Avec les nouveaux besoins énergétiques, le tableau électrique entame sa transformation digitale
Le tableau électrique gagne en intelligence chez les constructeurs pour apporter aux clients des services pour la maîtrise de leurs consommations.
Le tableau électrique ne sera bientôt plus cet objet obscur caché au fond de votre placard. Les constructeurs innovent en réponse au contexte énergétique et intègrent du digital et de nouveaux services dans l'appareil pour en simplifier l'usage. "S'il y a eu dans le passé des évolutions liées notamment aux interrupteurs différentiels pour protéger contre les chocs électriques, on assiste aujourd'hui à une tendance d'innovation pour digitaliser l'appareil. Car entre la hausse des prix de l'énergie, l'électrification des usages portée par les véhicules électriques et l'essor des pompes à chaleur, il faut rendre visible et maîtriser les consommations électriques. Or, tout part du tableau, qui est le cœur électrique du logement", explique Olivier Rorive, responsable marketing & partenariats smart home France chez Schneider Electric, spécialiste de la gestion de l'énergie et des automatismes.
Pour résumer, si aujourd'hui le tableau électrique se compose d'interrupteurs et de disjoncteurs mécaniques, demain le numérique enrichira ces composants et des actions seront programmées automatiquement. C'est notamment le projet de la start-up niçoise Oghji. Cette dernière a conçu après cinq ans de développement un tableau électrique intégrant au maximum du numérique et de l'intelligence embarquée. Si certains composants restent mécaniques, les disjoncteurs n'apparaîtront plus. Les câbles devront être branchés à l'arrière du tableau et c'est par un écran numérique qu'il faudra configurer à quel équipement correspondent tels circuits et leur puissance.
Ce produit, qui répond aux normes de manière identique à un tableau électrique classique, sera commercialisé à partir de 2025. "Nous développons un écran pour servir d'interface avec l'habitant et afficher les consommations et les comparer au fil du temps et avec des foyers similaires. Des fonctionnalités d'économies d'énergie, des recommandations et des services associés seront aussi affichés", détaille Pierre Fourlinnie, fondateur d'Oghji. Par rapport aux offres concurrentes, le tableau électrique d'Oghji présente l'avantage d'avoir toutes les fonctionnalités intégrées, sans ajout de capteurs.
La flexibilité, un accélérateur d'innovation
Les innovations des acteurs sur le marché concernent principalement le pilotage des consommations. Schneider Electric notamment se concentre sur la gestion de l'énergie dans le logement et a développé pour cela des modules à brancher dans son tableau électrique avec l'application Wiser. Existent ceux pour la gestion du chauffage, des volets électriques et de l'éclairage, pour le contrôle de la charge du véhicule électrique depuis le début de l'année et pour le contrôle du ballon d'eau chaude. "On peut piloter ses consommations avec des objets connectés installés sur chaque appareil mais aussi directement dans le tableau électrique", indique Olivier Rorive. Un moyen de pallier à l'absence de gestionnaire d'énergie pour les Français qui n'en sont pas équipés.
Le contexte énergétique représente un accélérateur pour l'évolution des tableaux électriques. "Les onduleurs pour le photovoltaïque booste l'innovation du tableau électrique", souligne Georges Husni, head of business development Western Europe chez le cabinet de conseil spécialisé dans les marchés de la transition énergétique LCP Delta. Un avis partagé au sein du cabinet de conseil Niji : "Il faut s'attaquer à l'innovation sur le tableau électrique car ce dernier, en pilotant les appareils de la maison, est le moyen le plus simple d'assurer l'interopérabilité entre les appareils et la flexibilité selon la production verte", ajoute Florent Roulier, responsable innovation numérique. Seul bémol : l'interprétation des données. "Le plus important est le sous-comptage mais il faut pouvoir interpréter correctement les données et les utiliser. Si les habitants n'exploitent pas les informations, cela ne sert à rien. On a eu l'exemple avec les GTB : combien d'exploitants ont des relevés qu'ils ne consultent pas", observe Cyril Sailly, fondateur de l'entreprise d'efficacité énergétique Advizeo.
L'appareil, dans son rôle premier de sécurité électrique, va aller au-delà de la coupure de circuits. "On peut l'éteindre à une certaine distance. Il est possible d'assurer une maintenance prédictive pour anticiper les pannes ou avoir des informations sur les défauts électriques, un atout dans les résidences secondaires, et de recevoir des alertes pour intervenir au plus vite", précise Pierre Fourlinnie, fondateur d'Oghji.
La prochaine étape sera l'intégration de davantage d'intelligence artificielle dans le tableau électrique pour programmer des scénarios selon les habitudes des habitants. "Le temps de chauffe du ballon d'eau chaude sera programmé selon la consommation de chacun", précise Olivier Rorive, chez Schneider Electric. L'IA fait également partie de la roadmap de Oghji. L'enjeu reste le même : permettre au tableau électrique d'adapter la distribution électrique selon les pics de tension sur le réseau, sans impacter le confort dans l'habitat.