Employeurs, oubliez les idées reçues sur le télétravail

Par Fabien Renou

Employeurs, oubliez les idées reçues sur le télétravail

Travailler depuis chez soi, beaucoup en rêvent, peu y parviennent. Bien souvent, c'est l'employeur qui freine des quatre fers. Trop compliqué, trop flou, trop risqué... toutes les raisons sont bonnes pour rechigner à accorder à leurs salariés la possibilité de travailler à domicile, même quelques jours par mois. La France, très en retard dans le domaine, pâtit de cette frilosité des entreprises.

Pourtant, les avantages du télétravail sont nombreux, même pour l'employeur, et les difficultés s'avèrent aisément surmontables. Le Journal du Net bat en brèche les idées reçues sur le télétravail.

Idée reçue n°1 : chez eux, les salariés se tournent les pouces

Loin des yeux, loin du labeur. "Chez les employeurs existe une peur irrationnelle que les salariés ne travaillent pas lorsqu'ils sont chez eux", constate Guillaume Le Bleis, directeur France de Fotolia, une entreprise qui pratique le télétravail depuis ses débuts. Pourtant, lui constate au contraire que ses collaborateurs sont aussi consciencieux chez eux qu'au bureau.

Les responsables doivent, c'est vrai, accorder une certaine dose de confiance à leurs équipes en télétravail et ils peuvent éventuellement se montrer vigilants sur la production des collaborateurs qui pourraient se la couler douce. Avoir le poste de travail d'un collaborateur dans son champ de vision peut rassurer les managers les plus méfiants. Pourtant, le contrôle est possible, même à distance. "Lorsqu'un collaborateur arrive au bureau, je le vois, poursuit Guillaume Le Bleis. Mais lorsqu'il est chez lui et qu'il se connecte à 9 heures du matin, je le vois aussi." Reste que le plus souvent, quand le job est davantage tourné sur les résultats que sur les process, ce contrôle est inutile. Un collaborateur qui ne rend pas son dossier se fait toujours remarquer.

Idée reçue n°2 : le télétravail réduit la productivité

Paradoxalement, les journées des télétravailleurs peuvent apparaitre plus intenses que celles de leurs collègues restés au bureau. Chez eux, ils sont plus concentrés sur ce qu'ils font, moins dérangés par les visites inopportunes de collègues désœuvrés et moins soumis aux règles de bon voisinage. "Les pauses en télétravail durent moins longtemps, confirme Guillaume Le Bleis. Quand je travaille de chez moi, par exemple, je fume devant mon ordinateur. C'est 10 minutes de travail en plus !"

L'implication des travailleurs à domicile semble aussi très forte. "On observe, dans les entreprises qui ont choisi de se convertir au télétravail, un taux d'absentéisme plus réduit", indique Sophie Vandriessche, responsable Europe de la division Online Services chez Citrix, entreprise qui a publié un livre blanc sur le télétravail. Certains salariés sont davantage enclins à participer à une réunion virtuelle de bonne heure le lundi matin depuis chez eux que se lever deux heures plus tôt pour être dans la salle réservée à l'heure H.

Idée reçue n°3 : le télétravail, ça coûte cher

OK, sur le principe, vous voulez bien permettre à vos collaborateurs de travailler de temps à autres depuis chez eux. En revanche, vous craignez que cela ne plombe encore un peu plus vos finances. Détrompez-vous, le télétravail ne vous mènera pas à la ruine.

D'abord, les outils de travail à distance sont loin d'être hors de prix. "Une heure de réunion virtuelle coûte 38 euros, explique Sophie Vandriessche de Citrix, qui commercialise ce type de solutions. C'est bien moins cher que de prendre le train." Surtout, la majorité des outils utilisables au quotidien sont gratuits, au-delà de la participation à l'abonnement à Internet. Envoyer un e-mail, utiliser Skype ou partager des documents dans Dropbox ne coûte absolument rien. D'autant plus que les salariés sont généralement déjà équipés en téléphone et en matériel informatique. Mieux, certaines économies sont même envisageables : des locaux plus petits et donc un loyer moins cher, des frais de déplacements moindres...

Idée reçue n°4 : le domicile ne permet pas de travailler

Le bureau, c'est fait pour travailler. La maison, pour le reste. Déduction logique : le domicile n'est pas aussi adapté que l'open space pour vaquer à ses occupations professionnelles. A voir...

