La numérisation, un gisement de valeur a portée de main
Les métiers du chiffre et du droit seront numériques ou ne seront pas. Tel est le constat auquel sont arrivés ces professions intellectuelles face au séisme numérique provoqué par de nouveaux entrants sur le marché.
Les professions réglementées du chiffre et du droit présentent des caractéristiques spécifiques, pas assez toutefois pour leur éviter la confrontation avec la transformation numérique qui bouleverse leur marché.
L’évolution des entreprises vers le numérique ne se limite pas à l’adoption massive de hautes technologies ni à la digitalisation des processus. Elle remet en question l’ensemble de la chaîne de valeur et des organisations. C’est donc une mutation globale qui s’opère au sein des services avec pour préoccupation centrale, le besoin client.
Une synchronisation des informations qui répond aux besoins d'instantanéité et d'autonomie du client
Les professions intellectuelles se sont longtemps senties préservées des évolutions technologiques. La confrontation est d’autant plus violente que peu y étaient préparés. Pourtant, face à de nouveaux acteurs particulièrement agiles s’appuyant sur les outils numériques et des pratiques commerciales agressives, la riposte s’organise.
Le sujet n’est plus de savoir s’il faut numériser mais comment gérer et utiliser efficacement la quantité exponentielle de données accessibles. Pour y répondre, la technologie se double aujourd’hui d’outils d’analyse qui de surcroit génèrent de nouvelles attentes des clients. A l’impact quantitatif, le développement fulgurant d'applications à visée analytique (datamining, Business Intelligence, automatisation de process) ajoute un choc qualitatif qui redéfinie la notion même de conseil.
C’est sur ce terrain que l’enjeu se situe. La transformation digitale n’est plus un élément distinctif mais une question de survie.
Le premier bénéfice client est la synchronisation des informations auxquelles il accède désormais selon ses besoins, indépendamment de la disponibilité de l’entreprise à les communiquer. Leur libre accès dans un espace numérique dédié mis à jour en temps réel fluidifie et réduit le coût des transactions. Encore faut-il qu’elles répondent aux attentes et soient présentées sous un format exploitable.
Certaines professions l’ont bien compris. Les Conseils en Propriété Industrielle (PI) ont élaboré une norme française (NF X50-276) destinée à favoriser les échanges électroniques de données relatives aux droits de propriété intellectuelle. Leur standardisation entre les différents acteurs : Offices de PI, éditeurs de logiciel, Industriels et cabinets de PI simplifie le transfert de portefeuilles d’actifs et la synchronisation de l’ensemble des données. Une fois implémentée dans le progiciel métier, le client 2.0 accède directement à l’intégralité de son portefeuille de Brevets, Marques, Dessins et Modèles etc. et aux documents associés (contrats, devis, factures, contentieux...).
Développer l'autonomie du client tout en conservant la relation
Cette avancée était d’autant plus nécessaire que le constat sur l’état de la digitalisation des Cabinets de PI est sévère mais caractéristique d’un écosystème morcelé en une multitude de petites structures ayant leur propre organisation. Peu ou pas interfacés ni automatisés, ces systèmes d’information se trouve limités par les ressources à y consacrer quand les legaltech lèvent des fonds par centaines de millions.
C’est une des fragilités de ces professions face à des modèle économique basés sur une numérisation massive et la capacité à valoriser les données. Déjà présentes sur le marché de l'intermédiation des professions juridiques, les legaltech investissement désormais le domaine de la PI.
Le discours de ces nouveaux entrants est d’autant plus attractif qu’il repose sur la double promesse de prix bas et d’un pilotage gestion simplifiée des besoins via un interlocuteur unique. Derrière l’apparence d’une plateforme d’aide à la mise en relation, la proposition évolue rapidement vers la prise en charge de la sélection et du pilotage d’un réseau de professionnels.
Qu’on ne se trompe pas, si cette offre est tentante pour le client, elle peut aussi l’être pour le professionnel qui voit dans ces réseaux la garantie d’un certain flux d’activité. C’est le piège de l’uberisation. Ce n’est qu’une fois intégré qu’il réalise qu’en fait de partenaire, il n’est qu’un fournisseur d’une plateforme qui lui impose ses tarifs avec d’autant plus de facilité que l’opérateur dispose des données des deux parties dont il connait à la fois les besoins et les prix de revient. La plateforme devient alors un écran opaque entre le professionnel et son client avec lequel tout lien est définitivement rompu.
Le développement d'un écosystème digitalisé centre sur le besoin client
Les professions du chiffre et du droit auraient cependant tort de sous-estimer les bénéfices de la digitalisation.
La dématérialisation de l'ensemble des flux nécessite de repenser l’ensemble des processus internes. Le temps gagné par l’automatisation des tâches basiques et répétitives réduit d’autant les coûts opérationnels. Pour les cabinets de PI, cette transformation est indispensable dans la guerre des prix qui se joue sur les opérations administratives.
La synchronisation des données est autant une richesse pour l’entreprise que pour le client.
Exploitées efficacement à des fins stratégiques, elles offrent une vision approfondie du marché et des clients, et constituent l’opportunité de développer de nouveaux services à valeur ajoutée.
Dans une transformation numérique globale tournée vers l’amélioration de la performance sous tendus par de nouveaux modèles d’affaire, le client peut être réduit au rôle d’utilisateur d’un système digitalisé. Le passage du physique au digital ne doit pas créer de rupture de la relation client.
Cette relation est en effet fragilisée dès lors que le libre accès aux informations réduit les motifs d’interactions. De l’équilibre entre efficacité numériques et interaction humaine dépend la fidélisation durable du client dans un modèle « phygital ». L’identification au sein d’un parcours client de points de contact pertinents seront autant d’occasions de redéfinir ses besoins et de réajuster les propositions.