appareils à l'échelle mondiale. La valeur marchande de l'IoT cellulaire dépassera 61 milliards de dollars à l'échelle mondiale d'ici 2026, selon une étude de Juniper Research.
Meilleure couverture en France
La première grande avancée relève de la densification de la couverture des réseaux LTE-M et NB-IoT. En France, c'est en 2022 qu'elle aura un visage national. Objenious, qui a annoncé l'arrêt de son réseau LoRaWAN, mise sur une migration des clients vers le cellulaire et prévoit une couverture nationale des réseaux LTE-M et NB-IoT fin 2022. Ses deux réseaux viennent s'ajouter à la couverture nationale d'Orange en LTE-M et à celle de SFR en NB-IoT.
International facilité
Pour séduire, le cellulaire bénéficie d'un atout majeur : sa réponse au besoin d'internationalisation des clients. "Dans un contexte mondialisé où l'objet connecté est fabriqué à un endroit et utilisé à un autre, il est indispensable d'avoir une connectivité constante et uniforme quel que soit son contexte d'utilisation", affirme Jérôme Chachuat, CEO et fondateur de Move & Connect, fournisseur français de solutions télécoms. Ce dernier, qui se développe dans l'IoT cellulaire grâce à sa carte SIM multi-opérateurs dans 200 pays, réalise désormais 70% de son activité dans l'IoT. Contrairement au réseau LoRaWAN, les fréquences sont identiques d'un côté et de l'autre de l'Atlantique.
Ils sont nombreux à avoir choisi le cellulaire pour cette raison : dans l'asset tracking, l'entreprise française de traceurs GPS Invoxia a adopté le LTE-M pour commercialiser ses traceurs aux Etats-Unis, le bureau d'études français Samea Innovation développe un traceur en LTE-M et NB-IoT pour le suivi de colis, ou encore la marque française Trackap pour la géolocalisation de vélo, voiture ou trottinettes. Dans l'agriculture, BeeGuard s'est orienté vers le LTE-M et le NB-IoT pour proposer ses solutions de ruches connectées dans 12 pays, tout comme Vegetal Signals pour ses solutions de monitoring d'espèces végétales : "Notre boîtier fonctionnait avec la technologie LoRa mais cette dernière n'est pas déployée en Afrique du Sud, nous avons dû changer notre fusil d'épaule et migrer vers du NB-IoT", témoigne Fabian Le Bourdiec. Avec un plus grand débit que LoRa ou Sigfox, les deux réseaux cellulaires LPWAN offrent des opportunités à différents secteurs.
Baisse des coûts
Les coûts pour ces modules deviennent par ailleurs plus accessibles, rendant les usages rentables dans leur déploiement. "L'augmentation du nombre de clients dans le temps permet aux opérateurs d'amortir leurs investissements initiaux et de proposer des prix plus agressifs. De même, il y a désormais plus d'équipements compatibles avec ces réseaux sur le marché, ce qui permet d'abaisser les coûts sur toute la chaîne de valeur", explique Ouassim Driouchi, senior manager chez le cabinet de conseil BearingPoint. En janvier 2022, la Global mobile Suppliers Association (GSA) comptait 16 280 devices compatibles en LTE. Il ne faut pas oublier qu'Orange a fait ses premiers pas avec le LTE-M il y a déjà quatre ans, tout comme SFR avec le NB-IoT. A titre de comparaison, il est possible de se fournir "un chip NB-IoT pour 10 dollars environ, alors que ceux en 5G sont à des coûts entre 50 et 100 dollars", souligne Paul Pinault, aka Disk91, auteur d'un blog référence dans le secteur de l'IoT.
Performances en hausse
Sans oublier les améliorations technologiques. "Le NB-IoT offre un bon équilibre entre le débit et la consommation d'énergie", constate BeeGuard, qui a pu envisager une nouvelle version de sa solution intégrant du computer vision pour compter les abeilles d'une ruche quotidiennement et suivre leur santé. "Les clients ont une meilleure compréhension de ces technologies et la standardisation au 3GPP assure la pérennité de la technologie", affirme Grégoire De Changy, responsable marketing de l'équipe IoT chez OBS, qui anticipe un intérêt des acteurs pour les usages dans les smart grids et la gestion de flotte.
"Déployer les antennes ne suffit pas, il faut aussi optimiser le cœur de réseau pour bénéficier de tous les services"
Avec cet intérêt pour le cellulaire, la France, berceau des technologies Sigfox et LoRa, semble rattraper un retard. En Italie et en Espagne par exemple, il n'y a pas eu de couverture nationale en LoRaWAN, le cellulaire a directement pris le pas. La Scandinavie aussi a déployé massivement du NB-IoT.
Mais pour que le cellulaire en LPWAN apporte tous ses services aux clients, il faut encore que les opérateurs passent à l'étape suivante : "Déployer les antennes ne suffit pas, il faut aussi optimiser le cœur de réseau pour bénéficier de tous les services", précise Frédéric Launay, maître de conférences à l'IUT de Poitiers, au sein du département Réseaux et Télécoms. Autre souci : la granularité. "Le NB-IoT tire sa valeur de ses capacités en indoor. Or, il faudra sans doute ajouter des antennes pour une bonne pénétration et pour le moment, les opérateurs ne prévoient pas d'en ajouter hors de leurs sites 4G. La priorité des opérateurs est la 5G, qui sera aussi un accélérateur du cellulaire quand la technologie stand-alone sera opérationnelle (en 2024 selon les prévisions, ndlr)", met en garde Maurice Zembra, chez Vertical M2M. Si, sur le cellulaire, opérateurs et clients sont sur la même longueur d'ondes, il va leur falloir encore un peu de temps avant de réceptionner les projets à gros volume.