Si la présence d'un ouvrier sur la chaîne est indispensable à la production, le travail de bureau utilise des technologies qui peuvent aisément être utilisées loin des locaux de l'entreprise. "En plus des visioconférences, il est possible à distance de participer à des réunions, de suivre des formations, de faire une présentation, de partager des documents, etc, énumère Sophie Vandriessche. Le tout de manière sécurisée." Commerciaux, consultants et autres grands voyageurs savent très bien qu'ils n'ont pas besoin d'être au bureau pour avancer dans leur travail. D'ailleurs, même au bureau, la plupart des informations circulent par e-mails, y compris avec un collègue qui se trouve à deux mètres

Idée reçue n°5 : le cadre juridique est flou

Adopter le télétravail, c'est sortir des sentiers battus du travail de bureau et se risquer sur de nouveaux territoires organisationnels, pratiques mais aussi juridiques. Car un salarié, même s'il reste chez lui, demeure sous la responsabilité de son entreprise. Et les règles sont assez strictes.

"L'employeur doit par exemple répondre à l'obligation générale de sécurité des locaux, explique Guillaume Le Bleis. Nous réalisons systématiquement un audit du logement afin de nous assurer des conditions de travail à domicile, ce qui est assez contraignant." Plus généralement, les conditions juridiques du passage au travail à domicile s'éclaircissent : la loi du 22 mars 2012 prévoit l'entrée du télétravail dans le Code du travail. Concrètement, le législateur précise que le télétravail est volontaire, tant pour l'employeur que le salarié, mais aussi réversible. Si tous les cas particulier ne sont pas encore prévus par la loi, le cadre général reste, lui, très défini.

Idée reçue n°6 : le lien entre collègues se délite

Tout le monde a conscience que les relations interpersonnelles au travail ne se limitent pas aux réunions de travail. Prendre le café avec un voisin de bureau, déjeuner avec l'équipe et même prendre l'ascenseur avec un lointain collègue donnent lieu à autant de discussions informelles qui participent à la bonne marche de l'entreprise au quotidien.

Est-ce à dire que le télétravail conduit à la ruine du lien social entre collaborateurs ? Pas vraiment. Car, bien souvent, il ne représente qu'une partie du temps de travail. D'après une étude menée par Citrix, 64% des télétravailleurs s'éloignent du bureau moins d'une semaine par mois en France. Chez Fotolia, par exemple, les salariés sont absents un jour par semaine en moyenne. Autant dire qu'un télétravailleur lambda n'est pas plus coupé de ses collègues que le commercial qui visite ses clients ou le parent qui prend son mercredi pour s'occuper de ses enfants.

Idée reçue n°7 : le télétravail n'est adapté qu'à peu de métiers

Le télétravail, dans le fond, vous n'êtes pas contre, mais uniquement chez les autres. A vous écouter, ce mode d'organisation n'est pas adapté à votre entreprise, votre activité ou votre secteur. C'est peut-être vrai, certains jobs exigent une présence physique permanente, mais mieux vaut y réfléchir à deux fois pour en être sûr.

D'après les estimations du Conseil d'analyse stratégique (CAS), 28% de la population active occupée auraient pu télétravailler en 2008. Et les choses évoluent vite : le même rapport du CAS évalue à 50% la part des emplois qui seraient potentiellement concernés par le télétravail en 2015. Cette évolution traduit moins une transformation radicale de l'emploi en France que la diffusion des nouvelles technologies dans tous les secteurs d'activité. Autant dire qu'il devient de plus en plus douteux d'expliquer le refus du télétravail par les particularités de son métier.

Idée reçue n°8 : le télétravail éloigne le salarié de l'entreprise

Laisser un salarié chez lui, n'est-ce pas le rejeter de l'entreprise ? En réduisant sa présence physique dans les locaux de la boîte, le travailleur ne s'éloigne-t-il pas du centre de décision ?

Le constat doit être bien plus mesuré. "Les salariés, au bureau ou chez eux, font preuve de sérieux dans leur travail, remarque Guillaume Le Bleis. Le télétravail a même tendance à responsabiliser les collaborateurs." L'implication des salariés peut donc se trouver renforcée par l'autonomie dont ils bénéficient. Mieux : autoriser les salariés à travailler depuis chez eux un ou deux jours par semaine renforce leur attachement à l'entreprise. Moins stressés, mieux au quotidien, les télétravailleurs voient croître leur fidélité à l'entreprise. C'est même devenu l'un des nouveaux éléments de la marque employeur afin d'attirer les nouveaux talents. Autant dire qu'on est loin de la mise à l'écart...