Consommation électrique : ne confondez plus effacement et délestage
Les termes d'effacement et de délestage sont de plus en plus utilisés depuis l'hiver dernier lorsqu'il est question de réaliser des économies d'électricité à grande échelle. Mais leur effet n'est pas le même. Décryptage.
Depuis le début de la crise énergétique l'hiver dernier, les acteurs de l'énergie et les fournisseurs de solution parlent de plus en plus d'effacement et de délestage. Ces deux notions sont bien connues dans l'industrie, mais elles tendent à se démocratiser et engendrent parfois quelques confusions. "On y recourt depuis des années, cela faisait partie du vocabulaire des spécialistes mais ces deux notions entrent désormais dans le quotidien du grand public", confirme Didier Metz, directeur général adjoint et directeur de la division chauffage-climatisation chez le fabricant Mitsubishi Electric en France. Et cette tendance est bien partie pour s'inscrire durablement dans les usages : "Avec nos modes de vie qui développent l'électrification des usages, notamment avec les véhicules électriques et les pompes à chaleur, on va avoir besoin d'effacement", analyse Olivier Rorive, responsable marketing & partenariats smart home France chez Schneider Electric, spécialiste de la gestion de l'énergie et des automatismes.
Le délestage, une solution radicale
Concrètement, le délestage est, comme l'explique Enedis, "une interruption volontaire et momentanée de la fourniture d'électricité sur une partie du réseau électrique". Le terme vient du vocabulaire maritime, le délestage désignant l'action de décharger du vaisseau l'amas de sable (le lest) déposé à fond de cale lui permettant de tenir en assiette sur l'eau. De point de vue du gestionnaire du réseau électrique, cela consiste à couper l'alimentation électrique d'un quartier ou d'une zone définie. Le délestage est au cœur de l'expérimentation que veut tester le gouvernement avec RTE, à partir des compteurs Linky d'Enedis, qui consiste à limiter la puissance électrique de 200 000 foyers. Si ces derniers la dépassent, leur compteur disjonctera et les équipements seront coupés de force.
"La sobriété ne doit pas être synonyme de privation"
Du point de vue d'une collectivité, le délestage est aussi utilisé pour faire des économies d'énergie. C'est par cette pratique que l'éclairage public est entièrement coupé la nuit. De leur côté, les particuliers aussi peuvent choisir de délester, en coupant manuellement dans leur tableau électrique un équipement qui consomme de l'énergie et dont ils n'ont pas besoin. Le gestionnaire d'énergie installé dans le tableau électrique permet par ailleurs de réduire la consommation électrique à l'approche de la limite de la puissance souscrite dans son contrat, en coupant automatiquement les équipements qui consomment trop afin d'éviter de dépasser la puissance, de devoir passer à un abonnement supérieur, donc plus onéreux.
Le délestage est considéré comme une pratique "radicale qui a un impact direct sur les gens et suscite des débats : quand on éteint l'éclairage public par exemple, ce dernier ne remplit plus sa mission de service public", souligne Antoine Kassis, partner et CEO de Kurrant, cabinet de conseil spécialisé dans la digitalisation des villes et des utilities. C'est pour pallier cette contrainte que l'effacement est privilégié. "La sobriété ne doit pas être synonyme de privation", abonde Myriam Bruet, directrice générale de Tiko Services, filiale d'Engie. Les offres se multiplient sur le marché, et "certains acteurs font mention auprès du grand public de pilotage intelligent des consommations pour simplifier la compréhension et éviter les confusions", précise Mathieu Bineau, CEO de Voltalis.
L'effacement une solution plus douce
L'effacement correspond à une réduction des consommations aux moments de tension sur le réseau électrique. "L'effacement a pour bénéfice d'éviter de démarrer des centrales thermiques ou à charbon, ou d'importer de l'électricité de chez nos voisins, ou de devoir effectuer des coupures ponctuelles", met en avant Myriam Bruet, chez Tiko Services. Acteurs phares de l'effacement, Voltalis et Tiko Services proposent tout deux gratuitement aux consommateurs leurs thermostats connectés en échange de pouvoir abaisser la température d'un degré environ en cas de besoin. "Un tiers des Français se chauffent à l'électrique. Cet effacement des radiateurs, réalisé de manière massif, représente 40% de la consommation, c'est le premier poste à traiter pour soulager le réseau électrique en étant imperceptible par les Français", détaille Mathieu Bineau. "Ce critère indolore ne peut pas s'appliquer à une télévision, à un réfrigérateur ou à une climatisation, pour lesquels les Français s'en rendraient immédiatement compte si on agissait sur leurs équipements", ajoute Myriam Bruet.
"Ce n'est pas parce que l'on possède un thermostat connecté que son radiateur est capable d'effectuer de l'effacement"
Dans son mode opératoire, l'effacement s'effectue par un équipement spécifique, un actionneur qui reçoit le signal de l'opérateur agréé. Par exemple, Schneider Electric avec notamment son offre Wiser ou Mitsubishi avec ses pompes à chaleur développent la capacité de faire de l'effacement. "Mais il faut ensuite qu'un acteur agréé lui envoie le signal pour l'activer. Ce n'est pas parce que l'on possède un thermostat connecté que son radiateur est capable d'effectuer de l'effacement", met en garde Mathieu Bineau, CEO de Voltalis. Sur le marché français, il n'y a que seize entreprises agréées par RTE pour pouvoir effectuer de l'effacement (retrouvez la liste ici, ndlr).
La tendance à l'effacement sur le marché mène divers acteurs à nouer des partenariats. D'où l'association de Netatmo avec la start-up grenobloise Survoltage, agréée par RTE, pour éteindre leurs appareils à partir des équipements Legrand with Netatmo (tels que la sortie de câble connectée Céliane with Netatmo, le contacteur Drivia with Netatmo ou encore la prise mobile connectée Céliane with Netatmo) quand le réseau est en tension. "Lorsqu'Ecowatt est au rouge, Survoltage envoie une alerte aux consommateurs qui ont souscrit à leur offre pour les prévenir de décaler leurs consommations dans le temps, s'ils le souhaitent", précise Solène Vienne, responsable marketing et des partenariats chez Netatmo avant de conclure : "Cette automatisation renforce le rôle de l'IoT dans la gestion énergétique de la maison."