Six étudiants qui ont tiré profit de la crise sanitaire
Alors que les mesures restrictives se durcissent, ces success stories ont de quoi redonner le sourire. Le JDN brosse le portrait de six jeunes parvenus à tirer le meilleur d'une période difficile.
Certes, la crise est dure à vivre pour de nombreux étudiants. Mais elle n'a pas empêché certains de persévérer dans leurs projets et de rebondir. Cette situation particulière a même permis à une poignée d'entre eux de se lancer. Le JDN a rencontré six étudiants aux profils variés qui donnent une belle leçon à tous ceux qui doutaient encore de la force de caractère des jeunes Français. Portraits de ces jeunes qui ont réussi à tirer profit de la crise sanitaire.
Ophélie Jaret veut vous faire sourire aux inconnus
Diplômée de l'Ecole de design Nantes Atlantique en 2019, Ophélie Jaret a imaginé Smile in the Light en projet de fin d'études. L'idée : créer de l'interaction sociale aux arrêts de tram. Partant du constat de l'insécurité, "surtout la nuit lorsque l'on attend longtemps", Ophélie nourrissait l'idée de projeter le soir, sur les quais du tramway, des jeux interactifs inspirés des jeux d'arcade des années 70 et 80. La crise donne une impulsion nouvelle à son projet, le besoin de créer du lien social étant désormais un enjeu crucial. "Il y a une réelle envie des acteurs de la collectivité, mais aussi des secteurs privés, qui ressentent ce manque de contact", commente Ophélie. Secteur événementiel, espaces d'entreprise, aéroports, gares, places municipales… Plusieurs opportunités s'ouvrent à la jeune diplômée, qui se définit comme une designer d'interactivité et a reçu plusieurs propositions, dont elle ne souhaite pas encore communiquer la provenance. Elle travaille aujourd'hui sur son premier prototype avec l'aide de la structure 1Kubator, qu'elle a intégrée à Nantes en janvier 2021. Le programme dure dix mois et lui permet d'être suivie d'un point de vue juridique et administratif. L'objectif est de développer un premier dispositif pour cet été dans les grandes villes de l'Hexagone. D'ici là, révisez vos stratégies Tetris.
Hugo Dupuis a mis au point une alternative à la viande
Pendant le premier confinement, alors qu'il était en dernière année à AgroParisTech, Hugo Dupuis tombe sur une annonce de recherche d'associé sur le réseau social de l'école. Deux jeunes diplômés cherchent à lancer une alternative à la viande. Après quelques échanges de mails, Hugo les rejoint pour apporter son expertise dans le développement de produits alimentaires. "Sur le marché des imitations végétales à la viande, explique l'ingénieur, il y a deux grosses problématiques : les produits ont du mal à imiter la texture, notamment les fibres de la viande, et ils sont perçus comme ultra transformés." Pour pallier ce défaut, l'étudiant et ses camarades développent une nouvelle technologie à base d'ingrédients naturels et créent Umiami en mai 2020. Sur Linkedin, ils approchent chercheurs et entrepreneurs, que la crise sanitaire a rendu "beaucoup plus disponibles", se réjouit le jeune ingénieur. "Ces contacts nous ont donné des conseils précieux." Autre avantage de la période : "Le Covid-19 a pu ralentir certains grands groupes. Cela a créé l'opportunité, pour les start-up, de prendre une longueur d'avance", pense Hugo. Son équipe commence rapidement à commercialiser une première gamme de produits à destination des restaurants. Les retours sont très positifs. Mais fin octobre, le gouvernement annonce la fermeture des restaurants. Même si certains continuent à proposer de la vente à emporter, "ils ont d'autres priorités que de chercher à innover". Qu'à cela ne tienne : Umiami décide de vendre ses produits en marque blanche. Leur premier produit, des nuggets à base de plantes qui imitent le goût, la texture et l'odeur de la viande de poulet, attend désormais preneurs.
Soraya Ouzineb, cheffe à domicile
Soraya Ouzineb avait déjà pour projet de monter une activité de chef à domicile avant la crise. Après un CAP Cuisine, il lui manquait la théorie – elle s'inscrit donc en Bac Pro commerce en 2018 – et l'occasion de se lancer. "Il y avait trop de concurrents, trop de propositions", avait-t-elle conclu après plusieurs études de marché. Et puis le confinement tombe. "Autour de chez moi, peu de restaurants proposaient du click and collect à part les fast-foods", explique l'étudiante, originaire de l'agglomération bordelaise. Soraya lance VanilleTonka en avril 2020. Elle commence à distribuer des flyers, dans la boulangerie-pâtisserie dans laquelle elle est en alternance et dans la rue, et profite alors d'une visibilité inespérée avant la crise. Elle se fait également connaître avec des prestations de petits échantillons et sur les réseaux sociaux. L'étudiante prépare seule menus gastronomiques, buffets de pâtisseries et apéros dinatoires à base de produits frais et de saison. "Tout est personnalisé. Tant que c'est des produits que je peux me procurer, tout est faisable." L'étudiante, qui honore actuellement cinq commandes par semaine, prévoit "une plus grande zone d'action" à la fin de son alternance. "J'envisage, à ce moment-là, de faire appel à une entreprise qui me permettra d'accroître ma présence et mon référencement." Elle réfléchit aussi à la location d'un local, puisqu'elle travaille pour le moment sans réserve. Soraya projette de s'inscrire en Bachelor en marketing à la rentrée 2021 et prévoit de continuer son activité en parallèle de ses études.
