Le patron envoie un courrier à l'agent d'entretien, il risque des milliers d'euros de dommages et intérêts
Où se trouve la limite entre une sanction et un simple rappel à l'ordre ? Sachez que la réponse à cette question n'est simple pour personne, pas même pour les entreprises. Lorsque les mises en garde sont trop virulentes, elles peuvent être requalifiées en sanction. Et les salariés peuvent y gagner gros. Dans cette affaire, démarrée il y a plus de 10 ans, il est question d'une employée dans le secteur de la propreté. Le 16 septembre 2014, elle reçoit un courrier de son employeur qui la blâme pour de nombreuses erreurs.
"L'employeur lui reprochait de ne pas respecter les plannings, de ne pas inscrire son nom après ses passages dans les locaux ou encore de ne pas utiliser son badge. Il a également précisé que le non-respect de ces obligations pouvait faire l'objet d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement", explique Anthony Coursaget, avocat en droit social. Les reproches sont envoyés par courrier.
La salariée conteste fermement ce rappel à l'ordre, estimant qu'il s'agit d'une sanction disciplinaire qu'elle juge abusive. "Elle considérait également qu'elle était harcelée au travail et que cette sanction en était une manifestation", ajoute l'avocat. Plusieurs rapports réalisés par le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) concluent finalement qu'elle n'est pas harcelée. Reste à juger si ce courrier est une mise en garde ou une sanction déguisée.

Cette distinction est importante. "L'employeur a un pouvoir disciplinaire pour sanctionner ses salariés sur certaines actions. Si ce rappel à l'ordre est considéré comme une sanction, il aura épuisé ce pouvoir et ne pourra pas la sanctionner de nouveau. Il devra attendre qu'elle commette d'autres actions répréhensibles", décrit Anthony Coursaget.
Le 27 octobre 2021, la cour d'appel de Montpellier affirme qu'il s'agit d'une mise en garde, donnant ainsi raison à l'employeur. La salariée forme alors un pourvoi en Cassation… et gagne. Le 1er octobre 2025, la Cour de cassation casse et annule la décision initiale et juge que ce courrier constitue une sanction de la part de l'employeur. Mais sur quels critères ?
"Elle a considéré que les reproches et la menace de sanction de l'employeur caractérisait une volonté de la sanctionner. La limite est fine mais on identifie plusieurs indices : d'abord la remontrance est à l'écrit et il y a des faits reprochés. Il y a une différence entre rappeler une règle à quelqu'un et lui lister les fois où il ne l'a pas respectée", analyse Anthony Coursaget.
L'affaire est désormais renvoyée devant la cour d'appel de Nîmes qui devra juger si cette sanction est abusive ou non. Si elle considère que c'est le cas, l'employeur pourrait être condamné à payer des dommages et intérêts à sa salariée. Le montant pourrait alors s'élever à plusieurs mois de salaire selon le préjudice retenu. De quoi relire plusieurs fois les prochains courriers avant les envoyer.