Le boom de la vidéoprotection  : une révolution technologique et sociétale

Boostée par l'IA, la vidéoprotection séduit pros et particuliers. Utile mais intrusive, elle soulève des enjeux éthiques, de cybersécurité et de souveraineté à encadrer d'urgence.

Longtemps limitée aux infrastructures sensibles, la vidéoprotection  est désormais omniprésente, y compris chez les particuliers. Désormais soutenue par l’Intelligence Artificielle et l’Internet des Objets, comment cette technologie s’est-elle démocratisée et pourquoi est-elle au cœur des enjeux actuels en matière de sécurité et de protection de la vie privée ?

Les innovations technologiques au service de la sécurité

En 2024, la taille du marché mondial des systèmes de vidéoprotection  était de 81,68 milliards USD. Elle devrait atteindre 145,38 milliards USD d’ici 2029, avec une croissance estimée de 12,22 % sur cette période (1). Ce succès a été favorisé par des progrès technologiques constants. En effet, aujourd’hui, grâce à l’IA, les caméras numériques sont devenues de véritables outils intelligents, bien plus performantes que les premiers modèles analogiques. Elles n’ont pas leur pareil pour analyser les comportements, reconnaître les visages et même détecter les anomalies, comme des flammes ou des élévations de température, et prévenir des incendies. Les géants du secteur, tels que Hikvision, Dahua Technology et Axis Communications, ont révolutionné ce secteur en intégrant des technologies embarquées avec deux atouts clés : une image ultra-nette et un accès distant aux données. L’efficacité est au rendez-vous : couplée à l’IA, ces technologies ont généré une diminution des pertes liées au vol de l'ordre de 60 % (2). 

L’accessibilité financière, un facteur clé

Plus qu’un simple outil de sécurité, la vidéoprotection est devenue un levier d’efficacité pour les entreprises. Dans le commerce de détail, par exemple, les analyses vidéo constituent des outils précieux pour décrypter les comportements des consommateurs et affiner l’aménagement des points de vente. Ce double usage sécuritaire et opérationnel est la clé du succès de ces technologies. Ce qui était auparavant un luxe est aujourd’hui à la portée de tous : le coût d’une caméra est passé de 500 USD en 2005 à 50-120 USD en moins de 20 ans. Il ne manquait plus que l’émergence de systèmes plug-and-play pour que la vidéoprotection  se généralise dans nos foyers. 

Des particuliers séduits par ces technologies

Face à l’augmentation des cambriolages (+6 % en France en 2022) et au sentiment d’insécurité, la sécurisation des domiciles est devenue une priorité (3). Elle a été facilitée par des systèmes connectés, pilotables depuis un smartphone et qui offrent un contrôle en temps réel, rendant ces solutions à la fois pratiques et rassurantes. Par exemple, couplées à des technologies d’IA, les caméras extérieures permettent de fiabiliser la détection et d’éviter les fausses alertes (chiens, chats, ballons, intempéries…). Avec l’ajout de la télésurveillance vidéo, ces solutions vont encore plus loin en définissant un périmètre et en assurant la dissuasion et la prévention de l’intrusion sur cette zone prédéfinie (annonce vocale automatique en cas d’intrusion, intervention humaine depuis un centre de télésurveillance alertant l’intrus…). Les fournisseurs ont joué un rôle clé dans cette transition en adaptant leurs produits au grand public. Des acteurs comme Ring ou Nest ont conçu des solutions simplifiées, répondant aux attentes des particuliers en matière de design, de connectivité et de coût. Parallèlement, des offres « packagées » accessibles par abonnement et combinant caméras et systèmes d’alarme, comme celles proposées par Verisure, ont renforcé l’attrait pour ces technologies.

Une tendance forte et un devoir de vigilance

La vidéoprotection est de plus en plus intégrée au sein des infrastructures publiques. Les smart cities, par exemple, ont été pionnières dans l’utilisation de systèmes avancés. Ces derniers sont essentiels pour surveiller les flux de transport, prévenir les accidents ou encore optimiser la gestion des espaces urbains. Grâce à la reconnaissance de plaques d’immatriculation, des technologies émergentes, comme l’IA prédictive, permettent désormais de détecter des comportements suspects ou de contrôler des accès. Ces innovations ouvrent la voie à des applications variées, de la gestion des parkings à la prévention des incendies. La révolution de la vidéoprotection  illustre la manière dont une technologie, autrefois réservée à de grands groupes, s’est démocratisée, reflétant l’évolution de notre rapport à la sécurité et au contrôle. Pourtant, si ses bénéfices sont indéniables, son développement sans garde-fous pourrait rapidement devenir une menace. 

Des défis éthiques et sécuritaires 

En effet, les données collectées par ces caméras connectées, qui proviennent souvent d’Asie du Sud-Est, sont généralement stockées sur des serveurs étrangers. Vendues en ligne et souvent peu sécurisées, elles constituent des cibles privilégiées pour les cyberattaques. C’est la raison pour laquelle elles échappent également parfois aux normes strictes du RGPD, créant des risques pour la vie privée. Pour garantir une utilisation éthique des données et protéger les libertés individuelles, les entreprises et les organisations doivent absolument s’assurer de la conformité de ces solutions aux divers règlements sur les données et sur l’IA. Pour répondre à ces enjeux, une filière française de caméras vidéo et de systèmes d’alarme pourrait être une solution stratégique. Cette initiative permettrait de garantir la conformité aux réglementations sur la sécurité des données et de renforcer la cybersécurité grâce à des solutions développées localement. De plus, elle offrirait des bénéfices économiques majeurs, en stimulant les écosystèmes d’innovation et en créant des emplois. Un tel projet renforcerait également l’indépendance technologique de la France et de l’Europe face aux géants étrangers, tout en répondant aux attentes croissantes des consommateurs en matière de transparence et de protection des données.

Désormais, la question n’est plus de savoir si les technologies de vidéoprotection  sont efficaces, mais comment les encadrer pour éviter tout dérapage. Face à ces enjeux, il revient aux acteurs du secteur de bâtir une industrie de la vidéoprotection  sécurisée, respectueuse des lois et règlements en vigueur et adaptée à une société toujours plus connectée.

1. Mordor Research :  : https://www.mordorintelligence.com/fr/industry-reports/video-surveillance-systems-market

2.    https://www.brinks.lu/fr/securite-pour-professionnels/brinks-loss-prevention

3. Ministère de l’Intérieur français : Statistiques sur les cambriolages en 2022. Source

4. National Association for Shoplifting Prevention  https://www.shopliftingprevention.org/