Vous ne mangerez plus jamais vos corn flakes de la même manière après avoir lu cet article

Vous ne mangerez plus jamais vos corn flakes de la même manière après avoir lu cet article L'histoire des célèbres pétales de maïs cache une origine bien moins innocente qu'il n'y paraît. Derrière le petit-déjeuner le plus populaire au monde, une croisade morale et médicale s'est jouée.

Tout le monde n'en mange pas, mais tout le monde les connaît. Mais rares sont ceux qui soupçonnent la véritable histoire tapie derrière l'emballage coloré et le sourire rassurant du coq emblématique des corn flakes. L'invention de ce produit, loin d'être guidée par le seul plaisir du goût ou le souci de la nutrition, a été marquée par une vision médicale et morale d'une rigueur extrême, presque inconcevable aujourd'hui.

C'est dans l'Amérique puritaine et obsédée par la santé de la fin du XIXe siècle que le destin des corn flakes se dessine. A Battle Creek, dans le Michigan, le docteur John Harvey Kellogg dirige un sanatorium réputé pour ses méthodes hygiénistes et ses cures alimentaires. Pour Kellogg, médecin mais aussi fervent adventiste du septième jour, le corps et l'âme sont étroitement liés, et la nourriture doit être aussi pure que l'esprit. A cette époque, de nombreux médecins américains croient que l'alimentation influence non seulement la santé physique, mais aussi le comportement moral.

Kellogg est obsédé par la prévention de ce qu'il considère comme des maux sociaux, au premier rang desquels figure la masturbation, alors vue par certains comme une menace pour la santé et la morale. Convaincu que les plats épicés ou trop savoureux excitent les sens et favorisent les "vices solitaires", il impose à ses patients une diète végétarienne, fade, sans sucre ni aromates. Son frère, Will Keith Kellogg, participe à la gestion du sanatorium et partage l'expérience des cuisines.

C'est dans ce contexte que naît, presque par hasard, la recette des corn flakes : un matin, du blé cuit oublié toute une nuit se transforme en pâte sèche, que les frères étalent et passent au rouleau. Les "flocons" ainsi obtenus sont toastés au four, donnant naissance à un aliment croustillant, neutre et facile à digérer.

Leur invention connaît un succès immédiat parmi les pensionnaires du sanatorium, séduits par l'aspect pratique et la nouveauté de ces flocons. Mais John Harvey Kellogg refuse d'ajouter du sucre ou d'autres ingrédients susceptibles de rendre les céréales plus appétissantes, fidèle à ses convictions : il faut combattre les pulsions par la tempérance alimentaire. Will Keith, flairant un potentiel commercial inédit, s'oppose à son frère et lance sa propre version sucrée des corn flakes, bientôt industrialisée et diffusée à grande échelle. Les deux hommes se brouillent définitivement, scindant à jamais la famille Kellogg et l'histoire de la marque.

A la lumière de sources universitaires et des archives de la Kellogg Company, l'origine des corn flakes apparaît donc comme le produit d'une époque, celle où la médecine flirtait avec la morale et où l'alimentation se voulait un rempart contre les "dérèglements" du corps. Loin d'être un simple plaisir du matin, le bol de corn flakes est d'abord une arme dans la lutte contre la masturbation, selon les propres mots du docteur Kellogg, cités dans ses nombreux ouvrages et correspondances. Sa croisade contre les plaisirs solitaires et sa volonté de purifier l'âme par la fadeur du goût ont profondément marqué la naissance d'un produit aujourd'hui universel.