Alexandros Sidiras Galante développe une app pour communiquer en images
Alexandros Sidiras Galante, étudiant à l'Insa Lyon, a souhaité créer un outil pour aider son petit frère Pablo, atteint de trisomie 21, qui ne peut ni parler, ni écrire. "Mon frère avait un classeur avec 500 pictogrammes que ma mère avait découpés un par un. C'était une organisation monstre et ça engendrait beaucoup de frustrations", raconte-t-il. Pendant le confinement, l'ingénieur en herbe développe Pictalk, application gratuite et entièrement personnalisable, sur laquelle il est possible de télécharger autant de pictogrammes et photos que l'on souhaite, pour parler avec les images. L'application permet en plus de construire des phrases puis de les faire lire par l'assistant vocal du téléphone. Il est aussi possible de copier-coller ces phrases pour envoyer un SMS. L'application est en open source et l'étudiant souhaite qu'elle reste gratuite. Un problème subsiste : il n'existe actuellement pas de pictogrammes libres de droit. L'ingénieur voudrait acheter des droits ou collaborer avec un graphic designer pour en créer de nouveaux. "Après 14 années de mutisme, Pablo s'était un peu replié sur lui-même." Mais l'application a réussi à lui redonner le goût de la communication. "Grâce à Pictalk, il a pu se rendre à la boulangerie et passer commande en autonomie avec l'assistant vocal. Avant, son éducatrice devait traduire", explique l'étudiant. Alexandros souhaite continuer à améliorer l'application sur son temps libre et a déjà une nouvelle idée : Pictime, un agenda en ligne avec des pictogrammes. Du côté de son frère, "l'objectif est déjà atteint, le reste sera du bonus", reconnaît l'étudiant.
Noëmie Alexandre aide les galeristes dans leur communication digitale
Titulaire d'un DUT en métiers du multimédia et de l'Internet et d'une Licence d'Informatique obtenue en 2019, Noëmie Alexandre s'est ensuite tournée vers des études d'art à la Sorbonne. Pendant le deuxième confinement, alors qu'elle est community manager stagiaire dans une association qui regroupe des galeries d'art, plusieurs galeristes lui font part de leur besoin en solution de communication. "La situation sanitaire a poussé les galeries d'art à investir dans de nouveaux outils de communication", analyse-t-elle. Facebook et Instagram, notamment, ont permis de créer de nouvelles vitrines digitales qui permettent de toucher un plus large public." D'autant plus avec la nouvelle fonctionnalité Shopping sur Instagram : "Les galeristes peuvent dématérialiser leurs galeries et passer totalement en virtuel". Sa double compétence, digitale et artistique, lui permet d'accompagner les galeries qui souhaitent se lancer sur les réseaux sociaux, mais aussi de créer affiches, cartes postales et catalogues d'exposition. Grâce à son stage, Noëmie a rempli son carnet de contacts. Déclarée auto-entrepreneur en novembre 2020, elle réalise entre trois et cinq commandes par mois en fonction du temps qu'elle peut y consacrer. Pour l'étudiante en art qui apprécie "d'avoir un objectif dans la journée autre que de suivre des cours sur zoom", c'est une forme d'accomplissement personnel. Elle se voit, à terme, "pourquoi pas monter une agence de communication".
Théo Chaudet donne la parole aux jeunes entrepreneurs
Etudiant en licence de cinéma à la Sorbonne, Théo Chaudet avait pour projet en 2020 de créer une plateforme proposant une formation audiovisuelle ainsi qu'une mise en relation entre jeunes réalisateurs et jeunes producteurs. Au cours du deuxième confinement, alors qu'il a le statut d'étudiant entrepreneur, il écoute beaucoup de podcasts et un ras le bol des préjugés sur les étudiants le pousse à lancer le sien. "J'en avais marre d'entendre aux infos que c'était la faute des étudiants si le Covid-19 circulait, que les étudiants ne faisaient rien." Il lance Et ta flemme ? en décembre 2020. Le concept : mettre en avant chaque semaine le parcours d'un étudiant entrepreneur. "On est tous un peu flemmards, d'où le nom du podcast, mais j'ai eu envie de montrer qu'il y a des jeunes qui sont à l'origine de belles initiatives", ajoute l'étudiant. En janvier 2021, il se rend compte que le modèle de sa plateforme de formation audiovisuelle n'est pas viable. "La décision d'arrêter était très lourde à prendre, confie Théo, mais le podcast a remplacé cet échec-là." Alors qu'il avait commencé en contactant ses interlocuteurs sur les réseaux sociaux, "aujourd'hui, de plus en plus viennent d'eux-mêmes", se réjouit-il. Une quinzaine d'épisodes sont déjà sortis. Après l'obtention de son diplôme, Théo veut se consacrer entièrement à ses projets audiovisuels.