Economies d'énergie : la France pas assez connectée

Economies d'énergie : la France pas assez connectée La filière électrique française a dressé un bilan des consommations énergétiques de cet hiver et alerte contre le faible taux d'équipement des bâtiments en système de pilotage.

Face à la crise énergétique cet hiver et la forte hausse des prix de l'énergie qui en a découlé, industriels et particuliers ont été appelés à faire des efforts pour réduire leur consommation. Les résultats sont là : la France a enregistré une baisse de 9% de la consommation d'électricité par rapport à un hiver aux normales de saison, soit de l'ordre de 20 TWh en moins.

Mais pour la filière électrique, qui a présenté ce mardi 18 avril son bilan de l'hiver et ses recommandations pour massifier la sobriété énergétique, il est nécessaire de déployer davantage de système de pilotage évolutifs dans les bâtiments pour passer d'une baisse conjoncturelle à une baisse structurelle. Car les bâtiments restent le secteur le plus énergivore, avec 45% des consommations énergétiques du pays, et les taux d'équipement laissent encore à désirer.

Dans le résidentiel, la crise a conduit à une augmentation de 15% des ventes de solutions de pilotage du chauffage au dernier trimestre 2022, par rapport à celui de 2021. Si l'on prend l'exemple des thermostats, 1 produit sur 2 vendus étaient connectés, contre moins d'un tiers au premier trimestre 2022. Selon Pascal Portelli, CEO de Delta Dore et vice-président du syndicat de l'Industrie du génie numérique énergétique et sécuritaire IGNES, il y aurait plus d'un million de thermostats commercialisés à l'unité chaque année en France, soit une hausse de 10% ces dernières années. Et les résultats des objets connectés sont manifestes. Un exemple : avoir associé le compteur Linky aux contacteurs HP/HC a permis le décalage de la chauffe des ballons d'eau chaude durant la nuit et de générer des économies de 2,5 GW. L'entreprise Ailau Protect par exemple s'est spécialisée dans le développement de briques technologiques visant à rendre efficaces, économes et durables les systèmes de pilotage des chauffe-eaux thermodynamiques. 

Néanmoins, en France, seuls 12% du parc résidentiel est équipé en solution de pilotage du chauffage. "En France, il y a peu de différences entre les heures creuses et pleines. En revanche en Scandinavie, les tarifs sont variables à des facteurs dix donc les habitants s'équipent de systèmes de pilotages, qui sont rapidement rentables", constate Pascal Portelli. La publication d'un décret dédié au résidentiel devrait accélérer les déploiements. La filière électrique se fixe pour objectif d'équiper 100% des 37 millions de logements et des 2,2 millions de bâtiments tertiaires de moins de 1 000 m² à l'horizon 2030.

Du côté du tertiaire de plus de 1000 m², la situation est encore plus alarmante. Si le contexte a mené à une hausse de 17% d'installation de systèmes de mesure des consommations d'énergie et de 22% de systèmes de pilotage du bâtiment (GTB) en 2022 par rapport à 2021, seuls 6% du parc est équipé. Le décret Tertiaire et le décret Bacs devraient néanmoins accélérer l'installation de solutions. Une nouvelle version du décret Bacs, publiée le 8 avril dernier, étend le nombre de bâtiments tertiaires qui doivent installer un système de gestion technique du bâtiment (GTB). La filière électrique observe par ailleurs une demande accrue de la part des bailleurs sociaux et des collectivités.

"Toutes les solutions existent sur le marché, il n'y a aucun obstacle technologique au déploiement", souligne Olivier Delepine, président du Gimelec Bâtiments et vice-président de l'activité Building & Channels de Schneider Electric France. La Commission de Régulation de l'Energie a justement lancé en janvier une mission prospective pour comprendre les freins à l'installation des systèmes de pilotage dans les bâtiments. Les conclusions sont attendues pour mi-juillet.

Les efforts qui restent à faire concernent la donnée. "La collecte des données n'est pas encore assez exploitée pour mieux connaître les usages du bâtiment et il y a un manque d'experts du management de l'énergie en France, regrette Yannick Saint-Roch, directeur général de l'organisation professionnelle de la Serce. En instrumentant les bâtiments avec des thermostats connectés, des détecteurs de présence ou de l'éclairage intelligent, on peut aboutir à des économies d'énergie de l'ordre de 15 à 30%." Les acteurs de la filière espèrent d'autant plus sensibiliser au besoin de s'équiper que l'hiver à venir n'annonce pas plus de disponibilité de l'énergie que celui que l'on vient de vivre.