Alain Bosetti (Salon des micro-entreprises) "Expérimentons la suppression des seuils sociaux pendant 24 mois"

Entre impact du chômage et évolutions législatives, l'environnement des TPE est en pleine mutation, explique le président du salon des micro-entreprise.

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Alain Bosetti. © Salon des micro-entreprises

JDN. Le nombre de créations d'entreprise augmente parallèlement au nombre de chômeurs. A quel point ces évolutions sont-elles liées ?

Alain Bosetti. On ne peut pas déduire de corrélation entre la courbe du chômage et celle de la création d'entreprise. Ce sont plutôt des événements politiques et économiques qui expliquent la hausse de la création d'entreprise ces dernières années. En 2003, la loi Dutreil sur l'initiative économique, qui crée la SARL à un euro, a fait passer le nombre de créations de 200 000 à 300 000, sans que le chômage augmente simultanément d'un tiers. Ensuite, le statut de l'auto-entrepreneur de 2009 a permis de monter à 550 000 créations par an. L'augmentation du nombre de création d'entreprise ne reflète pas la hausse du chômage.

"Un tiers des créateurs d'entreprise était précédemment au chômage"

Pourtant, de nombreux demandeurs d'emploi cherchent à créer leur entreprise. Cela ne crée-t-il pas des entrepreneurs par défaut ?

Aujourd'hui, un tiers des créateurs d'entreprise était précédemment au chômage. Et, parmi ces chômeurs, les deux tiers l'étaient de longue durée. Pour eux, la création d'entreprise est donc bien un moyen de sortir de la spirale du chômage. Cependant, quand on interroge les micro-entrepreneurs, 70 à 80% d'entre eux se déclarent heureux et ne souhaitent pas revenir au salariat, une proportion qui varie peu selon les années. C'est donc avant tout l'assouplissement législatif qui explique que de plus en plus de demandeurs d'emploi deviennent entrepreneurs. Lever les freins qui existaient avant -capital social, fiscalité, comptabilité...- a permis d'emmener vers l'entrepreneuriat des centaines de milliers de personnes qui, sinon, ne seraient pas passées à l'action. Mais cela ne crée pas d'entrepreneurs par défaut, non.

Les défaillances sont de plus en plus nombreuses chez les micro-entreprises. Pourquoi sont-elles plus exposées que les autres ?

Cela s'explique d'abord par le manque de fonds propres. Lorsque l'on crée une entreprise avec 1 euro, on dispose de peu de réserves en cas de difficultés. L'autre facteur, ce sont les ressources en personnel. Lorsqu'il est seul, un entrepreneur en difficultés peut ne pas se payer pendant plusieurs mois, serrer les vis en attendant une amélioration. Dès qu'il compte un ou deux salariés, et donc des locaux, les charges fixes augmentent fortement.

"Lorsque l'on crée une entreprise avec 1 euro, on dispose de peu de réserves en cas de difficultés"

La multiplication des auto-entrepreneurs a-t-elle changé le visage des micro-entreprises en général ?

Aujourd'hui, un créateur d'entreprise sur deux est auto-entrepreneur. Et, pour plus de la moitié d'entre eux, ce n'est pas une activité principale : ils sont étudiants, salariés, fonctionnaires, retraités... Par ailleurs, par nature, ce sont des activités peu capitalistiques ce qui concerne en premier lieu les services, souvent réalisés depuis le domicile. C'est un phénomène qui accompagne une évolution de la société.

Pour l'édition 2014 du salon, vous organisez pour la première fois une journée dédiée aux freelances et consultants indépendants. Constituent-ils une nouvelle population d'entrepreneurs ?

Les consultants indépendants et les freelances viennent déjà nombreux au salon et les acteurs leaders du portage salarial sont eux aussi présents depuis des années. Nous présentons désormais une offre à destinations d'une population qui n'était jusqu'à présent pas nommée. Ce sont généralement des personnes âgées de 45-50 ans, que les grandes entreprises ne savent plus garder. Selon une étude de l'Adie, les seniors de 50 à 65 ans représentent aujourd'hui 23% des créateurs d'entreprise contre 15% en 1996.

"Les entreprises créées par des femmes sont plus pérennes, mais elles se développent moins vite"

Les femmes représentent aujourd'hui 32% des entrepreneurs et vous leur consacrez à elles aussi une journée. Existe-t-il vraiment des différences entre entrepreneuriat au féminin et au masculin ?

La motivation des femmes est bien souvent une volonté d'indépendance qui leur permet de mieux gérer leurs deux vies, personnelle et professionnelle. Selon une étude de la Caisse d'épargne, 38% des créatrices affirment souffrir des contraintes horaires et de présence, contre seulement 29% des hommes. Elles considèrent donc bien cette conciliation entre vie pro et vie perso comme un obstacle. Par ailleurs, les entreprises créées par des femmes sont plus pérennes, mais elles se développent moins vite, comme si les femmes avaient une plus forte aversion aux risques.

Pendant plusieurs années, artisans et auto-entrepreneurs se sont affrontés. Selon vous, la loi Pinel constitue-t-elle un bon compromis ?

Je tiens à rendre hommage à Laurent Granguillaume, qui a su écouter et se faire entendre. Si quelqu'un a résolu ce conflit, c'est bien lui. Quant à cette loi, il suffit de lire des réactions des deux parties pour comprendre qu'elle apaise les tensions sur les questions de concurrence déloyale.

"Je m'étonne que 3 millions d'entreprises ne soient représentées que par un secrétariat d'Etat"

Les seuils sociaux sont accusés par le patronat de limiter les embauches. Selon vous, freinent-ils la croissance des micro-entreprises ?

Quand une entreprise à des clients solides, elle ne refuse pas d'embaucher pour ne pas avoir de délégué du personnel. Mais si cela reste fragile, elle va peut-être attendre, rester en dessous des 11 salariés, préférer passer par de la sous-traitance... Je pense qu'il faudrait expérimenter pendant 24 mois la suppression des passages de seuils, avec la garantie pour les entreprises qui les franchissent dans ce laps de temps de ne pas être rattrapées par les obligations au bout de deux ans. Cela ne sert à rien de se bagarrer sur ce thème sans connaître les conséquences d'une telle mesure sur l'emploi : il y a une différence entre les déclarations et les comportements.

Le gouvernement a connu un nouveau remaniement et les petites entreprises restent représentées par un secrétariat d'Etat. Regrettez-vous l'absence d'un ministère de plein exercice ?

Je ne représente pas un syndicat professionnel, mais je m'étonne que 3 millions d'entreprises en France représentant un tiers des salariés ne soient représentées que par un secrétariat d'Etat. C'est un signe que l'on envoie à ces entrepreneurs qui mériteraient pourtant un ministre de plein exercice. Symboliquement, c'est très important.

Le salon des micro-entreprise, dont le JDN est partenaire, se tient les 30 septembre, 1er et 2 octobre 2014 à Paris, au Palais des congrès. Pendant ces trois jours, des centaines d'experts partagent leur expérience, 220 conférences sont organisées et 200 exposants présentent leurs offres.  Demandez ici votre entrée gratuite .