L'énergie manager, un métier phare pour l'efficacité énergétique

L'énergie manager, un métier phare pour l'efficacité énergétique L'énergie manager était un poste peu connu jusqu'au début de la crise énergétique. Depuis près de deux ans, la demande des entreprises pour ses compétences, qui ne cessent de s'élargir, est en forte croissance.

Optimiser ses consommations d'énergie pour réduire la facture et préserver les ressources est devenu une priorité des entreprises depuis le début de la crise énergétique. Mais encore faut-il savoir quel réglage effectuer et quand. C'est à ce moment qu'intervient l'énergie manager. Ce métier se retrouve sur le devant de la scène et suscite l'intérêt de nombreux clients, qui en découvrent le périmètre. "Il y a une grosse percée des énergie managers auprès des gestionnaires de parcs, des collectivités et en santé, un secteur où les notions de confort et d'économies sont importantes", assure Cyril Sailly, fondateur de l'entreprise d'efficacité énergétique Advizeo, qui a été créée en 2015 et a développé le contour du métier de ses propres énergie managers.

L'énergie manager est, comme son nom l'indique, la personne qui détient toutes les connaissances liées à l'énergie pour dresser un plan de route dédié à ce sujet dans une entreprise et piloter les équipements afin d'optimiser leurs consommations. Il doit savoir quels objets connectés déployer sur site pour accroître les économies d'énergie et en démontrer les résultats par datavisualisation sur une plateforme SaaS centralisant les données de consommations énergétiques. Et ce pour tout type de fluides (électricité, gaz et eau). "C'est donc à l'énergie manager de veiller à la détection de fuites d'eau", précise Blaise Hamanaka, manager Services & Performance énergétique chez Datanumia, filiale d'EDF spécialisée dans l'optimisation et le management des consommations énergétiques qui dispose d'une quinzaine d'experts et anticipe une généralisation du métier.

Mais ses compétences ne se limitent pas à cela : "Il lui faut aussi maîtriser les données du comptage et savoir réaliser un rapport avec des calculs autour de la performance énergétique", détaille Amélie Bonnet, experte efficacité énergétique au sein de l'organisation professionnelle Serce et responsable Performance Energétique pour le groupe français SNEF. Un avis partagé par Roxane Gautier, conseillère en énergie management chez Ubigreen, éditeur de solutions digitales permettant de mesurer et optimiser la performance technique et énergétique des bâtiments : "Il faut bien connaître les équipements ou les machines qu'on veut optimiser. Les énergie managers peuvent faire appel au besoin à des énergéticiens spécialistes des installations ciblées."

"La publication de décrets sur l'énergie rend plus attrayant ce poste"

Les compétences de l'énergie manager s'élargissent depuis peu au réglementaire, avec les décrets Bacs et Tertiaire, qui imposent le monitoring des bâtiments par une gestion technique du bâtiment (GTB) et une réduction des consommations énergétiques de 40% avant fin 2030 dans un premier temps. "La publication de différents décrets sur l'énergie rend plus attrayant ce poste, qui propose une mise en œuvre organisationnelle et technique d'actions concrètes et sensibilise tous les publics à la conservation de l'énergie", confie Roxane Gautier.

Un profil qui intervient en phase d'exploitation

Selon Amélie Bonnet, l'idéal pour l'énergie manager est de pouvoir s'appuyer sur une GTB mais selon une étude de la SBA, plus de 50% des GTB en France sont débranchées en raison de leur complexité. "La difficulté du métier réside dans l'exécution des actions prescrites. Les équipements sont loin d'être tous automatisés. Pour veiller à ce que la température par exemple soit abaissée de partout à 19°C, il faut encore faire un contrôle pièce par pièce", reconnaît Roxane Gautier.

L'énergie manager, qui a généralement "un profil d'énergéticien, de technicien ou d'ingénieur thermique" d'après Blaise Hamanaka, intervient en phase d'exploitation. Les clients requièrent des profils, soit en interne pour de l'optimisation de performances énergétiques dans la durée, soit en tant que prestataires à des fins de conseil dans l'élaboration d'une politique énergétique. "L'énergie manager est intégré aux équipes d'exploitation technique ou de gestion immobilière", précise Roxane Gautier.

"Sur des projets de grande ampleur, certains profils experts peuvent atteindre 70 000 euros brut par an à Paris"

L'engouement pour ce métier, dont la recherche de profil reste difficile, conduit le cabinet de recrutement informatique Silkhom à l'ajouter à son baromètre des salaires pour l'édition 2024. D'après les données déjà recueillies par Silkhom, un énergie manager junior est rémunéré entre 35 000 et 40 000 euros à Paris et entre 33 000 et 36 000 euros brut en région. "Sur des projets de grande ampleur, certains profils experts peuvent atteindre 70 000 euros brut par an à Paris", complète Pierre Bonnouvrier, responsable communication chez Silkhom.

A noter que le poste d'énergie manager n'est pas totalement nouveau, il existe depuis une vingtaine d'années. "On les appelait 'économes de flux'", raconte Baptiste Le Guen, ingénieur commercial au sein du groupe Altyn. Roxane Gautier est elle-même conseillère en énergie management depuis 2013 chez Ubigreen. Elle a pu observer l'évolution de la profession au fil des ans, avec l'introduction de capteurs et de logiciel. "Il nous fallait au départ récupérer les données manuellement", se rappelle-t-elle. "Auparavant, les compétences de l'énergie manager étaient proposées en option dans nos offres. Depuis la crise énergétique, il s'agit d'une demande spécifique des clients", constate de son côté Blaise Hamanaka.

De nouveaux sujets viennent encore étendre les compétences des énergie managers. "Les sujets RSE viennent s'ajouter à ceux déjà pris en charge, tout comme la maîtrise d'Ecowatt, une corde supplémentaire à l'arc de l'énergie manager", confie Blaise Hamanaka. Autre point à ajouter dans la fiche de poste : l'autoconsommation. "On va demander au professionnel de savoir monitorer le solaire et de mener des audits d'effacement des bâtiments", assure Baptiste Le Guen. Et Roxane Gautier de conclure : "La prochaine étape sera d'exploiter de l'IA dans le bâtiment. Le challenge sera d'utiliser au mieux les possibilités de la technologie pour gérer l'énergie de nos clients."